vendredi , 6 novembre 2020
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Vue de dos - Fatshi, president de la RDC, en train de monter sur un avion.
Vue de dos - Fatshi, president de la RDC, en train de monter sur un avion.

Fatshi : Le deal conclu avec le diable « Kabila »

En réalité, tout ce qui arrive aujourd’hui à Félix Tshisekedi était prévisible. En effet, l’on peut expliquer la tourmente politique dans laquelle il se retrouve par le deal politique qu’il a conclu avec le diable Kabila dans le cadre de la présidentielle pour usurper le pouvoir au malheureux Martin Fayulu. C’est cette fameuse « solution à la Congolaise » pour reprendre l’expression de Le Drian, chef de la diplomatie française, qui est en train de le rattraper aujourd’hui. Et cela n’est pas sans rappeler un proverbe burkinabè selon lequel « la poule de la perfidie ne peut pas produire des poussins ». En tout cas, Félix Tshisekedi est bien placé aujourd’hui pour apprécier la véracité de cette sagesse. Fin connaisseur de l’Afrique subsaharienne, Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, prédit une fin tragique à l’accord qui lie Tshisekedi à Kabila. Il est convaincu que cet accord ne tiendra pas une année.

Cinq mois après son élection à la tête de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi est aujourd’hui dans une situation politique inconfortable. En effet, l’homme est pris entre le marteau de son allié de circonstance, le Front commun pour le Congo (FCC) de l’ex-président Joseph Kabila et l’enclume de ses anciens camarades de l’opposition, dont certains l’accusent frontalement de poser des actes, de connivence avec l’ancien président, tendant à « assassiner l’Etat de droit et la démocratie ». 

Cette flèche a été décochée à son endroit par Martin Fayulu, après que la Cour constitutionnelle a déchu de leur qualité de député, plusieurs élus de l’opposition, dans le cadre du contentieux électoral relatif aux législatives du 30 décembre 2018. En réalité, tout ce qui arrive aujourd’hui à Félix Tshisekedi était prévisible. En effet, l’on peut expliquer la tourmente politique dans laquelle il se retrouve par le deal politique qu’il a conclu avec le diable Kabila dans le cadre de la présidentielle pour usurper le pouvoir au malheureux Martin Fayulu. 

C’est cette fameuse « solution à la Congolaise » pour reprendre l’expression de Le Drian, chef de la diplomatie française, qui est en train de le rattraper aujourd’hui. Et cela n’est pas sans rappeler un proverbe burkinabè selon lequel « la poule de la perfidie ne peut pas produire des poussins ». En tout cas, Félix Tshisekedi est bien placé aujourd’hui pour apprécier la véracité de cette sagesse. 

En effet, ses ennuis politiques fusent de partout. Il y a d’abord les soucis politiques liés à son alliance politique avec le FCC de Joseph Kabila. La position hyper- hégémonique de celui-ci dans les deux Chambres du parlement, fait qu’aujourd’hui, Tshisekedi est réduit à la position humiliante d’un président qui est juste là pour inaugurer les chrysanthèmes. La preuve, s’il en est encore besoin, c’est que cinq mois après son élection, il est dans l’incapacité de former son premier gouvernement.

Fatshi risque de trimballer son manque de légitimité comme un boulet à son pied

Rien que le vendredi dernier, le président a reçu une volée de bois vert à l’Assemblée nationale de la part des députés FCC, pour avoir nommé des personnalités qui ne sont pas à leur goût, à la tête de deux entreprises publiques. Ce recadrage sans management du président par la coalition pro-Kabila, a suscité l’ire de centaines de militants du parti présidentiel qui ont envahi le siège du parlement pour manifester leur mécontentement. 

Face à tout cela, le président est obligé d’adopter un profil bas pour ne pas fâcher l’homme dont la manœuvre lui a permis d’être roi, c’est-à-dire Kabila. Et cette humiliation n’est que le début du commencement. Le pire pourrait être à venir. En effet, l’on peut s’attendre, dans la composition du gouvernement, à ce que Kabila s’arroge tous les postes de souveraineté pour ne laisser au président que les maroquins de moindre importance.

La deuxième catégorie des ennuis de Tshisekedi lui vient de l’opposition, portée aujourd’hui par Martin Fayulu. Celle-ci est vent debout contre lui, suite à l’invalidation, par la Cour constitutionnelle, des mandats des députés membres de la coalition des opposants Moïse Katumbi et Jean Pierre Bemba. Les partisans de ce dernier ont promis de battre le macadam demain pour protester contre ce qu’ils appellent « l’assassinat définitif de l’Etat de droit et de la démocratie » par l’alliance incestueuse Kabila-Tshisekedi. Et on peut leur donner raison d’avoir opté pour cela. En effet, il est de notoriété publique que les membres actuels de la Cour constitutionnelle roulent pour Kabila. Ce sont eux qui ont tripatouillé les résultats de la présidentielle sur instruction de leur mentor, pour déclarer Tshisekedi gagnant du scrutin. 

Cette manœuvre est connue de tous. A commencer par l’Eglise catholique et la communauté internationale. Seulement, les uns et les autres ont préféré la stabilité à l’éthique du scrutin. Légalement donc, c’est Félix Tshisekedi qui a été élu mais légitimement, c’est autre chose. Et il risque de trimballer ce manque de légitimité comme un boulet à son pied tout au long de son mandat. La troisième et dernière adversité qui se dresse sur le chemin du président, est liée paradoxalement à la base de son parti. 

Au rythme où vont les choses, il n’est pas exclu que celle-ci le désavoue pour trahison. Déjà, elle supporte de plus en plus mal les accointances de leur mentor avec Kabila. Bref, aujourd’hui, le président est dans la tourmente à cause, peut-on dire, de son deal politique avec Kabila. Et la seule sortie honorable pour lui pourrait consister à restituer à Martin Fayulu ce qu’il lui avait volé, de connivence avec Kabila. Il peut aussi envisager la dissolution du parlement pour atténuer les choses. Mais une chose est d’y penser, une autre d’y arriver.

NE PAS PRENDRE LE PAYS EN OTAGE

Six mois après l’investiture du président Félix Tshisekedi, la République démocratique du Congo n’a toujours pas de gouvernement. Nommé depuis le 20 mai, le Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, continue encore à se tourner les pouces. Les négociations entre les délégués de deux parties piétinent alors que le dénouement est entre les mains de Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, les deux détenteurs du deal FCC-CACH. L’opinion leur demande de ne pas prendre le pays en otage.

La République démocratique du Congo tourne au ralenti. C’est le moins que l’on puisse dire. La nomination depuis le 20 mai 2019 du Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, n’a pas non plus résolu le problème. Bien au contraire, il a fait remonter à la surface les nombreux clivages qui minent la coalition FCC – CACH. Si bien que, six mois après son investiture, le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi ne sait pas donner à la RDC son gouvernement. 

A Kisantu, dans le Kongo Central, où ont pris l’habitude de se réunir les délégués de la coalition au pouvoir, les discussions piétinent. On est encore loin de la fumée blanche tant attendue. 

Pendant ce temps, le Premier ministre nommé se pavane dans la capitale, loin de chaudes empoignades de Kisantu. Comme tous les Congolais, Sylvestre Ilunga Ilunkamba attend, lui aussi, son gouvernement. Apparemment, le chef du gouvernement n’est pas associé aux négociations entre le FCC et le CACH. Dans son entourage, on apprend néanmoins que le professeur Ilunga Ilunkamba a nommé une équipe restreinte qui travaille sur la remise et reprise avec Bruno Tshibala. Puis, plus rien.

En réalité, la nomination des membres de son gouvernement ne dépend pas de lui. C’est un dossier qui se négocie entre le président Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, autorité morale du FCC. 

A ce jour, les deux personnalités n’ont pas encore dégagé un compromis sur la mouture exacte du gouvernement. A un moment, les ministères régaliens étaient la pomme de discorde. Mais, aux dernières nouvelles, on apprend que le président Félix Tshisekedi a obtenu gain de cause en s’adjugeant le contrôle de tous ces ministères, y compris les Finances. Mais, dans le choix des personnalités, dit-on, Kabila n’aurait pas encore dit son dernier mot. D’où, le blocage.

Blocage en vue

A y voir de plus près, c’est le pays qui est bloqué. La RDC se trouve presqu’au point mort. En lieu et place d’un gouvernement, investi de tous les pouvoirs, le chef de l’Etat gère avec son directeur de cabinet qui change de rôle au gré des circonstances. Tantôt, il fait office de vice-président de la République, tantôt de Premier ministre, se substituant par moment à un ministre sectoriel. C’est dans cet assemblage institutionnel sorti de nulle part que se gère aujourd’hui la République démocratique du Congo.

Dans les rangs du FCC, regroupement politique majoritaire à l’Assemblée nationale, mais alliée au CACH au sein de la majorité parlementaire, cette gestion atypique du pays commence à gêner. Dans l’entourage de Joseph Kabila, des langues sont prêtes à se délier. Le débat houleux qu’il y a eu dernièrement à l’Assemblée nationale en est juste le prélude. Il y a bel et bien des étincelles en l’air au sein de la coalition FCC – CACH. De même, dans l’opinion qui ne cache plus ses frustrations.

En réalité, c’est le pays qui est pris en otage par deux personnes qui tardent à se mettre d’accord autour du deal qu’ils ont conclu après les élections générales du 30 décembre 2018. Embourbés dans des contradictions dont ils sont les seuls à en maîtriser le secret, Félix Tshisekedi et Joseph Kabila ne peuvent pas hypothéquer l’avenir de tout un peuple, juste pour protéger leur égo, apparemment surdimensionné. 

Avec autant de défis qui s’offrent à la RDC aussi bien en termes économiques, sociaux et environnementaux, il est inconcevable que le pays n’ait toujours pas de gouvernement, six mois après l’investiture d’un président élu, Félix Tshisekedi. C’est tout l’avenir d’un pays et le devenir d’une nation qui sont sacrifiés sur l’autel des calculs politiciens. 

Que dire alors du deal qui lie Tshisekedi à Kabila ? Personne n’en connaît le contenu. Toutefois, une chose est vraie : l’accord FCC – CACH n’a pas été conclu pour le bien du peuple congolais. Tout a été réduit aux individus. Il faut dès lors craindre un soulèvement populaire pour réclamer ce qui revient de droit au souverain primaire, c’est-à-dire vivre en paix et bénéficier des richesses du pays de ses ancêtres.

Fin connaisseur de l’Afrique subsaharienne, Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, prédit une fin tragique à l’accord qui lie Tshisekedi à Kabila. Il est convaincu que cet accord ne tiendra pas une année.

Pendant ce temps, c’est tout le pays qui s’arrête, suspendu à ce que décideront Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. Evidemment, le temps s’égrène et la RDC plonge petit à petit dans une crise institutionnelle. Nombreux sont ceux qui demandent aux deux alliés de ne prendre encore longtemps le pays en otage.

GOUVERNEMENT : FATSHI AURA LE CONTRÔLE DE TOUS LES MINISTÈRES RÉGALIENS ?

Entre le FCC et le CACH, les discussions sont très avancées sur la formation du gouvernement. Dans les couloirs de la présidence, une date est sur toutes les lèvres, le 15 juillet prochain. Il aura, apprend-on, le contrôle des ministères régaliens, à savoir la Défense, l’Intérieur, les Affaires étrangères, la Justice, avec en prime les Finances. Le FCC a fini par capituler. Le chef de l’Etat pourrait bien, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, piocher tout autant dans le FCC que dans le CACH. Le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba peut enfin se mettre au boulot.

Nommé au poste de Premier ministre, le 20 mai 2019, le gouvernement Ilunga Ilunkamba se fait toujours attendre. Entre les délégués du FCC et ceux du CACH qui ont pris l’habitude de se retrancher à Mbuela Lodge, à Kisantu, dans le Kongo Central, les discussions sont très avancées. 

Pour l’instant, les parties sont néanmoins encore loin de s’accorder sur le quota de chaque regroupement. Au départ, les délégués ont entamé les discussions sur une base de 80% des postes ministériels pour le FCC, contre 20% pour le CACH. Avec le temps, cette grille a sérieusement évolué. De Kisantu, l’on apprend que le CACH pense ramener son quota à 45%, alors que le FCC lui propose 26% des postes. Sur ce point précis, tout reste ouvert.

On sait néanmoins que l’attribution des ministères régaliens ne pose plus problème. En effet, se servant des prérogatives que lui confère la Constitution, le chef de l’Etat est parvenu à reprendre le plein pouvoir sur les quatre ministères régaliens, à savoir la Défense, l’Intérieur, les Affaires étrangères et la Justice. Le président de la République aura également en prime le ministère des Finances. Pour le chef de l’Etat, cette disposition ne devait donc plus être remise sur la table des discussions.

Quant aux nominations à ces postes clés, il n’est pas forcément établi que le FCC ait la priorité. Seul le chef de l’Etat tranchera à ce sujet, au regard de son pouvoir discrétionnaire. Néanmoins, il n’est pas exclu que le président de la République lorgne vers le FCC, la nouveauté étant que l’autorité morale du FCC, à savoir Joseph Kabila, ne devrait plus s’imposer dans ce choix. Le dernier mot reviendra au président Félix Tshisekedi.

Plein pouvoir sur les ministères régaliens

Dans l’entourage du chef de l’Etat, on se félicite de cette avancée qui lui redonne enfin toute son envergure. 

« Un président qui n’a pas le contrôle de ces ministères régaliens n’est pas un président », a dit sous couvert de l’anonymat un membre influent du cabinet du chef de l’Etat. Félix Tshisekedi et Joseph Kabila se seraient aussi mis d’accord sur ce point précis. 

L’autre révélation, c’est que les négociateurs de deux camps ont jusqu’au 15 juillet prochain pour dégager une mouture finale du gouvernement Ilunga Ilunkamba. L’Assemblée nationale pourrait tout aussi se retrouver en session extraordinaire au mois de juillet pour l’investiture du gouvernement. A la clôture, samedi dernier, de la session ordinaire de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, sa présidente, a presque effleuré la question, sans aller dans les détails.

La formation du gouvernement aborde sa dernière ligne droite. Tout est prêt ou presque. En tout cas, une bonne partie de questions qui fâchaient ont été vidées. Enfin, le chef de l’Etat a récupéré tous les pouvoirs qui lui reviennent, notamment dans le contrôle des ministères, dits de souveraineté. 

Dans les milieux spécialisés, on indique le dernier passage en RDC des présidents Paul Kagame du Rwanda et João Lourenço de l’Angola, en marge des obsèques nationales d’Etienne Tshisekedi, a sérieusement pesé dans les discussions entre les deux camps.

A tout prendre, les ministères régaliens, plus celui des Finances, ne sont donc pas inclus dans le partage entre FCC et CACH. Ces ministères ne sont censés revenir automatiquement au FCC. C’est au chef de l’Etat d’en décider en dernier ressort. Il pourrait tout aussi recruter dans le FCC. Une hypothèse à prendre sérieusement en compte.

(avec Le Pays (Burkina Faso) et lePotentiel (RDC))

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