vendredi , 6 novembre 2020
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Fatshi, President de la RDC en train de parler, en tenant un micro entre ses mains.
Fatshi, President de la RDC en train de parler, en tenant un micro entre ses mains.

Fatshi : Le guignol qui ne trouvera pas la formule magique avec son gouvernement de prisme kabiliste

Il ne faut pas être un érudit de première catégorie pour comprendre que le contexte dans lequel se sont déroulées de longues négociations de partage du « gâteau » comme dans un film de western et le mélange de genres ou cultures politiques sous l’autel d’une cohabitation dont la fiction dépasse la réalité, ne peuvent inciter à l’optimisme. A ce registre du pouvoir bicéphale, il y a cette annonce de Tshisekedi faite à Luanda le mercredi 21 août qui relève de l’amateurisme du président congolais affirmant rencontrer jeudi 22 dès son retour à Kinshsa le premier ministre afin que ce dernier lui présente la dernière mouture du gouvernement, malheureusement Mr Sylvestre Ilunga Ilukamba n’était pas prêt. Une occasion qui illustre que Tshisekedi ne maîtrise pas son propre tempo et il n’existe pas par lui-même. Il est assez stupide de faire des annonces irréfléchies en affirmant davantage qu’il fallait des mois pour se connaître dans la coalition. Mais qu’a-t-il fait Tshisekedi durant tout le temps où il était dans l’opposition pour mieux connaître les hommes politiques congolais ? Tout en situant ce premier gouvernement, il convient de se demander dans quelle mesure s’inscrit il dans la dynamique de changement pour produire des avantages sociaux en termes de création d’emploi, de recettes fiscales et pour redistribuer les richesses nationales par la gestion efficiente de toutes le ressources nationales ? En observant les différents porte-feuilles clés de l’Etat, il est évident que nous puissions affirmer que ce gouvernement ne représente aucune garantie en termes d’efficacité et de renouveau. Comment Tshisekedi aura-t-il la capacité par exemple de capturer toutes les concessions minières, poumon économique de la Rdc quand un oligarque comme Kabila continue d’avoir sa main mise sur les domaines névralgiques ? Est-ce le nombre de nouveaux visages dans ce gouvernement qui compte pour amorcer la rupture avec le vieux système et inscrire le pays dans la spirale du progrès ? Pour ceux qui connaissent bien les arcanes du pouvoir à Kinshasa sans oublier le contexte d’ascension de Felix Tshisekedi à la magistrature suprême, l’horizon paraît sombre.

Qu’attendre d’un gouvernement issu d’une coalition abracadabrantesque

La séquence des différentes démarches de négociation entre le Fcc et le Cach afin d’accoucher d’un gouvernement de cohabitation est illustrative de la fresque du système politique dont l’entrée des ministres dans le gouvernement constitue l’opportunité de se servir et non de servir le peuple. Quels que soient les discours du nouveau président faits pour distraire les congolais dans cette configuration de deal avec Kabila, nous constatons que Tshisekedi est durablement rentré dans un contexte où les événements s’imposent à lui et il n’est même pas maître de son destin. La question la plus importante est celle de savoir les marges de manoeuvre du chef de l’Etat ? Certes le simple fait de voir un gouvernement dont les trois-quarts de ministres n’ont jamais occupé de postes dans un gouvernement ne constitue pas à fortiori la garantie de la bonne gouvernance et de l’éthique politique , en outre 65 % des ministres sont pro Kabila. Sont- ils des hommes nouveaux en politique comme le laissent entendre de nombreux observateurs ? L’homme nouveau en politique désigne l’ acteur qui incarne de par sa vision de la res publica un changement de mentalité, d’éthique politique ou une autre façon de faire de la politique.

Mais que constatons nous ? Avec Tshisekedi, les mêmes pratiques de pillage ou du vol des deniers publics que nous décrions, se poursuivent. Où sont partis par exemple les 15 millions de dollars américains qui ont abouti dans des comptes privés au lieu d’être transférés dans les caisses de l’Etat selon les inspecteurs des finances ? Ces millions destinés à compenser les sociétés pétrolières suite au gel des prix à la pompe en 2017 ont perdu la trace. Est ce que la Rdc est sortie de l’ère des pilleurs et nouveaux pilleurs ? Est-ce que la solution à la problématique du développement est elle liée soit à la qualité intrinsèque des acteurs politiques ou soit au nouveau visage des ministres ? Notre discours exige de la lucidité intellectuelle pour ne pas tomber dans l’enfumage politique.

La présidence actuelle n’inspire aucun espoir comme nous ne le cessons de le marteler. Nous sommes dans une culture d’inféodation où le président guignol doit toujours savoir négocier avec Kabila. Tshisekedi ne peut paraître dans cette optique comme un leader et une figure incarnant tous les espoirs. Dans le contexte actuel de tout pourri, du système de pillage ou du vol des deniers publics, la nécessité de rompre avec Kabila allait demeurer impérieuse au regard du désastre national. Une parabole de la Bible dit : « Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit, car elle emporterait une partie de l’habit et la déchirure serait pire. On met le vin nouveau dans des outres neuves, et le vin et les outres se conservent ».

Dans le fond d’un gouvernement pléthorique et budgétivore, le désarroi des congolais ne peut être que profond dans un contexte de crise économique et du coût des ministres. Pour sortir du sous-développement, il faut un président fort maître de son destin, capable d’imposer son tempo et de rompre avec le vieux système mafieux, criminel. Malheureusement, le pic de ce deal conclu entre Kabila et Tshisekedi, c’est de pérenniser cet ordre ancien en s’abreuvant du sang de la population congolaise. Un dictateur reste toujours un dictateur : d’ailleurs notre libération se réalisera avant tout en luttant contre ce système incarné par Kabila.

Le rapport de force en faveur de Kabila

Il est évident que les dictateurs ne comprennent le pouvoir que dans un rapport de force. C’est vrai que cela constitue la menace contre la démocratie puisque les puissances d’argent détruisent les valeurs politiques dans un pays comme la Rdc trop fragile. Et il faut ajouter que la corruption aggravée, la médiocrité de la classe politique, la cupidité exagérée et le nivellement par le bas influent davantage dans ce rapport de force. Mais que faire ? Il fallait à la Rdc un nouveau président à contrario de Tshisekedi incarnant un leadership fort pour casser cette relation en Rdc devenue un modus vivendi et operandi : relation entre dominant et dominé s’enracinant sur la loi du plus fort sur le pauvre, mettre un terme à la captation par le clan Kabila des ressources minières du Congo.

Le gouvernement Tshisekedi ne va pas s’inscrire dans la lutte contre l’opacité des groupes miniers appartenant à Kabila ayant fait des milliards de dollars américains sur le dos de la population congolaise. Tshisekedi apparaîtra comme ce guignol qui vient pour amuser la galerie et se servir. Dans le nouveau macrocosme politique, le chef de l’Etat sera inerte avec son gouvernement face au chef du cartel de la mafia congolaise, Joseph Escobar Kabila. Est ce que le président congolais saura-t-il agir en aval et en amont pour cartographier des nébuleuses entreprises avec leurs structures sophistiquées de détournement et de placement des fonds dans des paradis fiscaux ?

Quelle que soit la volonté politique de ce nouveau gouvernement, le changement qu’attendent les congolais ne se fera pas avec des ministres et un président issus de cultures politiques différentes et ayant des ADN politiques diamétralement opposés formant une cohabitation abracadabrantesque. La problématique du développement de la Rdc réside dans l’état d’esprit des hommes politiques de faire autrement la politique puisque le mal profond du pays se résume aux déficits démocratiques notamment la bonne gouvernance, l’indépendance de l’appareil judiciaire avec comme corollaire la lutte contre l’impunité, le respect des droits de l’homme s’enracinant surtout sur le droit à la vie passant par des salaires décents, déficits ayant caractérisés le système Kabila.

Felix Tshisekedi continuera sa présidence avec l’épée de Kabila sur sa tête puisqu’il ne sera pas en situation de faire son travail en devenant maître de son destin. Le président congolais ne saura s’affranchir de celui qui lui a offert le pouvoir sur un plateau d’argent. Mais pour combien de temps tiendra ce deal ? Mêmes si les avis sont partagés compte tenu des comportements des hommes politiques congolais, nous retiendrons ce qu’Herman Cohen affirme : ce mariage entre Tshisekedi et Kabila ne durera pas plus d’un an. Quelle que soit la longévité de cette présidence, nous demandons aux congolais de se réveiller avant qu’il ne soit trop tard. Nous devons entrer dans une logique de compétition , de lutte permanente pour prendre relève dans les prochaines élections et surtout changer de système politique qui a trop meurtri le peuple congolais.

(Professeur Florent Kaniki)

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