vendredi , 6 novembre 2020
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Ukraine : Nouveau ou saut risqué dans l’inconnu

L’Ukraine est entrée lundi dans un nouvelle ère après la victoire du comédien Volodymyr Zelensky à la présidentielle de ce pays épuisé par la corruption, les difficultés économiques et une guerre meurtrière. Faisant fi des doutes sur sa capacité à gouverner sans expérience politique et des critiques sur le flou de son programme, l’acteur et humoriste de 41 ans a été élu, selon les résultats quasi définitifs publiés lundi, avec 73,2% des voix contre 24,5% pour le sortant Petro Porochenko.

Fort de ce soutien écrasant, félicité par les dirigeants étrangers du monde entier, y compris par téléphone par Donald Trump et Emmanuel Macron, le sixième et plus jeune président de l’Ukraine indépendante est vu pour l’instant par bien des électeurs, et même à demi-mots par la Russie, comme une chance de repartir sur de nouvelles bases.

Mais sans programme précis au delà de sa volonté de « casser le système » sans dévier du cap pro-occidental pris en 2014, sans majorité parlementaire, le futur s’annonce difficile pour celui qui sera investi d’ici début juin président après avoir joué dans une série télévisée le rôle d’un professeur d’histoire élu… président, dont l’image de simplicité et de droiture lui a fortement bénéficié.

Symbole d’un dénouement inimaginable il y a quelques semaines, plusieurs milliers de partisans du président sortant se sont retrouvés lundi soir devant son administration dans le centre de Kiev pour un hommage très ému au chef de l’Etat sortant, chantant l’hymne national et scandant « merci ».

« Nous ne laisserons pas passer d’erreurs », a averti M. Porochenko qui s’est offert un bain de foule, promettant de gagner les législatives prévues en l’état le 27 octobre et la prochaine présidentielle, en 2024.

Une telle scène est inédite en Ukraine, où les transitions démocratiques n’ont pas toujours été évidentes avec deux révolutions en moins de trois décennies d’indépendance. Les observateurs de l’OSCE ont salué un vote « pluraliste » et respectant « les libertés fondamentales », appelant à un transfert du pouvoir sans accroc.

Dans un message commun, le président du Conseil européen Donald Tusk et le président de la Commission Jean-Claude Juncker ont souligné « le fort attachement à la démocratie et à l’Etat de droit que le peuple d’Ukraine a démontré tout au long du processus électoral ».

« Trop tôt »

Les soutiens occidentaux de l’Ukraine se sont empressés de féliciter M. Zelensky et de l’assurer de leur soutien, Angela Merkel disant espérer que cette élection aiderait à stabiliser le pays.

Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev, qui à trois jours du second tour signait de nouvelles sanctions commerciales contre l’Ukraine, a dit voir « une chance d’amélioration » des relations bilatérales. « Il est pour le moment trop tôt pour évoquer (…) la possibilité d’un travail en commun », a tempéré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

L’arrivée au pouvoir de pro-occidentaux en 2014 a été suivie de l’annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée et de la guerre dans l’est. Cette crise a largement contribué aux graves tensions actuelles entre la Russie et les Occidentaux, qui ont décrété des sanctions réciproques.

Dès dimanche soir, M. Zelensky a assuré souhaiter « relancer » le processus de paix impliquant la Russie sur la guerre dans l’est. Il a aussi répété sa promesse de campagne de tendre la main aux populations de ces régions en lançant une « guerre de l’information ».

Sur le front intérieur, il devra prouver qu’il peut réunir une équipe et réaliser des initiatives sans majorité parlementaire et alors que sa candidature a suscité méfiance, voire hostilité, d’une bonne partie de la classe politique qu’il a promis d’envoyer valser. Des législatives ne sont prévues pour l’instant que le 27 octobre, présageant l’ouverture d’une nouvelle phase de luttes politiques.

Nouvel épisode spectaculaire de la vague mondiale anti-élites, le raz-de-marée remporté par Volodymyr Zelensky donne la mesure de la défiance des Ukrainiens envers leur classe politique, dont Petro Porochenko est un vétéran.

A 53 ans, ce dernier, s’il a rapproché son pays des Occidentaux, n’a pas réussi à redresser le niveau de vie de la population ukrainienne, l’une des plus pauvres d’Europe, ni à mettre fin à la guerre avec des séparatistes prorusses qui a fait près de 13.000 morts en cinq ans. Surtout il a semblé traîner les pieds dans la lutte contre la corruption endémique.

POUTINE PRÊT À « RÉTABLIR COMPLÈTEMENT » LES RELATIONS AVEC L’UKRAINE

Le président russe Vladimir Poutine s’est dit prêt jeudi à « rétablir complètement » les relations avec l’Ukraine à condition que cela ne se fasse pas « unilatéralement », après la victoire à la présidentielle du comédien Volodymyr Zelensky.

« Nous voulons, nous sommes prêts à rétablir complètement nos relations avec l’Ukraine mais nous ne pouvons pas le faire unilatéralement », a-t-il déclaré aux journalistes à Vladivostok, où il participait à un sommet avec le leader nord-coréen Kim Jong Un.

Le président russe a ajouté que la large victoire de Volodymyr Zelensky, novice en politique et élu avec plus de 73% des voix au second tour, symbolise « l’échec total de la politique de Porochenko », le président sortant ukrainien.

Petro Porochenko était partisan d’une ligne dure face à la Russie, avec qui l’Ukraine a quasiment coupé tout lien depuis son arrivée au pouvoir en 2014, dans la foulée de l’annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée puis d’une guerre dans l’est de l’Ukraine avec des séparatistes pro-russes qui a fait près de 13.000 morts.

A l’inverse, Volodymyr Zelensky s’est dit prêt à discuter avec Vladimir Poutine et a promis de « relancer » les accords de paix de Minsk pour trouver une issue au conflit.

Interrogé par des journalistes, Vladimir Poutine a aussi réagi au décret signé mercredi qui facilite l’octroi de la nationalité russe aux habitants des régions séparatistes pro-russes de l’est de l’Ukraine, mesure condamnée par Kiev et par plusieurs pays occidentaux.

« C’est étrange que cette décision provoque des réactions négatives. La Pologne émet de tels passeports pour les Polonais, la Roumanie pour les Roumains, la Hongrie pour les Hongrois. En quoi les Russes sont pires que les Polonais, les Roumains ou les Hongrois? », s’est interrogé M. Poutine.

« D’autant que ces gens (les habitants des régions séparatistes, ndlr) sont privés de leurs droits les plus élémentaires », a-t-il ajouté.

Jeudi, l’Allemagne et la France ont à leur tour condamné dans un communiqué le décret de M. Poutine, estimant qu’il est « en contradiction avec l’esprit et les objectifs des accords de Minsk ».

SIMPLIFIER L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ RUSSE POUR TOUS LES UKRAINIENS

Moscou envisage de rendre plus facile l’obtention de la citoyenneté russe pour tous les Ukrainiens, a déclaré samedi à Pékin le président Vladimir Poutine.

« Nous pensons à octroyer la nationalité d’une manière simplifiée à tous les citoyens de l’Ukraine, pas seulement aux résidents des républiques de Lougansk et de Donetsk », a déclaré M. Poutine à la presse, faisant référence aux républiques séparatistes de l’Est ukrainien non reconnues par la communauté internationale.

La Russie avait déjà annoncé mercredi avoir simplifié l’octroi de la nationalité russe aux habitants des régions séparatistes de l’Ukraine, une mesure dénoncée par Kiev et plusieurs pays occidentaux qui y ont vu une atteinte à la souveraineté de l’ancienne République soviétique.

Le président russe est revenu samedi sur cette mesure, précisant que son pays remplirait « toutes ses responsabilités envers nos nouveaux citoyens russes ». « Une fois qu’ils auront reçu leur passeport russe, les résidents de l’est de l’Ukraine percevront les allocations sociales, les retraites, les augmentations, tout ce à quoi ils ont droit », a-t-il expliqué, ajoutant que ces paiements ne grèveraient pas le budget russe, car cela a été « calculé ».

Il a également expliqué qu’il serait « théoriquement possible » pour les personnes résidant dans ces territoires de percevoir à la fois une retraite russe et leur retraite ukrainienne.

M. Poutine avait défendu cette décision lors d’une conférence de presse jeudi, à l’issue de son premier sommet avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un à Vladivostok, dans l’extrême-Orient russe.

« C’est étrange que cette décision provoque des réactions négatives. La Pologne émet de tels passeports pour les Polonais, la Roumanie pour les Roumains, la Hongrie pour les Hongrois. En quoi les Russes sont pires que les Polonais, les Roumains ou les Hongrois? », s’était interrogé alors M. Poutine.

L’annonce de samedi concernant la citoyenneté russe pour tous les Ukrainiens, quelques jours après l’élection à la présidence ukrainienne de l’acteur Volodymyr Zelensky, qui prendra ses fonctions début juin, a provoqué de nouvelles condamnations côté ukrainien.

« La Russie veut intensifier l’escalade et le chaos en Ukraine, et donc continue à compliquer les règles du jeu », a écrit samedi sur Twitter Dmitro Kubela, représentant permanent de l’Ukraine au Conseil de l’Europe.

Plus tôt dans la semaine, le service de presse du futur président avait dénoncé « une nouvelle confirmation claire pour le monde du rôle d’agresseur de la Russie, qui mène la guerre contre l’Ukraine ».

Samedi, Vladimir Poutine, qui n’avait pas félicité M. Zelensky pour son élection mais s’était dit prêt à discuter avec le nouveau pouvoir, a expliqué qu’il voulait « comprendre » la position de M. Zelensky sur le conflit, tout en se redisant prêt à « avoir une discussion avec lui ».

L’Union européenne a condamné la première initiative russe, y voyant un nouvel assaut contre la souveraineté ukrainienne et une tentative de « destabiliser » l’Ukraine alors qu’elle est entre deux présidents.

Kiev de son côté a appelé le Conseil de l’Europe à agir pour empêcher la Russie de mettre en oeuvre son projet.

(avec Afp)

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