vendredi , 6 novembre 2020
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Etienne TSHISEKEDI : Testament politique

Où qu’il aille, Félix Tshisekedi s’entend interpeller par son peuple : « papa alobaki le peuple d’abord ! ». Fils biologique et spirituel nourri aux mamelles du « Tshisekedisme », il se trouve ainsi rappelé à son devoir, celui d’exécuter le testament de son défunt père, un leader charismatique que le peuple s’apprête à accompagner à sa dernière demeure. « L’histoire retiendra qu’Étienne Tshisekedi d’heureuse mémoire a la particularité d’avoir fait partie d’un régime qui avait instauré la dictature dans le pays avant d’en remettre résolument en cause les fondements et d’en dénoncer courageusement les dérives en s’y opposant publiquement, de façon pacifique et ce, à ses risques et périls. C’est cette prise de conscience par lui, de la nature fondamentalement dangereuse du régime Mobutu et sa farouche opposition à ce dernier qui ont fait de lui, l’icône et le porte-étendard du combat démocratique, combat pour lequel plusieurs ont payé de leurs vies, de 1960 à nos jours. L’histoire retiendra également qu’en dépit des revers subis, des humiliations et privations lui infligées, Etienne Tshisekedi est resté imperturbable jusqu’à la fin de sa vie, devenant ainsi un homme de conviction un jour et un homme de convictions pour toujours. Son combat, qui est aussi le celui de la liberté et pour la dignité du peuple congolais, demeure à mon avis, inachevé car le pays n’est pas encore totalement libéré de l’emprise des forces centrifuges. Néanmoins, je me réjouis que ce combat soit l’unique héritage qu’il aura légué à notre jeunesse pour qui Etienne Tshisekedi reste un des modèles. Puissent les profondeurs de la terre de ses ancêtres lui réserver la place de choix pour le combat qu’il a mené jusqu’au dernier souffle de sa vie. »

Un mouvement passager des accrochages a été observée jeudi 30 mai au marché « Wenze Ya Mbila » situé non loin du marché de la Liberté, dans la commune de Masina après le passage du cortège funéraire d’Etienne Tshisekedi. Les faits se sont passés aux environs de 22 heures. Il s’agissait d’une échauffourée qui a opposé les militants de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) à une bande de délinquants. C’était une bande d’inciviques qui étaient venus profiter de la procession funéraire de l’illustre disparu pour extorquer et semer la panique. Ayant été éveillés et vifs, les militants de l’UDPS les ont poursuivis jusqu’au petit marché « Wenzé Ya Mbila ». Munis des machettes et autres armes blanches, ces hors-de la loi n’ont pas résisté face aux militants de l’UDPS.

A noter que les éléments de la police étaient intervenus tardivement pour arrêter les inciviques venus afin de troubler l’ordre public. « Il s’agissait d’une bande du quartier Boba et de l’avenue Oka qui étaient venus pour extorquer nos sacs à la faveur de la procession funéraire d’Etienne Tshisekedi. Donc, nous voulons que général Kasongo soit informé de cette insécurité qui gangrène dans nos quartiers périphériques pour harponner tous les « Kuluna » qui y opèrent », a alerté une maman qui a requis l’anonymat.

UNE JEEP DE LA POLICE TUE UN MILITANT DANS LE CORTÈGE FUNÉRAIRE TSHISEKEDI

Un militant de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a été tamponné, jeudi 30 mai 2019, par une jeep des agents de la police. La scène s’est passée au niveau de la 7ème rue dans la commune de Limete. Alors que les éléments étaient déployés pour assurer sécurité à la procession funéraire depuis l’aéroport international de Ndjili.

Il s’agissait d’une victime âgée de vingt ans qui a été tamponnée alors que le cortège quittait la Place commerciale pour le boulevard Lumumba. Le corps ensanglanté de la victime était allongé au sol et a été couvert d’un drapeau de l’UDPS, a- t- on constaté.

« La jeep de la police roulait à une allure de bolide alors qu’il y avait une masse de gens qui accompagnait le cortège. Ce qui a fait que notre camarade soit tamponné », a expliqué un militant de l’UDPS Junior Mpuramana.

Par ailleurs, les éléments de la police ont fait usage des gaz lacrymogènes pour disperser des centaines de militants qui bloquaient le cortège funèbre d’Etienne Tshisekedi au niveau de la Place commerciale, à la 7ème rue dans la commune de Limete.

TÉMOIGNAGES & HOMMAGES

Décédé depuis le 1er février 2017, Étienne Tshisekedi dont la dépouille sera finalement rapatriée ce jeudi 30 mai à Kinshasa reste une icône, une figure politique emblématique. Qu’avait Étienne Tshisekedi de particulier et quel héritage politique laisse-t-il aux Congolais ? Des acteurs se sont prononcés en tentant de résumer le sens du combat politique mené par celui-là qui a été surnommé sphinx de Limete.

Gabriel Kyungu wa Kumwanza : « Étienne Tshisekedi, c’est la loyauté, le courage et l’excellence »

C’est une histoire liée entre Étienne Tshisekedi et Gabriel Kyungu wa Kumwanza qui, en novembre 1980, figurèrent tous deux sur la liste de treize parlementaires signataires de la Lettre réclamant la démocratie, adressée au Maréchal Mobutu Sese Seko, alors président du Zaïre, et qui sera à la base de la naissance de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), actuel parti au pouvoir.

Joint au téléphone à partir de Lubumbashi (Haut-Katanga), Gabriel Kyungu estime que le combat politique d’Étienne Tshisekedi se résume par la loyauté, le courage et l’excellence. « C’était un monsieur qui ne se pliait pas face aux menaces. Il ne s’ébranlait jamais. Comme ainé, il était pour nous un modèle. Et comme treize parlementaires, nous puisions de lui beaucoup d’énergie et de courage dans son comportement et son encadrement », a-t-il indiqué.

Ainsi, l’avènement de Félix Tshisekedi à la tête du pays, inspire confiance à Gabriel Kyungu quant à l’avenir du Congo de Lumumba et d’Étienne Tshisekedi. « C’est un miracle de voir le propre fils d’un de nos combattants passer à la tête de ce pays. Avec Félix Tshisekedi, c’est une grande garantie de la relève. Et Je pense qu’il y a espoir. Espoir parce qu’un moment nous étions très inquiet du comportement de certains compatriotes jeunes appelés à prendre la relève. Ils donnaient l’impression des gens faciles à acheter, à intimider… Dieu merci, nous avons un fils qui nous ressemble beaucoup en tout, politiquement. C’est ce qui m’inspire personnellement confiance pour l’avenir », a-t-il conclu.

Henri-Thomas Lokondo : « Étienne Tshisekedi c’est l’incarnation de la conviction »

Étienne Tshisekedi, cet homme qui a marqué l’histoire politique congolaise au cours des quatre dernières décennies, et dont le combat démocratique a transcendé le temps et les générations, est un modèle de conviction, estime le député national Henri-Thomas Lokondo. « Le Président Tshisekedi, c’était l’incarnation même de la conviction. C’est un homme de conviction qui restera éternellement pour moi comme un esprit. Un exemple à suivre pour tous les Congolais qui veulent se considérer comme des vrais démocrates », a souligné l’élu de Mbandaka.

Réputé depuis la législature passée pour son franc-parler et son indépendance d’esprit, Henri-Thomas Lokondo a saisi l’occasion pour appeler les partisans de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) à être héritiers de leur propre passé, « héritiers du passé d’Etienne Tshisekedi ».

Jean-B. Ewanga : « Le combat de Tshisekedi pour l’Etat de droit sera perpétué pour la survie de démocratie congolaise »

« Quoi que l’on dise, Étienne Tshisekedi est le Mandela, mieux le Ghandi congolais », estime Jean-Bertrand Ewanga.

Pour cet ancien conseiller du sphinx de Limete, Étienne Tshisekedi représente un engagement patriotique irréversible. « Un modèle, une référence », a-t-il souligné.

« Je l’ai personnellement connu à l’UDPS et il avait fait de moi son conseiller politique quand il a été élu Premier ministre à la Conférence nationale souveraine. Tshisekedi, c’est la plus grande diversité et je crois que son combat pour l’Etat de droit, le peuple d’abord, sera perpétué pour que la démocratie congolaise puisse survivre à jamais. Nous devons enseigner à nos enfants, non seulement le nom d’Étienne Tshisekedi, mais tout son combat pour l’écroulement des murs de la dictature, la forteresse de Mobutu. Et il n’avait pas lâché prise sous les Kabila père et fils. Il a sacrifié toute sa vie, même celle de sa propre famille, pour le Congo. Son combat de la démocratie va au-delà des frontières. Et il reste une icône à l’instar de Mandela, Martin Luther King, Nkwame Nkrumah, etc. »

Lubaya Claudel André : « Étienne Tshisekedi, l’icône et le porte-étendard du combat démocratique »

Fils d’André-Guillaume Lubaya Ntalaja qui a été supplicié par la dictature de Mobutu en compagnie de certains proches dans les conditions inexpliquées jusqu’à ce jour, Lubaya Claudel André retient du sphinx de Limete un homme de conviction.

Pour Lubaya, Président de l’Uda Originelle, le combat d’Étienne Tshisekedi qui est aussi celui de la liberté et pour la dignité du peuple congolais, demeure inachevé car le pays n’est pas encore totalement libéré de l’emprise des forces centrifuges.

Il s’est exprimé en ces termes : « L’histoire retiendra qu’Étienne Tshisekedi d’heureuse mémoire a la particularité d’avoir fait partie d’un régime qui avait instauré la dictature dans le pays avant d’en remettre résolument en cause les fondements et d’en dénoncer courageusement les dérives en s’y opposant publiquement, de façon pacifique et ce, à ses risques et périls. C’est cette prise de conscience par lui, de la nature fondamentalement dangereuse du régime Mobutu et sa farouche opposition à ce dernier qui ont fait de lui, l’icône et le porte-étendard du combat démocratique, combat pour lequel plusieurs ont payé de leurs vies, de 1960 à nos jours. L’histoire retiendra également qu’en dépit des revers subis, des humiliations et privations lui infligées, Etienne Tshisekedi est resté imperturbable jusqu’à la fin de sa vie, devenant ainsi un homme de conviction un jour et un homme de convictions pour toujours. Son combat, qui est aussi le celui de la liberté et pour la dignité du peuple congolais, demeure à mon avis, inachevé car le pays n’est pas encore totalement libéré de l’emprise des forces centrifuges. Néanmoins, je me réjouis que ce combat soit l’unique héritage qu’il aura légué à notre jeunesse pour qui Etienne Tshisekedi reste un des modèles. Puissent les profondeurs de la terre de ses ancêtres lui réserver la place de choix pour le combat qu’il a mené jusqu’au dernier souffle de sa vie ».

Jacquemain Shabani : « Étienne Tshisekedi m’a appris à ne jamais reculer »

Le courage. C’est cette qualité supérieure qu’hérite Jacquemain Shabani d’Étienne Tshisekedi.

Selon lui, Étienne Tshisekedi a fait preuve d’un courage politique exceptionnel malgré les humiliations et privations lui infligées. « Du Président Étienne Tshisekedi, je retiens que c’était un homme de conviction. Il m’a appris à ne jamais reculer ni fléchir quand je suis convaincu de la véracité et de justesse de mes opinions », a-t-il déclaré.

Moïse Katumbi : « Son combat pour la démocratie, la liberté, la dignité nous inspire tous »

Dans une déclaration rendue publique ce jeudi 30 mai, le coordonnateur de la plateforme politique LAMUKA a rendu hommage à Étienne Tshisekedi wa Mulumba, affirmant que le combat mené par l’ancien Premier ministre congolais l’inspire jusqu’à ce jour.

« Alors que le président Étienne Tshisekedi effectue son ultime voyage vers la RDC pour trouver enfin le repos éternel, nos prières l’accompagnent. Son combat pour la démocratie, la liberté, la dignité nous inspire tous. Que la terre de nos ancêtres lui soit douce et légère », a déclaré sur Twitter Moïse Katumbi Chapwe. Toutefois, selon certains proches du président de la plateforme Ensemble pour le Changement, Moïse Katumbi ne prendra pas part aux obsèques du Sphinx de Limete.

Matata Ponyo : « Le Premier ministre Etienne Tshisekedi a été la personnalité politique la plus nommée à cette haute fonction »

L’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo a, lui aussi, rendu un vibrant hommage à Étienne Tshisekedi wa Mulumba, pour qui il a fait ériger un buste au Jardin des Premiers ministres. Pour Matata Ponyo, Etienne Tshisekedi est l’une des personnalités qui ont marqué la primature parmi la vingtaine des Premiers ministres qui ont occupé cette fonction éminente.

D’après Matata Ponyo, ne devient pas Premier ministre qui veut. Et Tshisekedi a été la personnalité politique la plus nommée à cette haute fonction par le président Mobutu. »Quatre fois, ce n’est pas peu de chose, c’est un record »,assure ce politique qui a été Premier ministre de 2012 à 2016.

Personnalité emblématique, Étienne Tshisekedi est aussi celui qui a fait le plus court mandat comme chef du gouvernement, d’après Matata, tout en reconnaissant que  »celui qui a le plus combattu la dictature mobutienne en RDC ». C’est pourquoi, soutient-il, Étienne Tshisekedi a été immortalisé de manière particulière à la Primature. »Il y est omniprésent. Plusieurs bâtiments et pièces de l’hôtel du gouvernement portent son nom », fait observer l’homme à la cravate rouge.

Martin Fayulu : « Nous garderons de lui la force de ses convictions et son amour pour le peuple »

Parlant de son mentor, Martin Fayulu garde un bon souvenir d’Etienne Tshisekedi. »Nous garderons de lui la force de ses convictions et son amour pour le peuple », déclare-t-il. Pour le candidat malheureux de LAMUKAà la présidentielle de 2018, il importe de saluer son combat pour l’érection d’un État de droit.

« La dépouille mortelle d’Étienne Tshisekedi arrive sur la terre de nos ancêtres. Fier d’avoir été à ses côtés depuis 1990, je salue son combat pour la justice et la démocratie en RDC. Nous garderons de lui la force de ses convictions et son amour pour le peuple », a-t-il écrit sur son compte Twitter.

Jean-Pierre Bemba : « Nous retenons de lui tout son combat pour la démocratie »

L’un des leaders de l’opposition, Jean-Pierre Bemba a tenu à honorer la mémoire du Sphinx de Limete, dont il garde beaucoup de souvenirs. « L’ultime acte des obsèques de feu Étienne Tshisekedi va (enfin) s’achever. Je me souviens du soutien moral qu’il m’a apporté en venant me rendre visite à deux reprises à La Haye. Retenons tout son combat pour la démocratie. Que son corps repose en paix sur la terre de nos aïeux », a-t-il tweeté hier jeudi.

Étienne Tshisekedi : Professeur de la démocratie en RDC

« Étienne Tshisekedi est incontestablement un HÉROS national. Il est l’architecte, mieux, le professeur de la démocratie en RDC. Son œuvre est dense et immense. Il a écrit son nom d’une manière indélébile sur le fronton de la République », écrit l’opposant Moïse Moni Della.

« Je suis son compagnon de lutte, son héritier politique capable de démontrer la grandeur de son combat. Tshisekedi n’appartient plus à sa famille politique, moins encore biologique. Il est aujourd’hui un patrimoine national voire international.

C’est pour cette raison qu’il faut une trêve politique pour permettre que ses obsèques soient à la hauteur de sa grandeur, en dépit de nos différences et de nos divergences.

De son vivant, il a rassemblé à Genval au-delà des clivages. Il a pardonné à ses bourreaux à la Conférence nationale souveraine (CNS) ses bourreaux. Il a ainsi donné de la noblesse à la politique lorsqu’il a déclaré: « le peuple d’abord ». C’est une réalité scientifique de la politique qui correspond à la vision socratique de la politique.

La politique, n’a de sens et de quintessence que si elle oeuvre pour l’intérêt général. De son vivant, Tshisekedi a toujours œuvré dans le sens de ma définition mathématique de la politique. La politique c’est l’addition, la multiplication et non la soustraction et la division ». Tshisekedi est un grand artiste de la politique congolaise.

Lorsqu’un artiste quitte la scène, après avoir accomplit sa mission, on ne pleure pas, on l’applaudi. Lorsqu’un héros meurt, on le célèbre. Quant à moi, je viens de perdre un père politique, un professeur, un guide.

Que la grâce de DIEU l’accompagne jusqu’à sa dernière demeure ».

NOTES AUTOBIOGRAPHIQUES D’ETIENNE TSHISEKEDI

I. Identité

  • Né à Luluabourg (Chef-lieu du Kasaï-Occidental) le 14/12/1932
  • Père MULUMBA Alexis (+)
  • Mère KABENA MWAUKA Agnès (+)
  • Marié à KASALU Marthe
  • Originaire : du Territoire de KABEYA KAMWANGA; du District de TSHILENGE; de la Province du KASAI-ORIENTAL, en République Démocratique du Congo (RDC)

II. Etudes faites

  • Primaires : à la mission catholique des Pères de Scheut à KABULUANDA (Kasaï-Occidental)
  • Secondaires : Humanités Gréco-Latines au Collège Saint Jean-Berchmans de Kamponde, au Kasaï-Occidental (de 1948 à 1955)
  • Universitaires : à la Faculté de Droit de l’Université Lovanium de Léopoldville. Je fus le premier Congolais à obtenir, en 1961, le diplôme de Docteur en Droit.

III. Première expérience dans la vie publique (l 958 à 1978)

  • 1958 -1959 : Encore étudiant à la Faculté de Droit, je me suis vu promu » Conseiller au Mouvement National Congolais » M.N.C (Parti Politique).
  • Septembre 1960 à février 1961 : Commissaire Général Adjoint à la Justice dans le Collège des Commissaires Généraux (un gouvernement de technocrates mis en place après le départ massif et brusque des Belges et après le Coup d’Etat militaire du 14 septembre 1960 de M. MOBUTU, en vue d’assurer le fonctionnement normal de l’appareil de l’Etat, en attendant que les hommes politiques s’entendent.
  • 1961 à 1965 : Recteur de l’Ecole Nationale de Droit et d’Administration ENDA.
  • 1964 : Commissaire aux comptes à la Banque Nationale du Congo.
  • 1965 à 1968 : Elu Député National (PANACO/CONACO) dans la circonscription électorale de KABINDA au KASAI-ORIENTAL et Ministre de l’Intérieur. Le 24 juin 1967 M. Mobutu promulguait la Constitution de la 2è République dont l’art. 4 stipulait qu’il ne peut y avoir plus de deux partis politiques en République Démocratique du Congo.
  • Mai 1968 à février 1969 : Ministre de la Justice
  • Février à septembre 1969 : Ministre d’Etat Chargé du Plan, de la Recherche Scientifique, de l’Aménagement du Territoire et de la Coordination de la Planification.

Suite aux sérieuses divergences d’options politiques (M. Mobutu amorçait un revirement vers un monolithisme politique et faisait preuve d’intolérance face aux manifestations pacifiques des citoyens en ordonnant notamment le massacre des étudiants de Lovanium, le 4 juin 1969), je fus définitivement écarté du gouvernement.

  • Septembre 1969 à février 1971 : Ambassadeur au Maroc
  • 1971 à 1974 : Elu Député National dans la circonscription électorale de KABINDA, au Kasaï-Oriental ; Elu 2ème puis 1er Vice -président de l’Assemblée nationale ; Membre du Conseil d’Administration de l’UNAZA (Université Nationale du Zaïre).
  • Septembre 1977 à décembre 1980 : Elu Député national ; Président du Conseil d’Administration de la compagnie AIR-ZAIRE.
  • 1965 à 1980 : Elu, puis plusieurs fois réélu Président de la Section zaïroise de l’Association Internationale des Parlementaires de Langue Française « A.I.P.L.F ». A ce titre, j’ai participé à plusieurs conférences internationales et effectué plusieurs voyages à travers le monde (Europe, USA, Canada. Japon, Corée. Chine, pays africains, etc.).

IV. Calvaire et combat pour la démocratie (1979 à 1999)

D’une manière générale de 1979 à 1999, ma vie est faite d’arrestations, de tortures de brimades, de pressions, de bannissements, de relégations et de résidences surveillées; ce sort a été partagé avec mon épouse, mes enfants ainsi que plusieurs de mes amis politiques.

  • Juillet 1979 : Cosignataire de la lettre au Président Mobutu, dénonçant les violations des Droits de l’homme à l’occasion des « MASSACRES DE KATEKELAY » au KASAI-ORIENTAL.
  • Décembre 1980 : Cosignataire de la « lettre ouverte au Président de la République », lettre signée par 13 Parlementaires et pour laquelle mes amis et moi-même serons arrêtés, déchus de nos mandats parlementaires, jetés en prison (moi à Kisangani d’abord dans la province Orientale, à Kabeya Kamwanga ensuite dans la Province du Kasaï-Oriental).
  • 15 février 1982 : Création de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social » UDPS », Parti politique dont je suis un des fondateurs et présentement « Le Président national » ; Arrestation des fondateurs de l’UDPS. Condamnation à 15 ans de prison ferme. Je suis envoyé dans la prison de Belingo, Territoire d’Oshwe, Province de Bandundu.

1983

Libération : Relégation en novembre 1983 dans mon village d’origine (MUPOMPA) avec mon épouse et mes enfants.

1985

Incendie criminel de mon village, Relégation dans le territoire d’lsangi, Province Orientale Libération en fin février 1985 ; Arrestation en octobre 1985 et condamnation à 18 mois de prison ferme à Makala dans la Ville de Kinshasa pour « outrage au Chef de l’Etat ».

1986

Libération en février 1986. Arrestation en juin 1986 et relégation dans mon village d’origine (Mupompa) au Kasaï-Oriental.

1987

Libération : Tournée d’information politique en Europe aux Etats-Unis d’Amérique et au Canada. Revenant de ce périple, je suis brutalement interpellé et molesté à l’aéroport de Ndjili; mon seul crime est d’avoir porté la cravate au cou.

1988

  • 17 janvier 1988 : Arrestation et détention à la prison centrale de Makala pour avoir organisé et animé un meeting au Pont Kasa-Vubu, dans la ville de Kinshasa, en commémoration du 27ème anniversaire de l’assassinat du premier Ministre Congolais P.E. LUMUMBA.
  • 11 mars 1988 : Libération.
  • 08 avril 1988 : Relégation à DUNGU d’abord, à MONGA ensuite, dans la Province Orientale, où je me suis retrouvé, pendant 5 mois, totalement coupé du monde.
  • 22 septembre 1988 : Libération.

1989

  • 1er mars 1989 : Je suis placé en résidence surveillée à mon domicile pendant près de 14 mois, privé du droit de recevoir toute visite et de sortir de ma résidence.

1990

  • 24/04/1990 : ma libération. Création du Directoire National de l’UDPS, c’est-à-dire d’une présidence collégiale composée de quatre personnalités. Je suis membre de Directoire National.
  • Du 18/11/1990 au 24/02/1991 : Nouvelle tournée d’information politique aux Etats Unis d’Amérique, au Canada et en Europe Occidentale. Je suis reçu au Département d’Etat Américain et dans plusieurs milieux politiques ainsi qu’auprès des organisations de la Défense des Droits et de la personne humaine.

1991

  • 24/03/1991 : Retour à Kinshasa (République Démocratique du Congo) et accueil par près de 2 millions de compatriotes en liesse.
  • 22/07/1991 : Nomination, sans être consulté par M. Mobutu, en qualité de Premier Ministre. Je décline cette nomination, à la grande satisfaction de notre peuple.
  • 30/09/1991 : Désigné Premier Ministre par consensus unanime des représentants de la classe politique réunis au Palais de Marbre (résidence de M. Mobutu, lequel présidait cette réunion). Mais le gouvernement d’Union Nationale et de Salut Public que je venais ainsi de constituer a été empêché de fonctionner normalement par M. Mobutu dès la première semaine de ses activités.

1992

Elu Premier Ministre, Chef du Gouvernement, par la Conférence Nationale Souveraine avec 72 % des suffrages exprimés (aux bulletins secrets) le 15/08/1992; mais une fois de plus le gouvernement que je venais de constituer avait été mis par M. Mobutu dans l’impossibilité de fonctionner après 3 mois de gestion transparente du pays. II est vrai que lors de mon élection à la Conférence Nationale Souveraine, M. Mobutu m’avait opposé sans succès, quelques candidats acquis à sa cause et que mon programme annonçait clairement un changement radical des mentalités et des méthodes de gestion ainsi que la réalisation des priorités fixées par notre peuple réuni à la Conférence Nationale Souveraine.

1993

  • 04/09/1993 : Investi en qualité de Chef de toute l’Opposition Démocratique Interne, c’est-à-dire de toutes les forces politiques et sociales acquises au changement démocratique dans une bipolarisation de la vie politique nationale.

1994

Présenté officiellement et régulièrement en qualité de Premier Ministre, conformément aux dispositions de l’Acte Constitutionnel de la transition (Art. 78) par la famille politique à laquelle n’appartenait pas le Chef de l’Etat Mobutu, c’est-à-dire par l’Union Sacrée de l’Opposition Radicale et Alliés. Le refus de M. Mobutu de respecter l’Acte Constitutionnel qu’il avait lui-même promulgué ouvre la voie à une grande crise politique qui allait être exploitée par une opposition armée dont M. Laurent Désiré Kabila était le porte-parole, en 1996 – 1997.

1996

  • Du 6 janvier au 26 février 1996 : Tous les partis politiques de l’opposition à M. Mobutu et toutes les associations civiles acquises au changement tiennent leur congrès appelé Etats Généraux de l’Opposition » (EGO) pour dresser le bilan de leur lutte, redéfinir leurs objectifs et leurs stratégies ainsi que les structures nouvelles appelées à les animer dans cette nouvelle phase de combat. A l’unanimité de tous les participants, je suis reconfirmé dans mes fonctions et rôle de Chef de file et de Chef de la famille politique opposée à celle de la mouvance présidentielle de M. Mobutu.

1997

  • 03/04/1997 : Ma réhabilitation en qualité de Premier Ministre par le Parlement de Transition (HCR – PT) : M. Mobutu souscrit formellement à cette réhabilitation, contraint par la tournure politique des événements. En effet, la rébellion armée, soutenue par notre peuple, accumulait succès et victoires sur les forces mobutistes.
  • 06/04/1997 : Je réhabilitais toutes les Institutions politiques issues de la Conférence Nationale Souveraine à savoir : Le Président de la République, le Haut-Conseil de la République, le Gouvernement de Salut Public et les Cours et Tribunaux.
  • 09/04/1997 : M. Mobutu utilise ses forces armées pour m’empêcher de rejoindre mon bureau de travail (à la Primature) et de travailler.
  • 16/05/1997 : Le dictateur Mobutu, comme je le lui avais prédit quelques années plutôt, prit la fuite vers un exil sans retour.
  • 17.05.1997 : La rébellion armée, soutenue militairement et massivement par des troupes étrangères (du Rwanda, de l’Ouganda et de l’Angola) entre à Kinshasa, dans un enthousiasme populaire indescriptible. Laurent Désiré Kabila s’autoproclame « Chef de l’Etat » à partir de son poste d’opérations militaires de Lubumbashi, au Katanga.
  • 23/05/1997 : Dès les premiers discours politiques de M. Kabila à Kinshasa, il se révéla être un vrai dictateur, sur les traces de M. Mobutu; je me suis empressé de prévenir en ce sens l’opinion nationale et internationale et d’inviter notre peuple à combattre cette nouvelle dictature.
  • 25/05/1997 : Je mettais à la disposition de M. Kabila 4 juristes de l’opposition démocratique interne pour l’aider à mettre sur pied un cadre juridique consensuel (qui proclame et protège les droits de l’homme, les libertés fondamentales et une gestion transparente) tel que voulu par notre peuple à la Conférence Nationale Souveraine. C’est ce cadre qui devait régir le pays réconcilié, jusqu’à la tenue des élections que nous voulons libres, démocratiques et transparentes. Des contacts politiques au niveau d’experts sont engagés en ce sens.
  • 26/06/1997 : Un groupe des militaires m’arrêteront vers minuit, me brutaliseront et me séquestreront à la résidence du Commandant Masasu, alors Conseiller Spécial de M. Kabila.
  • 27/06/1997 : Ma libération

1998

  • 12/02/1998 : Une équipe des militaires m’arrêteront la nuit, me brutaliseront et me conduiront dans les cachots secrets de la Police Politique de M. Kabila.
  • 13/02/1998 : je suis relégué dans mon village d’origine Kabeya-Kamwanga, au Kasaï-Oriental, et mis en résidence surveillée comme à l’époque de M. Mobutu.
  • 01/07/1998 : Ma libération et mon retour organisé par la Police politique de M. Kabila à ma résidence de Kinshasa, dans le plus grand secret.
  • 09/07/1998 : Treize de mes collaborateurs venus me saluer à l’occasion de mon retour de la relégation sont arrêtés et gardés aux cachots de la police politique de M. Kabila pendant près d’un mois.

C’est pendant cette période de tension politique qu’éclatera, le 02/08/1998, la deuxième guerre civile dirigée contre le régime de M. Kabila et, comme en 1996, activement et massivement soutenue par les forces armées étrangères (Rwanda, Burundi, Ouganda); tandis que M. Kabila recevait l’appui actif et massif de l’Angola, du Zimbabwe, de la Namibie, du Soudan, etc..

A ce jour, plusieurs cadres et combattants de l’UDPS sont toujours gardés soit dans des cachots secrets de la police politique de M. Kabila et soumis à des séances de torture ; soit dans des cellules de la prison centrale de Makala à Kinshasa. C’est le cas de quelques membres du Comité National, Parlement du Parti du Porte-parole de l’UDPS : de quelques membres des structures de base du Parti, ainsi que de simples combattants du parti. Leur seul crime est d’avoir réfléchi ou analysé la situation politique de manière différente de celle du régime Kabila !

  • 23/08/1998 : Dans un appel solennel, pathétique et patriotique, j’invitais toutes les parties belligérantes à arrêter la guerre et à privilégier la recherche d’une solution politique et diplomatique négociée à la crise Congolaise.
  • 04/09/1998 : Dans mon mémorandum adressé à la Communauté Internationale (ONU, UE, OUA), au Président Kabila et aux pays voisins, j’expliquais que l’origine de cette deuxième guerre civile résidait dans le manque de démocratie et dans la mauvaise gouvernance du pays par le régime Kabila; et que la solution ne pouvait être que politique et diplomatique, issue de négociations politiques entre les représentants du pouvoir de Kinshasa, de l’opposition armée et de l’opposition interne. Je proposais un plan de paix concret en ce sens.

1999

  • 10 juillet 1999 : Un accord de paix est signé à Lusaka entre toutes les parties en conflit. Une solution politique et diplomatique négociée est préconisée comme seul schéma incontournable pour ramener la paix et bâtir un nouvel ordre politique en RDC.
  • 22/07/1999 : je rendais publique, au nom de toutes les forces politiques et sociales acquises au changement démocratique, notre déclaration politique par laquelle nous acceptions formellement l’accord de paix de Lusaka ainsi que la facilitation du Père Mateo de la communauté Catholique Sant Egidio de Rome (en Italie).

Fait à Kinshasa, le 07/12/1999

Etienne TSHISEKEDI wa MULUMBA

SAUVEUR DU DIALOGUE DE SUN CITY

Pour recoller les morceaux du territoire national et mettre fin aux guerres fratricides alimentées et fomentées par les forces du mal, deux Etats voisins de l’Est à savoir le Rwanda et l’Ouganda, les Congolais avaient été contraints de se retrouver en Afrique du Sud, pour des négociations politiques, sous le leadership de l’Afrique du Sud. C’est dans la ville balnéaire de Sun City que 1500 leaders sociopolitiques et leurs alliés s’étaient réunis pendant quatre mois sous la houlette du facilitateur botswanais, feu Ketumile Masire. Du 25 février au 19 avril 2002, les délégués congolais avaient relu l’histoire de leur pays sans complaisance, guidés uniquement par le souci de pacifier et de le réunifier.

Parmi les leaders politiques, Etienne Tshisekedi, à la tête de son parti politique l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), avait joué un rôle prééminent, assisté par 44 conseillers venus d’Europe et des USA.

Pressions extérieures

Bien entendu, les puissances occidentales y déléguèrent leurs représentants pour faciliter les négociations, d’autant que c’est le gouvernement sud-africain qui avait financé lesdits travaux pour un montant de l’ordre de cinq millions des dollars US.

Les négociations politiques inter congolaises se butèrent à la question de répartition des postes entre les trois grands belligérants, à savoir le gouvernement de Kinshasa dirigé par Joseph Kabila, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie et le Mouvement de Libération du Congo.

Le 18 avril 2002, aucun accord formel ne fut trouvé. Alors que les participants faisaient leurs valises pour le retour temporaire au pays, des délégués du gouvernement de Kinshasa et du MLC (Mouvement de Libération du Congo) se retrouvèrent nuitamment dans un hôtel sud-africain portant le label de «Cascades». Ils sortirent, au terme de leur messe noire, avec un compromis politique baptisé «Accord de l’Hôtel Cascades» et tentèrent de faire croire au monde entier que cet accord engageait tous les participants au Dialogue Intercongolais. Selon les termes de ce deal politique, Joseph Kabila était reconduit président de la République, tandis que Jean-Pierre Bemba allait occuper le poste de Premier ministre. De retour à Kinshasa, un Conclave était même organisé dans la ville de Matadi, au Kongo Central, pour la répartition des postes au gouvernement, dans l’armée, la police, la territoriale, la diplomatie, les entreprises publiques…

La date du 30 juin 2002 était retenue pour l’investiture de ce gouvernement d’union nationale. Mais fiévreusement attendu à Kinshasa, Jean-Pierre Bemba, alors basé à Gemena, dans le Nord de l’Equateur, n’avait pas bougé de son quartier général. Et pour cause ? Etienne Tshisekedi, pour faire échec à ce «putsch» contre le Dialogue Intercongolais, avait décidé la mise en place d’une structure momentanée baptisée «ASD» (Alliance pour la Sauvegarde du Dialogue). A sa grande surprise, son mouvement rencontra l’adhésion massive des participants au Dialogue de Sun City. Une caution morale de taille fut apportée à l’ASD avec l’adhésion du RCD (Rassemblement des Congolais pour la Démocratie). Etienne Tshisekedi et plusieurs cadres de l’UDPS firent la navette entre plusieurs pays de la région en vue de leur faire prendre conscience des risques majeurs de balkanisation du pays. L’option levée par Kinshasa de négocier un accord particulier avec le seul MLC, qui ne contrôlait pourtant qu’une partie de la province de l’Equateur, laissait la porte ouverte a des combinaisons dangereuses entre les mouvements rebelles exclus du processus et d’autres pays voisins.

C’est cet aveuglement politique et ce refus de défendre l’intégrité du pays qui ont poussé Etienne Tshisekedi à se lancer résolument dans la bataille de la préservation de l’unité de la RDCongo. Au bout de plusieurs mois de «résistance», Etienne Tshisekedi et ses alliés du RCD finirent par obtenir gain de cause, obligeant le gouvernement de Kinshasa et le MLC à enterrer leur «mort-né». Pour ne pas mécontenter le gouvernement sud-africain et son président, Thabo Mbeki, qui avait même séjourné pendant quatre jours à Sun City, les négociateurs promirent de se retrouver à Pretoria au mois de décembre 2002. Un pré- accord y fut alors conclu avec comme garantie de se retrouver au mois de mars 2003 à Sun City pour des travaux de correction en termes législatifs consacrés. C’est là que les chefs des délégations apposèrent leurs signatures au bas de cet accord dit de Sun City. Les mouvements politico-militaires, à savoir le RCD, le MLC et le gouvernement de Kinshasa se tapèrent la part du lion. C’était la naissance du système 1+4.

Le gouvernement de Kinshasa rafla le siège du Président de la République. Quatre vice-présidences furent instaurées, animées par Abdoulaye Yerodia [gouvernement de Kinshasa], Azarias Ruberwa [RCD Goma], Jean-Pierre Bemba [MLC] et la quatrième vice-présidence, qui devait revenir à l’Opposition non armée, fut curieusement accordée a Z’Ahidi Ngoma, notoirement connu comme le tout premier dirigeant du RCD/Goma, c’est-à-dire un opposant armé. Pour d’autres fonctions, le MLC obtint la présidence de l’Assemblée nationale et les confessions religieuses la présidence du Sénat.

Les composantes politiques non armées ainsi que la fameuse société civile se contentèrent des ministères et vice-ministères minables ainsi que certaines entreprises du portefeuille.

Voilà comment Etienne Tshisekedi sauva l’intégrité territoriale et l’unité du Congo.

LE TESTAMENT POLITIQUE DE TSHISEKEDI

Où qu’il aille, Félix Tshisekedi s’entend interpeller par son peuple : « papa alobaki le peuple d’abord ! ». Fils biologique et spirituel nourri aux mamelles du « Tshisekedisme », il se trouve ainsi rappelé à son devoir, celui d’exécuter le testament de son défunt père, un leader charismatique que le peuple s’apprête à accompagner à sa dernière demeure .

Le peuple d’abord !

De quoi s’agit-il ? D’un slogan démagogique ? D’un raccourci appelé à combler un vide idéologique ? Non, a répondu de son vivant le père de la démocratie congolaise. « Le peuple d’abord, avait-il déclaré lui-même, c’est le projet de société de l’UDPS »; un projet qui s’inscrit dans le droit fil du solidarisme dont il fut un ardent défenseur.

Le peuple d’abord, c’est le résumé d’une vie consacrée aux Congolais, la réaffirmation d’un nationalisme vivace, et le rappel d’une foi inébranlable en tout ce qui touche à l’égalité des chances, aux libertés publiques et individuelles, à la solidarité nationale, à la démocratie et au progrès social.

Le peuple d’abord, c’est aussi une stratégie de combat qui permet de garder le cap, un rappel à l’ordre aux récalcitrants qui excellent dans les anti-valeurs, un appel vivifiant pour la promotion des valeurs éthiques, et un projet de développement mental destiné à débarasser le peuple de toute peur et à l’émanciper pour qu’il puisse se prendre en charge. Walter Scott écrivait avec raison, que “la cause du succès ou de l’échec relève plus d’une attitude mentale que d’une capacité mentale».

Vaincre la peur et se prendre en charge font partie des enseignements d’Étienne Tshisekedi. Un enseignement qui est entré dans les moeurs et que nous avons le devoir de perpétuer.

Le peuple d’abord !

Un cri du coeur et un projet. Un projet pour le Congo, et pour les Congolais. Ils sont sensés naître égaux, mais ils ne vivent pas comme tels. Une minorité compradore s’est accaparée des richesses nationales, et impose au reste des Congolais une condition de sous-hommes. Étienne Tshisekedi ne voulait pas d’une société injuste et inégalitaire. Il était partisan d’un leadership normal, celui qui récompense les plus méritants, et qui tend, en permanence, une main charitable aux plus faibles, aux déshérités, aux pauvres, aux veuves et aux orphélins.

Étienne Tshisekedi croyait à l’égalité des chances, celle qu’assure l’éducation. Il croyait en l’école, ce vivier, temple de l’apprentissage, mais aussi celui d’une loyale compétition. Promouvoir une société solidaire, c’est assurer l’enseignement primaire gratuit pour tous, c’est améliorer la condition enseignante, c’est bâtir des infrastructures d’apprentissage et donner au secteur enseignement les moyens de mettre sur le marché de l’emploi, une jeunesse compétitive.

Étienne Tshisekedi rêvait d’une société solidaire, celle où chaque Congolais s’acquitte de sa dette sociale envers ses parents, ses enseignants, sa communauté et sa nation. Une société où l’accès aux soins médicaux est garanti à tous, une société où l’accès à l’eau potable, à l’électricité et au logement font partie des droits fondamentaux.

Fonder la politique sur la solidarité c’est rappeler aux riches leurs devoirs envers la nation. C’est rappeler aux puissants les exigences de la mobilité sociale qui ne doit pas relever des chromosomes, mais du mérite. C’est créer des conditions qui permettent au fils de l’agriculteur de devenir ingénieur un jour, ou de prétendre aux plus hautes charges dans l’appareil étatique, comme dans le privé.

Parler solidarité c’est penser justice distributive. Or, on ne peut distribuer qu’après avoir créé des richesses. Notre sol et notre sous-sol ont été gâtés par la providence. Ils regorgent de richesses qui s’épuisent sans que le Congolais ait pu en profiter. Le pays regorge d’intellectuels en grand nombre, mais qui sont eux-mêmes soit négligés, soit sous la coupe de la minorité riche et puissante, qui refuse tout partage. Le peuple d’abord, devient ainsi un appel à la volonté du politique, pour mettre l’économie au service de l’homme. Le pays a besoin d’un programme volontariste et d’une gestion rigoureuse des richesses nationales, qui doivent être mises au service du congolais.

Ces congolais qui, nous dit-on, naissent égaux et libres. C’est vrai en droit. Ça l’est beaucoup moins dans les faits. Le peuple d’abord comme projet politique, c’est le refus d’une fausse liberté ou d’une liberté confisquée, dans une société inégalitaire. Étienne Tshisekedi se voulait ainsi plus proche d’un peuple pour lequel il avait enduré les pires sacrifices, avec la conviction que des rayons de soleil finiraient par poindre à l’horizon.

« La liberté est la respiration des hommes », affirmait un jour Michel Rocard. Mais, il n’y a pas de liberté sans sécurité, notamment en matière sociale. Raison pour laquelle Étienne Tshisekedi en appelait à une conversion des mentalités. Il rappelait en permanence à ses interlocuteurs qu’il n’était guidé que par une boussole, celle de l’intérêt général. Que les Congolais auraient tort de croire que l’addition des intérêts individuels pourrait servir l’intérêt général, alors qu’un tel scénario a laminé notre tissu social, détruit la cohésion nationale, et fait de nous un peuple de clochards.

Le peuple congolais a soif de justice et de liberté.

Valéry Giscard d’Estaing affirmait avec raison “qu’aucune société ne peut vivre sans idéal qui l’inspire ou une connaissance claire des principles qui guident son action».

Le peuple d’abord, c’est l’idéal que cultivait Étienne Tshisekedi. Il rêvait d’une société débarrassée du venin du tribalisme et des chefs guerriers, ceux qui vendent du vent, et dorment, la conscience tranquille, après avoir versé le sang des millions de Congolais. Les Congolais doivent former une nation et vivre en paix, comme un seul peuple.

Le peuple d’abord n’était pas un rêve pour Étienne Tshisekedi, mais un pari audacieux, celui d’un Congo uni, dirigé par des politiciens nationalistes et qui tiennent enfin la promesse des pères de l’indépendance, tel que nous le chantons dans notre hymne national, dont je vous rappelle les belles paroles :

Debout Congolais,
Unis par le sort
Unis dans l’effort pour
L’indépendance,
Dressons nos fronts,
Longtemps courbés
Et pour de bon,
Prenons le plus bel élan,
Dans la paix,
Citoyens,
Entonnez,
L’hymne sacré de votre Solidarité,
Fièrement,
Saluez,
L’emblème d’or de votre souveraineté,
Congo!
Don béni, Congo!
Des aïeux, Congo!
Ô pays, Congo!
Bien aimé, Congo!
«Nous peuplerons ton sol
Et nous assurerons
Ta grandeur
Trente juin, ô doux soleil,
Trente juin du trente juin,
Jour sacré, soit le témoin,
Jour sacré, de l’immortel,
Serment de liberté,
Que nous léguons
À notre postérité
Pour toujours….

Vous avec bien lu, notre serment de liberté est immortel.

Étienne Tshisekedi est mort, nous devons continuer à honorer ce serment.

Le peuple d’abord !

Pour honorer les promesses de l’indépendance. Promesses que le père de la démocratie congolaise voulait concrétiser dans les faits. Qu’il repose en paix pour l’éternité. Qu’il reste à jamais vivant dans nos mémoires.

L’ULTIME TORTURE

Du jeudi 30 mai au samedi 1er juin 2019, une femme, une épouse, une mère, une personne du troisième âge… va s’attirer les regards du monde entier. Il s’agit de Marthe Kasalu, la veuve d’Etienne Tshisekedi. De 1979, année de la première relégation de son mari dans son village natal, sous le régime de Mobutu, pour avoir exigé une enquête parlementaire sur le massacre de plus de deux cents habitants de la localité de Katekelayi, dans la province du Kasaï Oriental, jusqu’en 2019, année du rapatriement du corps de l’illustre disparu dans la terre de ses ancêtres, sa vie n’a été qu’une succession de tortures morales et physiques.

L’ultime torture, qui l’a condamnée à deux années d’une longue et interminable attente pour l’organisation des funérailles du père de ses enfants, tout simplement à cause du passé politique de ce dernier, est celle de trop. Chacun peut se souvenir des obstructions faites par l’ancien pouvoir à la famille politique et biologique d’Etienne Tshisekedi, de 2017 et 2018, pour l’empêcher de lui rendre un hommage national, à la mesure de sa contribution décisive à l’avènement de la démocratie et à la restauration de l’Etat de droit dans sa patrie. On a nettement perçu, chez les dignitaires de l’ancien régime, la peur de voir le défunt confirmer, à titre posthume, son statut de père de la démocratie congolaise.

Condamner une pauvre femme à ne pas mettre fin au deuil porté en mémoire de son mari est une épreuve insupportable. Pendant 27 mois, Marthe Kasalu a vécu des nuits de cauchemars, dominées par les images douloureuses des brimades, détentions, condamnations judiciaires sommaires, emprisonnements, relégations à répétition d’Etienne Tshisekedi, plusieurs fois en compagnie de leurs enfants. Elle avait tout connu : la solitude pendant les séjours de l’opposant historique à la prison de Makala à Kinshasa, la vie rurale dans des villages de l’ex-Province Orientale, loin de leurs milieux d’origine, les assignations à résidence, les interpellations, les menaces de morts, les insultes, les calomnies… à cause du combat politique du défunt.

Il y avait aussi des promesses de toutes sortes, assorties plus d’une fois de menaces, notamment pécuniaires, pour l’amener à convaincre son mari à faire allégeance aux systèmes dictatoriaux qu’ils combattaient. Combien de fois n’a-t-on pas diabolisé Maman Marthe Kasalu, l’accusant tantôt d’avoir reçu des millions de dollars de tel envoyé spécial de tel dictateur pour torpiller l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social) ou de trahir Etienne Tshisekedi. Il suffisait que, par élégance ou hospitalité, elle ouvre les portes du salon familial et se mette à l’écoute d’un visiteur incapable d’accéder à Etienne Tshisekedi, pour que des ragots courent dans tous les sens sur sa présumée corruption.

Stoïque, elle supportait tout en silence, préférant vivre dans l’austérité, à l’image de l’idéal du père de la démocratie, uniquement préoccupé par sa mission de délivrer son peuple des dictatures qui se sont succédées au pays, de Mobutu aux Kabila, père et fils.

40 ans de tortures physiques et morales : tel est le triste bilan de la vie de Maman Marthe Kasalu aux côtés d’Etienne Tshisekedi. Comme pour parfaire le tableau, les «ennemis politiques» de son mari et de l’émancipation politique du peuple congolais ont pris le malin plaisir de la replonger dans la solitude, à plus de 8.000 kilomètres du pays, pour avoir eu le tort de l’avoir accepté comme compagnon de vie.

(avec lePotentiel, lePhare et Dr Hubert Kabasele Muboyayi Kalonji)

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