vendredi , 6 novembre 2020
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Suicides de ses employés : Harcèlement moral chez France Télécom

De longs silences pesants et même des larmes : pour la première fois en cinq semaines d’audience, les ex-dirigeants de France Télécom jugés pour « harcèlement moral » ont exprimé vendredi de l’émotion, alors que le tribunal examinait les conséquences de l’été 2009, le pic de la crise sociale dans l’entreprise. Un nouveau suicide, le 14 juillet 2009, a marqué un tournant. Le salarié de Marseille a laissé une lettre ne laissant aucune ambiguïté : « Je me suicide à cause de mon travail à France Télécom ». L’entreprise est, à partir de là, à la une des médias pendant des mois. Les dirigeants n’ont alors plus d’autre choix que d’agir. En septembre 2009, le cabinet indépendant Technologia est appelé pour enquêter sur les risques psycho-sociaux dans l’entreprise. Il est aussi décidé d’arrêter les mobilités des salariés, un des sujets au cœur du procès, de nombreuses parties civiles se plaignant de mobilités géographiques et fonctionnelles forcées.

Les prévenus, confrontés aux témoignages des parties civiles, ont-ils été touchés par les cinq semaines d’audience ? Quoiqu’il en soit, leur ton était différent vendredi.

L’ex-PDG Didier Lombard a raconté sa visite à Cahors en octobre 2009, où il a annoncé qu’il renonçait à la fermeture du site. Des employées lui avaient envoyé des mails auparavant, puis lui ont écrit pour Noël.

  • « J’ai reçu ensuite des mails gentils de ces dames. C’est important pour moi.
  • Vous pleurez ou vous toussez M. Lombard?, interroge la présidente Cécile Louis Loyant alors que le prévenu a apparemment la gorge serrée.
  • Je pleure. (…) On pense que je n’ai pas de coeur mais ce n’est pas vrai ».

L’ex-PDG revient aussi sur son « énorme bêtise », la fameuse phrase sur « la mode des suicides », qu’il a prononcée devant les médias qui l’attendaient à sa sortie du ministère du Travail, le 15 septembre 2009. « J’étais tétanisé par l’effet de contagion » des suicides. « Je ne voulais pas être agressif, au contraire, tout ce que nous avions en tête, c’était de désamorcer » la tension.

Pour l’ex-DRH Olivier Barberot, « ce qui se passe à ce moment là, c’est une crise sociale très grave. (…) Pendant deux mois, l’entreprise est totalement déstabilisée. Du bas jusqu’en haut, il n’y a pas une personne qui n’est pas déstabilisée ».

« Sacrifié »

Puis arrive à la barre Louis-Pierre Wenès, l’ex-numéro 2, directeur d’Opération France qui regroupait 80.000 des 120.000 salariés de France Télécom. « Je vis cette crise avec beaucoup d’émotion ». Il fait une pause de plusieurs secondes, visiblement ému. « Cela me touche au plus profond de moi-même ». Il a aussi ressenti « un profond sentiment d’injustice », devant la couverture médiatique.

M. Wenès quitte l’entreprise début octobre 2009. « Je sais qu’il y a des pressions, notamment politiques, pour que quelqu’un parte. (…) La personne toute désignée, c’est moi. Nous avons une discussion avec Didier Lombard et nous décidons que je dois partir ».

Il affirme avoir « été sacrifié », parce qu’il était « une pièce rapportée » à France Télécom, où il n’est arrivé qu’en 2003. « Je vis cela comme une blessure qui ne s’est pas refermée ».

Mais sur le fond, les lignes n’ont pas bougé. Louis-Pierre Wenès conteste « la globalisation » de la souffrance. « Certains ont souffert jusqu’à mettre fin à leur jour. C’est dramatique. Mais je ne suis pas d’accord pour qu’on globalise ça et qu’on parle de la souffrance (à l’échelle) de l’entreprise ». « Je ne crois pas que le mal-être ait été généralisé », renchérit Didier Lombard.

Les ex-dirigeants se félicitent de leur bilan économique. Pour l’ex-PDG, « si on n’avait pas fait le plan NExT (qui réorganisait l’entreprise de 2006 à 2008), aujourd’hui il n’y aurait plus France Télécom ».

Louis-Pierre Wenès « regrette une chose »: « ne pas avoir eu assez de contact avec les organisations syndicales. Je ne me souviens pas qu’on ait demandé à me voir ». Mais côté partie civile, l’avocat Frédéric Benoist lui rappelle que dès 2006, les organisations syndicales l’ont interpellé.

Didier Lombard a quitté France Télécom le 1er mars 2010, remplacé par Stéphane Richard, qui dirige toujours l’entreprise, devenue Orange en 2013.

(avec Afp)

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