vendredi , 6 novembre 2020
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Retour d'Etienne TSHISEKEDI a Kinshasa. Photo non datée.
Retour d'Etienne TSHISEKEDI a Kinshasa. Photo non datée.

RDC : Ne jeter pas le testament politique de TSHISEKEDI dans les oubliettes

Deux prélats catholiques ont mis à profit les obsèques d’Etienne Tshisekedi, homme de paix et père de la démocratie congolaise, pour interpeller la classe politique congolaise, toutes tendances confondues, sur l’impératif de ne pas jeter son testament politique dans les oubliettes. Celui-ci, ont-ils rappelé, se trouve résumé dans une idée-force, qui lui servit de slogan de campagne en 2011 : « le peuple d’abord ! ». La mort d’Etienne Tshisekedi devrait, à leur avis, être mise à profit par le peuple congolais et ses leaders politiques pour se pardonner sincèrement et se réconcilier, jeter l’habit de la haine, de la division, de l’exclusion, de la violence, au profit de celui de l’amour, de la fraternité, de l’unité, de la tolérance, de la cohésion nationale. Aujourd’hui, le peuple congolais a intérêt à être « un » afin de cheminer à pas sûrs dans la voie du développement.

Cette devise politique, selon les deux prélats catholiques, devrait servir de boussole aux uns et aux autres, dans leur aspiration à gérer les affaires publiques. La course aux mandats politiques et leur exercice ne devraient plus, selon la vision d’Etienne Tshisekedi, être perçus comme des opportunités d’enrichissement personnel mais plutôt une invitation, voire une obligation à se mettre au service de la multitude.

« Le peuple d’abord » ne doit pas être réduit à un slogan spécifique à la recherche du bonheur de seuls cadres et militants du FCC (Front Commun pour le Congo) et de Cach (Cap pour le Changement), réuni au sein d’une coalition ayant pour fondement la cohabitation institutionnelle non conflictuelle, mais aussi de ceux de Lamuka et alliés, ainsi que de tous les apolitiques qui aspirent à la démocratisation effective du pays, à la bonne gouvernance des ressources nationales, à la justice distributive, au respect de leurs droits fondamentaux, à l’amélioration de leurs conditions de vie, etc.

« Le peuple d’abord ! » devrait servir de soubassement au développement du grand Congo, dans l’esprit des pères de l’indépendance, qui rêvaient, il y a 59 ans, d’un pays plus beau qu’avant à bâtir dans la paix, par ses filles et fils, à la sueur de leurs fronts. Cette devise devrait particulièrement interpeller les compatriotes déjà présents dans les institutions nationales et provinciales telles que l’Assemblée Nationale, le Sénat, les assemblées et les gouvernements provinciaux, mais aussi les candidats aux postes à partager incessamment au niveau du gouvernement, des entreprises publiques, de la diplomatie, etc.

Tous ceux et toutes celles qui mettent en avant la satisfaction de leurs intérêts égoïstes devaient avoir l’honnêteté et l’élégance de « dégager », avant de se faire « déboulonner » par une « base » ayant désormais une conscience politique aiguisée, prête à se prendre en charge pour se débarrasser des criminels économiques, des ennemis de la paix et de l’unité nationale.

En fait, si le testament d’Etienne Tshisekedi est exécuté conformément à sa vision, la RDC devrait se muer, en un temps record, en puissance militaire, économique, sociale et industrielle, où son peuple vivrait heureux et en paix.

ADIEUX ÉMOUVANTS DANS UN STADE À MOITIÉ REMPLI !

Après le stade des Martyrs de la Pentecôte, où deux jours durant, des hommages dignes de son rang lui ont été rendus, Etienne Tshisekedi, que d’aucuns appelaient affectueusement « Ya Tshitshi », a été conduit le samedi 1er juin 2019 à sa dernière demeure, à savoir le mausolée aménagé dans la concession familiale, à l’Est de Kinshasa, dans la commune de la Nsele. La procession funèbre était accompagnée par une nombreuse foule, à laquelle s’est mêlée celle qui attendait le long de l’avenue Sendwe, du boulevard Lumumba et de l’autoroute de N’Sele.

Au stade des Martyrs comme sur les voies publiques, les funérailles d’Etienne Tshisekedi, bien que placées sous le signe d’une fête populaire, étaient aussi des moments d’intenses émotions, de larmes, de cris de douleurs, de profonde méditation, etc. L’opposant historique a été inhumé, comme lors de la levée du corps à l’hôpital du Cinquantenaire le vendredi 31 mai 2019, dans l’intimité familiale, hors micros et caméras.

Le président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso, présent au stade des Martyrs avec ses collègues Edgar Lungu de Zambie et Faustin Archange Twadera de la République Centrafricaine, a accompagné son homologue congolais, Félix Antoine Tshilombo, jusqu’à cet instant ultime de la douloureuse et définitive séparation avec son père. 

Prenant la parole pour la circonstance, Mgr Gérard Mulumba, chef de la Maison Civile du chef de l’Etat et frère cadet de l’illustre disparu, a remercié toutes les personnes qui ont soutenu la famille biologique de l’illustre disparu durant cette dure épreuve qui a pris plus de deux ans. Il a recommandé à tous la culture des valeurs qu’incarnait son frère : amour, humilité, constance, solidarité, justice, simplicité.

C’est l’abbé José Mpundu, curé de la paroisse de N’Sele, qui a procédé à la bénédiction du lieu où repose désormais pour l’éternité le sphinx de Limete. 

Le président Sassou, le directeur de cabinet du Chef de l’Etat, Vital Kamerhe ainsi que d’autres personnalités et anonymes n’appartenant pas à la famille biologique ont dû quitter le mausolée, laissant le couple présidentiel, la veuve d’Etienne Tshisekedi, Maman Marthe ainsi que les membres du clan vivre seuls le rituel d’inhumation.

On rappelle que plusieurs personnes ont fait le déplacement du stade des Martyrs [à moitié rempli], où le corps du Lider Maximo était exposé depuis vendredi.

Trois chefs d’Etat africains se sont présentés le même vendredi dans ce « lieu funéraire », en compagnie de leur homologue Félix Tshisekedi, pour déposer leurs gerbes de fleurs et s’incliner devant le cercueil d’Etienne Tshisekedi. Il s’agit de Paul Kagame du Rwanda et Joao Lourenço d’Angola.

Pour la journée de samedi, plusieurs personnalités nationales et étrangères ont aussi rendu hommage à Etienne Tshisekedi. On peut citer à cet effet la présidente de l’Assemblée nationale, Jeannine Mabunda, le président Mamboleo du bureau provisoire du Sénat, le Premier ministre Ilunga Ilunkamba, les présidents du CNSA, du CSAC, de la Ceni, du CNDH et du CES, le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, des gouverneurs de provinces, etc.

La classe politique, toutes tendances confondues, a fait chorus pour saluer la mémoire de l’illustre disparu.

L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), avec sa tête son président intérimaire et premier vice-président de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund, et son Secrétaire général, Augustin Kabuya, s’est signalée par une forte délégation composée de cadres et combattants.

Dans la suite de Kabund, on a remarqué la présence de Jacquemin Shabani et d’autres cadres qui contestent son intérim, une manière pour eux de montrer l’unité du partir autour de la dépouille de l’un des pères fondateurs.

Dans son témoignage de circonstance, Jean-Marc Kabund a proclamé Etienne Tshisekedi  héros national, grand esprit, combattant de la liberté et de l’Etat de droit, maître de l’école de la démocratie dans notre pays, etc.

Au nom des 13 parlementaires, Lusanga Ngiele a rappelé les moments pathétiques de la création de l’UDPS, émaillés de tortures morales et physiques, dont des arrestations, emprisonnements, relégations, mises en résidences surveillées, avec au cœur de cette tragi-comédie politique, Etienne Tshisekedi.

Deux de ses petites-filles ont, au nom de tous les petits-enfants de « Papy » Tshisekedi, lancé un message de paix et de réconciliation à l’ensemble du peuple congolais, et accordé publiquement leur pardon à tous ceux qui avaient offensé leur grand-père tout au long de son combat politique.

Après les témoignages, Etienne Tshisekedi a été élevé officiellement au grade de Grand Cordon et admis dans l’ordre national des Héros nationaux  Kabila et Lumumba.

Les obsèques de Tshisekedi ont été clôturées, au stade des Martyrs de la Pentecôte, par une messe de suffrages célébrée par l’archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo, avec l’assistance de plusieurs autres prélats, dont le Nonce Apostolique et le Cardinal Monsengwo.

Dans son message de circonstance, il a mis un accent particulier sur le testament du défunt contenu dans sa devise – « Le peuple d’abord » – ainsi que sur le contenu de l’Accord de la Saint Sylvestre, pour recommander à l’ensemble de la classe politique l’amour, la réconciliation sincère et la participation à la création du bonheur collectif.

TSHISEKEDI EST UNE ICÔNE DONT LE PARCOURS LÉGENDAIRE FAIT DE LUI UNE RÉFÉRENCE ET UN HÉROS

« Etienne Tshisekedi est un père pour moi. Sa vie politique et sociale doit nous servir de référence pour les générations futures. Sa constance et sa détermination comme opposant doivent être pour la jeunesse congolaise, le soubassement de leurs vertus intellectuelles et sociales pour son émergence et son épanouissement.  Etienne Tshisekedi est un icône dont le parcours légendaire fait de lui une référence et devrait mériter une élévation au rang de héros », a déclaré l’élue de Kananga pour le compte de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) aux législatives du 30 décembre 2018, Eugénie Tshiela Kamba, le samedi 01 juin 2019, quelques heures avant la mise en terre de l’homme historique de la politique congolaise.

Bref, seule, sa lutte qui reposait sur l’équilibre social, la création d’un Etat de droit, un Etat où les citoyens (zaïrois et Congolais) devaient vivre heureux en gagnant correctement leur pain quotidien sans se lancer dans la corruption, le détournement des deniers publics et autres, tel est le socle de son combat.

Eugénie Tshiela,  réagissant  à la polémique relative à l’élévation d’Etienne Tshisekedi  au rang de héros, elle s’est exprimée en ces termes : « La polémique autour de l’élévation  du feu Etienne Tshisedi comme Héros est nauséabonde et stérile. Indiscutablement, il incarne dans l’histoire de la RDC la détermination dans le combat pour la démocratie. A ce titre, il est digne d’être érigé en exemple pour les générations futures. Des millions de Congolais reconnaissant déjà Tshisekedi comme héros national n’ont plus besoin du parlement constitué de 500 personnes. »

Pour Eugénie Tshiela, les Congolais doivent garder dans leur mémoire les vertus qu’incarnait ce grand monsieur. Pendant plus de 30 ans de lutte, seul le bien-être des Congolais à l’époque des zaïrois, était son cheval de bataille. Malgré les arrestations, les poursuites et relégations, il est resté ferme, déterminé et militant toujours pour la bonne cause. Mort dans le souci de faire de ce pays un paradis Africain en particulier, et mondial en général, cette vision doit être accomplie. Ce sera la seule manière pour les Congolais d’honorer la « mémoire d’Etienne Tshisekedi ».

DIEU L’A ACCUEILLI, EN RECONNAISSANT TOUS SES MÉRITES

Très proche de lui depuis le temps où nous avons été des «Etudiants Contemporains» à l’Université Lovanium de Léopoldville (Kinshasa), il nous est arrivé souvent des échanges en profondeur, sur les situations vécues présentement, et les perspectives d’avenir de notre pays, le Congo.

RENCONTRE A L’UNIVERSITE LOVANIUM

Je l’ai rencontré à l’Université, où moi-même je fus inscrit à la naissante Faculté des Sciences Théologiques, en octobre 1957.

C’est au cours d’une même cérémonie de collation des grades Académiques de fin des deux premiers cycles des Etudes Universitaires, qu’au mois de juillet 1961, nous recevons nos diplômes de la main du Recteur Mgr L. GILLON.

Etant donné les circonstances perturbées du moment, la séance de la clôture de l’année académique était délocalisée en pleine ville, et se déroula dans la « Salle des cérémonies et fêtes du Zoo» de la ville, qui se prêtait le mieux à la tenue d’un tel évènement.

Etienne fut proclamé DOCTEUR EN DROIT, titre qui couronnait alors les études de la Faculté de Droit. Moi-même je reçus le diplôme de Licencié en Sciences Théologiques.

A cette occasion, notons que dans la même période, était proclamé aussi en Belgique comme Docteur en Droit, le futur professeur Marcel Lihau.

Etienne : un étudiant de tempérament vif, engagé dans les problématiques générales du moment, à l’Université et dans le pays.

La Revue : « PRESENCE UNIVERSITAIRE»

Je note ici spécialement sa participation active, notamment dans des mouvements comme celui, International, des Etudiants Catholiques (MIEC). Et également il fut membre de l’Equipe de rédaction de la Revue des étudiants de Lovanium : «Présence Universitaire ». On y trouve par exemple ses prises de position, déjà très « nationalistes », rejetant tout entraînement vers des « régionalismes» ou des «tribalismes », et prônant « le renforcement de l’Unité nationale congolaise ». C’est ainsi qu’il se positionna au sujet notamment des tentatives de la « Sécession» déclarée au Sud du Congo, et de l’instauration d’un « Royaume autonome », dans le sud de la Province du Kasaï.

Des Références d’appréciation significatives 

Le jeune «tudiant Etienne Tshisekedi manifestait déjà plusieurs traits de sa personnalité, dès la période de sa formation universitaire. Ils ne passèrent pas inaperçus, et nous en avons, en l’occurrence, les deux témoignages écrits : du Recteur L. GILLON, et d’un Professeur: le Père dominicain Bernard OLIVIER. 

Dans son ouvrage : « Servir en actes et en vérité », le Recteur Mgr Luc GILLON déclare : « L’éveil nationaliste des étudiants suscitait des inquiétudes dans les milieux gouvernementaux et même certains membres du conseil d’administration. Le Professeur Van der Schueren écrivait, début 1958, que les étudiants s’agitaient et leur mentalité nationaliste peut nous causer prochainement de réelles difficultés ». 

Quelques mois plus tard commença à paraître une petite revue, animée par des étudiants belges et congolais, dénommée « Présence universitaire», qui publiait régulièrement des articles sur l’avenir du Congo. Parmi les membres de son Comité de rédaction figurèrent Etienne Tshisekedi, futur parlementaire, Tharcisse Tshibangu, Michel Verwilghen, plus tard professeur à la Faculté de droit de l’UCL, etc. Progressiste quant au fond, mais mesurée dans la forme, cette revue contribua à mieux faire connaître l’opinion estudiantine : sa bonne tenue désamorça les critiques les plus désobligeantes formulées à l’égard des étudiants » (pp.150-151) aussi le témoignage du Professeur Bernard OLIVIER, dans son livre: Chroniques congolaises. De Léopoldville à Vatican Il, p. 53.

A la page 159, il déclare ceci sur Etienne Tshisekedi : « Dans mes carnets, j’ai retrouvé la trace d’un examen d’Etienne Tshisekedi. J’ai gardé le souvenir d’un jeune homme svelte, intelligent et entreprenant».

De nombreux autres témoignages positifs et élogieux, proclamés à titre posthume, viennent d’être rassemblés dans un ouvrage collectif universitaire. Dans cet ouvrage sont reproduits deux écrits, dont il fut l’un des principaux rédacteurs de grande portée historique et politique. «Le Manifeste de la Nsele» (1967), et la «Déclaration des treize parlementaires de 1980 » !.

EN CONCLUSION

1. Etienne TSHISEKEDI s’est révélé, dès la  période de ses formations scolaires et universitaires, comme une PERSONNALITE FORTE, et de caractère intransigeant. Une personnalité engagée et engageant autour d’elle.

2. Etienne TSHISEKEDI s’est efforcé de son mieux, durant le temps de sa vie terrestre, à accomplir pour sa part la grande Mission particulière que la Providence de Dieu lui avait prédestinée.

3. Au dernier instant de sa vie, devant Dieu, comptant sur ses bontés et sa miséricorde, tout en étant conscient de ses limites personnelles humaines, il a pu, à la suite de Saint Paul, déclarer : « Bonum certamen certavi…  Cursum Consumavi … » « j’ai combattu le bon combat, J’ai achevé ma course … » (Cfr Epitre à Timothée). Dieu l’a accueilli, en reconnaissant tous ses mérites.

4. En communion profonde avec Maman Marthe, son épouse, ses enfants, dont Félix est aujourd’hui le Chef de l’Etat congolais, toute sa famille élargie, ses proches et l’ensemble de la Communauté nationale, nous lui souhaitons : PAIX et LUMIERE TOTALE DANS L’ETERNITE DE DIEU.

Mgr Tharcisse T. TSHIBANGU, Evêque Auxiliaire de Kinshasa de 1970 à 1992, Evêque Diocésain Emérite de Mbuji-Mayi, Recteur-Magnifique de l’Université Lovanium et de l’Université Nationale du Congo et du Zaïre (UNAZA), Président du Conseil d’Administration des Universités du Congo (RDC)

Ce 1er juin 2019

(avec lePhare – Jacques Kimpozo MAYALA, Eric WEMBA)

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