La contestation antigouvernementale a repris en Irak, où des heurts ont fait huit morts vendredi à Bagdad et dans le sud du pays. Alors que ce mouvement a été endeuillé début octobre par la mort de 150 personnes en une semaine, le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d’Irak, a appelé vendredi les forces de sécurité et les manifestants à la « retenue » pour éviter le « chaos ».
La contestation antigouvernementale a repris en Irak, où des heurts ont fait huit morts vendredi à Bagdad et dans le sud du pays, après un premier épisode meurtrier au début du mois.
Alors que ce mouvement a été endeuillé début octobre par la mort de 150 personnes en une semaine, le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d’Irak, a appelé vendredi les forces de sécurité et les manifestants à la « retenue » pour éviter le « chaos ».
Mais au cours de la journée, cinq manifestants ont été tués par balles à Nassiriya (sud), deux autres à Bagdad, touchés mortellement par des grenades lacrymogènes et assourdissantes, et un huitième est mort dans les incendies qui ont visé une dizaine de sièges de partis politiques à Samawa, également dans le sud du pays, selon des sources médicales et policières.
A Nassiriya, bastion historique de la révolte en Irak où 25 personnes sont mortes lors des manifestations début octobre, les manifestants ont également incendié le siège du gouvernorat, alors que les rassemblements continuaient dans la plupart des villes du sud et sur l’emblématique place Tahrir à Bagdad.
A Bagdad, les forces de sécurité ont tiré des barrages de grenades lacrymogènes et assourdissantes pour repousser vers la place Tahrir les manifestants qui tentaient d’entrer dans la Zone verte non loin, où siègent le pouvoir irakien et l’ambassade des Etats-Unis. Des centaines de personnes ont été blessées.
Partisans de Sadr
Dans son sermon de la mi-journée le grand ayatollah Sistani a de nouveau appelé à des réformes et à la fin de la corruption, l’une des revendications premières des manifestants. Il n’a pas néanmoins indiqué, comme il l’a déjà fait par le passé avec d’autres Premiers ministres, qu’il se désolidarisait du Premier ministre Adel Abdel Mahdi.
C’est pourtant M. Abdel Mahdi, entré en fonctions il y a un an jour pour jour, que la rue tient vendredi pour responsable de ses maux, comme l’ensemble de la classe politique d’Irak, 12e pays le plus corrompu au monde.
« Adel Abdel Mahdi nous ment », ont crié des manifestants, après un nouveau discours dans la nuit durant lequel il a annoncé des mesures sociales et réformes législatives sans proposer des changements radicaux réclamés par la contestation: une nouvelle Constitution et une classe politique renouvelée.
« Ce sont tous des voleurs, ils mentent en promettant des emplois et quand on manifeste, ils nous tirent dessus avec des grenades lacrymogènes », s’est emporté un jeune manifestant, drapeau national sur les épaules.
C’est sur la place Tahrir que le mouvement de contestation a repris jeudi soir après de nouveaux appels à manifester relayés sur les réseaux sociaux.
La prochaine étape de l’escalade redoutée est l’arrivée dans la rue des nombreux partisans du turbulent leader chiite Moqtada Sadr. En 2016, ces derniers avaient occupé les institutions du pays dans la Zone verte.
Soutien du Hachd
Les manifestants n’ont qu’un mot d’ordre, « la chute du régime des voleurs », dans un riche pays pétrolier en pénurie chronique d’électricité et d’eau potable et, surtout, miné par la corruption.
Déclenchées spontanément le 1er octobre par des appels sur les réseaux sociaux, les manifestations avaient été marquées jusqu’au 6 octobre par la mort de 157 personnes, quasiment tous des manifestants et en très grande majorité à Bagdad, selon le bilan officiel.
Ce mouvement spontané est le premier du genre en Irak.
« Je veux ma part du pétrole », a lancé une manifestante place Tahrir, alors que 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté dans ce pays à majorité chiite.
« On a besoin d’un pays, c’est tout », s’époumone un autre, sans « les soi-disant représentants du peuple qui ont accaparé toutes les ressources ».
Le gouvernement peut toutefois toujours compter sur le puissant Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires dominée par les milices chiites pro-Iran. Plusieurs de ses chefs lui ont dit leur « confiance ».
Comme début octobre, le Kurdistan autonome (nord) s’est tenue loin des turbulences.
Dans le nord et l’ouest, majoritairement sunnites et repris il y a deux ans au groupe jihadiste Etat islamique (EI), personne n’a défilé, les militants disant redouter d’être réprimés et accusés de « terrorisme » ou de « soutien à l’ex-régime de Saddam Hussein ».
(avec Afp)