Démissionnaire pour protester contre ce qu’elle a considéré comme le soutien complice du Premier ministre aux détourneurs des deniers publics, indisciplinés et autres fictifs, la ministre de la Culture et Arts, Astrid Madiya, vient de voir son intérim au ministère des Sports et Loisirs confié à un nouvel intérimaire en la personne de Jean-Pierre Lisanga Bonganga, ministre d’Etat chargé des Relations avec le Parlement. Le flou persiste toutefois au sujet de la ministre sortante des Sports et Loisirs, qui conserve encore son portefeuille de la Culture et Arts alors que le ton qu’elle a pris, dans sa lettre de démission, pour s’adresser au Premier ministre, devrait lui valoir un renvoi pur et simple du gouvernement.
Alors qu’on n’a pas fini d’épiloguer autour de la démission sulfureuse de Madiya et de ses relations tumultueuses avec le chef du gouvernement, Bruno Tshibala, une nouvelle tempête vient de souffler sur l’équipe gouvernementale, avec la défenestration encore inexpliquée d’Emmanuel Ilunga Kasongo, vice-ministre chargé des Congolais de l’Etranger, du ministère des Affaires Foncières, où il assumait l’intérim de l’ancien titulaire, Lumeya, démis de ses fonctions il y a un mois. Il est remplacé par Tshibangu Kalala, qui se retrouve en cumul de fonctions de ministre délégué auprès du Premier ministre, de ministre de l’Agriculture et de celui des Affaires Foncières.
L’affaire qui risque de faire couler beaucoup d’encre et de salive, avant la nomination d’un nouveau Premier ministre et l’investiture de son gouvernement, ne pourrait être rien d’autre que le départ précité d’Emmanuel Ilunga Kasongo du ministère des Affaires Foncières où son devancier, Me Lumeya avait laissé, indique-t-on, beaucoup de cadavres.
Chargé d’assainir le secteur des Affaires Foncières, où sont concentrés le gros des dossiers judiciaires de la République, à travers la « Commission Etienne Tshisekedi », le vice-ministre des Congolais de l’Etranger s’est illustré par une campagne tapageuse d’identification des terrains de l’Etat comme des particuliers spoliés par des prédateurs de tous bords. On l’a vu, dans son opération de tolérance-zéro, sur les sites de la SCPT (Société Congolaise des Postes et Télécommunications) sur les avenues Colonel Ebeya et de la Science, dans la commune de la Gombe, où il a distribué à la pelle des avis de déguerpissement des occupants illégaux du patrimoine foncier de l’Etat.
Il était également présent au site de l’ex-DAIPN (Domaine Agro-industriel et Présidentiel) de la N’Sele, dans la commune du même nom, où il a promis le déguerpissement d’un occupant illégal principal qui s’est accaparé près de la moitié de cette concession ainsi que des occupants périphériques. Emmanuel Ilunga était également parti inspecter la concession des maraîchers au triangle menant vers l’Unikin, sur l’avenue By Pass, ainsi que celle de l’ISTM (Institut des Techniques Médicales) envahies par des individus qui ne devaient pas être là et qu’il a menacés également de faire déguerpir.
Victime de la solidarité des « intouchables » ?
A l’inverse de l’ancien ministre des Affaires Foncières Lumeya, accusé d’avoir pris à la pelle des Arrêtés consacrant la spoliation des terrains appartenant à l’Etat, sans compter des décisions favorisant la spoliation de ceux des particuliers, Emmanuel Ilunga Kasongo paraissait bien parti pour permettre à l’Etat de récupérer, à bref délai et sans frais, son patrimoine foncier. On croit savoir que ses velléités de rétablissement de l’Etat et des privés dans leurs droits de propriétaires terriens ne plaisaient pas aux spoliateurs, spécialement ceux qui passent pour des « intouchables » de la République.
On pense qu’il a eu le malheur de toucher aux intérêts fonciers des personnes physiques et morales qui évoluent dans l’impunité la plus totale depuis des années, voire des décennies, qui collectionnent des titres de propriété obtenus grâce à leur position politique, sociale ou financière. Le pauvre vice-ministre, fragile comme peut l’être quiconque pense avoir avec lui la force de la loi, vient d’être balayé, comme une feuille morte. Logiquement, s’il lui est reproché des fautes de gestion des dossiers fonciers, il devrait, en principe, être doublement sanctionné, c’est-à-dire chassé du ministère des Affaires Foncières, mais aussi de celui des Congolais de l’étranger. On ne peut expliquer qu’Emmanuel Ilunga, qui a perdu la confiance du Premier ministre, reste membre du gouvernement. Si Bruno Tshibala a décidé de le garder, il devrait expliquer pourquoi.
Le commun des mortels ne comprend rien à la valse des démissions et repositionnements des ministres au sein du gouvernement. Le Premier ministre aurait-il trouvé inopportun de faire sauter des ministres dont la culpabilité ne serait pas clairement établie à quelques jours de la chute de l’ensemble de l’équipe ministérielle ?
(avec Kimp et lePhare)