vendredi , 6 novembre 2020
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Fatshi : Un homme seul, livré à lui-même !

Ils sont une centaine, recrutée dans la diaspora, loin de la 12ème Rue Limete, quartier général de l’Udps. Ils forment cette armée de conseillers du chef de l’État, Félix Tshisekedi. Chacun a cherché à se doter d’un titre – pompeux pour la plupart – pour peser dans la cour. C’est cette race de « conseilleurs » qui entoure le chef de l’État. C’est avec cette bande de jouisseurs, sans idéal ni vision pour La République, qu’est géré la République à partir de la présidence. Ils sont depuis lors tenus en haleine par la famille politique de Joseph Kabila. Avec eux, le président de la République s’éloigne de plus en plus de son peuple. Tout comme de sa base, l’Udps, qui l’a fait roi. À la présidence, Félix Tshisekedi est un homme seul, livré à lui-même. Son entourage ne l’aide pas à avancer dans la bonne direction.

En 59 ans d’un État indépendant, la République démocratique du Congo a déjà quatre expériences de gouvernance à la tête de la République. Il y a Joseph Kasa-Vubu entre 1960 et 1965, puis le long passage dans le désert avec Mobutu de 1965 à 1997 ; enfin, le pays s’est livré à la triste expérience de l’AFDL qui est parti de 1997 jusqu’en 2001. Avec l’avènement de Joseph Kabila à la magistrature suprême en 2001, l’AFDL s’est mué en un vaste mouvement de prédation qui aura tenu en otage toute la République pendant 18 ans.

Depuis le 24 janvier 2019, la RDC expérimente une nouvelle forme de gouvernance, celle incarnée par le chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi. L’avènement du fils de Sphinx de Limete a suscité maints espoirs, ouvrant la RDC à la nouvelle dynamique d’une alternance démocratique et pacifique au sommet de l’État. Tous ont applaudi l’arrivée au pouvoir du « Fils de l’Homme », présenté comme « Josué », venu concrétiser le combat de son mentor, « le Moïse », Étienne Tshisekedi, d’heureuse mémoire.

Hélas ! Très vite, les espoirs du 24 avril 2019 ont commencé à s’émousser. Au siège de  l’Udps, à la 12ème Rue Limete, dans la ville de Kinshasa, la nomination du cabinet du président de la République a été à la base de premières frictions. Jadis secrétaire général adjoint de l’Udps chargé des relations extérieures, avec Bruxelles comme point d’ancrage, Félix Tshisekedi s’est donc rabattu sur la diaspora congolaise pour composer son état-major. Ils sont venus de toutes parts : États-Unis, Canada, France, Belgique, Royaume-Uni et bien d’autres.

Des titres au contenu creux

Dans la cour du président, chacun a cherché à se couvrir d’un titre pour se rassurer une très bonne place au soleil. Outre les fonctions consacrées à la présidence de la République, les titres ne riment forcément pas avec la fonction occupée. Certains sont « envoyés spéciaux », d’autres se retrouvent dans le rôle d’« assistants techniques ou d’ambassadeurs itinérants ». L’essentiel, c’est d’avoir droit au chapitre dans la cour.

En réalité, ils ne sont pas là pour la République. À la présidence de la République, le crédo est connu du grand public : « se servir et non servir ». À ce titre, leur motivation est ailleurs. L’avenir du pays et le bonheur du peuple congolais ne sont pas dans leur agenda. Le temps s’égrène. En l’espace d’un mandat – à peine cinq ans – tout peut arriver. Aussi, autour du chef de l’État, tout le monde s’est mis en mouvement, à la recherche de la pitance pour garantir les arrières. « Rachetez le temps », se dit-on, car les prochains jours sont imprévisibles. Ainsi va la vie à la présidence de la République.

On ne peut donc pas s’étonner que les choses ne semblent avancer, alors que les défis à relever sont immenses. Dans l’entourage du chef de l’État, la nomination d’un gouvernement n’est pas une urgence. C’est plutôt une aubaine pour l’armée de « conseilleurs » qui arpentent les couloirs de la présidence de la République. Ils sont plus jouisseurs que consacrés à ramener le peuple à dresser ses fronts pour bâtir un pays plus beau qu’avant. À la présidence de la République, une nouvelle race de conseillers, bon chic bon genre, a vu le jour. À dire vrai, tout le monde est « commissionnaire », à la quête d’un marché public pour bénéficier des opérations retour. L’investissement onéreux des sauts-de-mouton, lancés dans un désordre indescriptible, sans planification ni programmation, en est une belle illustration.

Tout a été lancé dans la précipitation ; l’essentiel étant de boucler le dossier avant la mise en place du gouvernement. En fin de compte, des gens, à différents niveaux, c’est-à-dire de la présidence de la République jusqu’à l’entreprise exécutante, se sont servis. Pendant ce temps, sur le terrain, les sauts-de-mouton ne sont plus loin d’être qu’un mauvais souvenir des « éléphants blancs » décriés de triste mémoire sous la 2ème République.

Que dire de ces marchés de gré à gré, conçus dans l’opacité totale directement au niveau de la présidence de la République ? Dans ce chapitre, les exemples sont légion.

Chassez  le naturel, il revient au galop. Ce vieil adage trouve une explication à la présidence. Entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, tout se passe comme si l’on avait déshabillé saint Paul pour habiller saint Pierre. Qui pis est, avec Kabila, il y avait une certaine pudeur dans les actes de gestion. Mais, au moment où trône à la présidence de la République un chantre du changement, c’est la gabegie qui est au rendez-vous.

Tout récemment, le chef de l’État a tiré la sonnette d’alarme, dénonçant l’affairisme qui s’enracinait à la présidence de la République. C’est un signal fort qui ne trompe pas. En allant recruter dans une diaspora déconnectée des réalités du pays, le chef de l’État s’est lancé dans un pari fou. Il s’est presque tiré une balle dans les pieds. En tout cas, ce n’est pas avec cette horde de « conseilleurs » qu’il va réaliser, en l’espace de cinq ans, son vœu de changement. Il est déjà en train de s’enfoncer. Le fossé entre Félix Tshisekedi et la base de l’Udps s’élargit au jour le jour. Bientôt, il sera dans la position d’un homme seul. Il faut craindre que la base de l’Udps ne le rejette indéfiniment. Ce qui sera une catastrophe pour son avenir politique. En réalité, 2023 n’est pas si loin. C’est dans quatre ans et quelques mois déjà !

Politiquement affaibli

En s’éloignant de ceux qui, depuis toujours, ont porté et défendu le flambeau du parti, le fils de « Ya Tshitshi » s’est rendu dans la position d’une proie facile vis-à-vis du FCC. Les négociations autour de la répartition au sein du gouvernement ont démontré les graves déséquilibres dans la coalition qui lie le FCC au CACH. En effet, chaque jour qui passe, Félix Tshisekedi redonne davantage des arguments à Joseph Kabila, autorité mitrale du FCC, pour l’affaiblir.

La présidence de la République n’est plus ce lieu de l’excellence. Ce n’est plus cette forteresse indétrônable où bat le cœur de la nation. C’est devenu totalement un lieu perméable où des documents classés « top secret » peuvent se retrouver sur la place publique dès leurs signatures. Le lieu a été désacralisé. À qui la faute ? C’est la question que tout le monde se pose.

Sans stratégie innovante pour le chef de l’État, les premiers pas de la présidence de Félix Tshisekedi ne sont pas rassurants. Il n’est pas trop tard pour nettoyer les écuries d’Augias, c’est-à-dire se débarrasser de ces « bois morts » qui font la honte de la présidence de la République.

Un cancer se développe à la présidence de la République. Le peuple, qui n’est pas dupe, ne le laissera pas progresser jusqu’au stade de métastase. Tous ces « conseilleurs », qui polluent sérieusement le mandat du chef de l’Etat, sont suivis à la loupe. Par devoir citoyen.

(avec lePotentiel)

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