vendredi , 6 novembre 2020
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Liberté de la presse : Recommandations à Fatshi

Réformer le cadre légal répressif sans délai en consacrant la dépénalisation des délits de presse afin que les journalistes puissent exercer sereinement et librement leur indispensable rôle de quatrième pouvoir ; Mettre fin aux arrestations de journalistes et aux suspensions arbitraires de médias en confiant à un organe de régulation indépendant l’exclusivité des prérogatives de sanctions et en sensibilisant les forces de sécurité et acteurs du monde judiciaire aux droits et devoirs des journalistes ; Mettre en place un mécanisme national de protection des journalistes doté de moyens et de relais dans les différentes institutions afin que les exactions commises contre les professionnels du secteur ne restent pas impunies ; Mettre fin à l’impunité des crimes commis contre les journalistes en relançant les enquêtes sur les journalistes assassinés au cours des deux dernières décennies ; Transformer la radiotélévision nationale (RTNC), en un véritable média de service public ouvert à tous les courants d’opinion.

Alors que Félix Tshisekedi s’apprête à faire le bilan de ses 100 jours à la tête de la République démocratique du Congo (RDC), Reporters sans frontières (RSF) et son organisation partenaire Journaliste en danger (JED) adressent une série de recommandations au président congolais afin de traduire ses promesses par des mesures concrètes en faveur de la liberté de la presse.

Monsieur le Président,

Reporters sans frontières (RSF) et Journaliste en Danger (JED) souhaitent saluer les engagements prometteurs que vous avez exprimés en faveur de la liberté de la presse depuis votre prise de fonction. Dès le 24 janvier, lors de votre discours d’investiture, vous disiez vouloir faire des médias le « véritable quatrième pouvoir » de votre pays.

Plus récemment, à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse du 3 mai, vous avez réaffirmé cet objectif en précisant que vous considériez la presse comme « un des moteurs essentiels de l’Etat de droit ». Cette volonté politique de remettre les professionnels de l’information au cœur du développement et de la transition démocratique en RDC marque une rupture importante avec votre prédécesseur.

L’année dernière, la RDC figurait encore en tête des pays africains ayant concentré le plus d’exactions contre les journalistes et les médias. Le pays est classé 154ème sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2019 récemment publié par RSF. Vous avez aujourd’hui une possibilité historique de mettre fin à ce sombre palmarès. Depuis votre arrivée au pouvoir, nos deux organisations ont noté une baisse significative des exactions commises contre les médias et les journalistes dans votre pays. Mais les promesses de changement, seules, ne suffiront pas. Après des décennies d’atteintes répétées à la liberté d’informer, les réflexes consistant à prendre pour cible les professionnels de l’information n’ont pas disparu. Ils restent l’héritage d’un système qu’il convient de défaire.

La condamnation, le 1er mars dernier, du journaliste Steeve Iwewe à 12 mois de prison ferme pour « outrage à l’autorité » alors qu’il couvrait une manifestation d’agents mécontents dans la province de l’Equateur – peine ramenée à 6 mois de prison avec sursis – illustre la nécessité de réformer sans tarder les lois sur les médias qui criminalisent les délits de presse et prévoient des peines complètement disproportionnées.

Le 16 mars 2019, ce sont des militants de votre parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), qui ont saccagé et pillé les installations de la Radio Télévision Fraternité (RFT), à Mbuji-Mayi, parce qu’ils étaient mécontents de l’échec des candidats de l’UDPS aux élections sénatoriales.

Le 3 mai, alors que le monde entier célébrait la journée mondiale de la liberté de la presse, quinze radios ont été fermées, officiellement pour des raisons fiscales, à Kananga dans le province du Kasaï-Central. Seuls les médias les plus critiques à l’égard du nouveau gouverneur ont fait l’objet de cette décision sans que les propositions d’échelonnement du règlement des arriérés par les directeurs des stations ne soient prises en compte. Les suspensions de médias qui prennent la forme de règlement de comptes ne peuvent plus être tolérées par votre administration.

La réussite de la transition démocratique en RDC dépendra largement des mesures concrètes et urgentes qui seront prises pour garantir la liberté d’informer. Pour ce faire, RSF et JED vous recommandent de mener à bien cinq chantiers prioritaires suivants:

  • Réformer le cadre légal répressif sans délai en consacrant la dépénalisation des délits de presse afin que les journalistes puissent exercer sereinement et librement leur indispensable rôle de quatrième pouvoir
  • Mettre fin aux arrestations de journalistes et aux suspensions arbitraires de médias en confiant à un organe de régulation indépendant l’exclusivité des prérogatives de sanctions et en sensibilisant les forces de sécurité et acteurs du monde judiciaire aux droits et devoirs des journalistes
  • Mettre en place un mécanisme national de protection des journalistes doté de moyens et de relais dans les différentes institutions afin que les exactions commises contre les professionnels du secteur ne restent pas impunies
  • Mettre fin à l’impunité des crimes commis contre les journalistes en relançant les enquêtes sur les journalistes assassinés au cours des deux dernières décennies
  • Transformer la radiotélévision nationale (RTNC), en un véritable média de service public ouvert à tous les courants d’opinion

Certains que vous accorderez toute l’attention requise à nos recommandations, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.

Christophe ‘Deloire Secrétaire général RSF

Tshivis Tshivuadi Secrétaire général JED

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