vendredi , 6 novembre 2020
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Église catholique : Unique espoir des Congolais

Dans un pays où l’État n’assume pas sa responsabilité, l’Église a été appelée à jouer un rôle de suppléance, surtout dans le domaine social. Cela a pris une telle proportion que le peuple considère désormais l’Église comme son unique espoir. L’Église est très respectée au Congo, elle s’occupe des écoles, des hôpitaux et même des infrastructures routières ! Environ 45 % des écoles et près de la moitié des infrastructures sanitaires sont gérées par l’Église catholique. Elles sont considérées comme des structures de qualité, notamment en milieu rural. Beaucoup de prêtres, de religieux et religieuses sont engagés dans la vie quotidienne du peuple. Celui-ci en est conscient et nous soutient. Les Congolais savent que sans l’Église, qui est toujours restée unie, le pays sombrera encore plus dans le désespoir. Je suis convaincu que la situation que le Congo traverse aujourd’hui va évoluer. Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finira par se lever pour ce peuple. Cette conviction nous vient d’abord de notre foi chrétienne : quand on a la foi, on est un homme, une femme, d’espérance. Nous avons confiance en l’avenir de notre peuple, et pour cette raison l’Église s’engage dans la formation des Congolais. À travers le programme d’éducation civique électorale, nous voulons que ces hommes et femmes deviennent de vrais témoins de l’Évangile, des lumières au service du bien commun du pays.

Monseigneur Fridolin Ambongo est archevêque de Kinshasa et vice-président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco). Il sera présent à la «Nuit des Témoins», à Notre-Dame de Paris vendredi 29 mars à 20h, organisée par l’Aide à l’Église en Détresse.

FIGAROVOX : Depuis plusieurs années, l’Église catholique au Congo s’est engagée en faveur d’une transition politique. Aujourd’hui, l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi est un nouveau revers car vous avez contesté son élection. Comment vous positionnez-vous par rapport au pouvoir en place ?

Mgr Fridolin AMBONGO : L’Église condamne le déni de vérité qui a permis à Félix Tshisekedi d’accéder au pouvoir et partage la même déception que le peuple. Le peuple a voté massivement pour un changement, il a élu Martin Fayulu mais c’est quelqu’un d’autre qui a été proclamé : Félix Tshisekedi. Cela a créé une frustration dans la population. On ne peut pas fonder l’avenir d’une nation sur un mensonge aussi spectaculaire que celui-là.

Cela dit, nous pensons que l’histoire ne doit pas s’arrêter au mal qui vient d’être commis. Nous devons regarder vers l’avenir. L’institution « président de la République » doit continuer à fonctionner : nous constatons qu’elle est aujourd’hui occupée par Félix Tshisekedi. Nous n’avons d’autre choix que de composer avec lui.

Au Congo, l’Église a été amenée à jouer un rôle en raison des défaillances de l’État.

Notre crainte aujourd’hui, c’est la marge de manœuvre du nouveau président Félix Tshisekedi face à l’ancien régime de Kabila. L’assemblée nationale est dominée à plus des deux tiers par les partisans de l’ancien régime, et, selon la Constitution, le Premier ministre est issu du parti majoritaire. Par conséquent, le Premier ministre sera issu du parti de Kabila qui est majoritaire au parlement.

N’est-ce pas difficile de concilier votre rôle d’évêque et votre engagement politique ? Pour des Français attachés à la laïcité, cette situation est difficile à comprendre !

Mgr Fridolin AMBONGO : Il faut comprendre la position de l’Église du Congo par rapport à l’histoire du Congo : dans ce pays, l’Église a été amenée à jouer un rôle en raison des défaillances de l’État, notamment dans le domaine social. Face à un peuple abandonné, livré à lui-même, malgré l’abondance des richesses du pays, l’Église s’est comportée en bon samaritain qui vient au secours d’un peuple blessé au bord de la route, d’un peuple qui crie au secours.

Cela fait partie intégrante de la mission de l’Église. Ce n’est pas un rôle politique qui nous motive : c’est le service à rendre à notre peuple. C’est dans la mission de l’Église d’être du côté des petits, de ceux qui souffrent, des sans-voix.

La situation des chrétiens en RDC est difficile à cause de leur positionnement face au régime. Est-ce une forme de persécution ?

Mgr Fridolin AMBONGO : Au sens strict du mot, on ne peut pas parler au Congo, pays à 90 % chrétien, d’une persécution contre l’Église. Le problème que nous rencontrons, c’est celui de la cohérence entre la foi proclamée et les actes que certains chrétiens posent, surtout ceux qui sont au pouvoir, notamment concernant la dignité de la personne humaine, la valeur de la femme, la justice. La foi en Jésus Christ implique un engagement pour la promotion humaine intégrale de nos frères et sœurs : je ne peux pas prétendre être chrétien et faire souffrir mon prochain.

Le peuple considère désormais l’Église comme son unique espoir.

Par contre, l’Église au Congo prend des risques, le risque de la vérité, le risque de s’engager aux côtés du peuple, pour le bien du peuple, ce qui lui attire parfois l’animosité des puissants qui considèrent l’Église comme un ennemi.

Pourtant, la population congolaise doit beaucoup à l’action de l’Église…

Mgr Fridolin AMBONGO : Dans un pays où l’État n’assume pas sa responsabilité, l’Église a été appelée à jouer un rôle de suppléance, surtout dans le domaine social. Cela a pris une telle proportion que le peuple considère désormais l’Église comme son unique espoir. L’Église est très respectée au Congo, elle s’occupe des écoles, des hôpitaux et même des infrastructures routières ! Environ 45 % des écoles et près de la moitié des infrastructures sanitaires sont gérées par l’Église catholique. Elles sont considérées comme des structures de qualité, notamment en milieu rural.

Beaucoup de prêtres, de religieux et religieuses sont engagés dans la vie quotidienne du peuple. Celui-ci en est conscient et nous soutient. Les Congolais savent que sans l’Église, qui est toujours restée unie, le pays sombrera encore plus dans le désespoir.

En quoi la foi des Congolais est-elle un témoignage pour les catholiques du monde entier ?

Mgr Fridolin AMBONGO : On se souviendra de ce beau témoignage des marches pacifiques organisées par le Comité laïc de coordination. Ces marches ont aidé le pays à aller de l’avant. Confrontés à la mauvaise foi du régime, qui ne voulait pas organiser les élections, les fidèles catholiques n’ont pas hésité à manifester pacifiquement pour revendiquer la tenue des élections. La réaction du pouvoir a été impitoyable : des gaz lacrymogènes dans nos églises, des lieux sacrés profanés, des hommes et des femmes tués, des prêtres humiliés en public. Les participants en ont payé le prix le plus cher, le prix du sang. Malgré tout, ce courage prophétique qui a inspiré la population a rendu possible la tenue des élections et l’alternance démocratique tant attendue.

Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finira par se lever pour ce peuple.

Je crois que c’est un témoignage qui peut inspirer les chrétiens du monde entier et les aider à s’accrocher à l’essentiel : celui qui fonde son engagement sur la foi en Jésus Christ ne peut jamais être déçu. La foi est une force, un moteur, qui aide à aller de l’avant. C’est une locomotive. C’est elle qui aide à faire changer les choses, il faut sans cesse croire que rien n’est impossible à Dieu et c’est ça l’espérance chrétienne.

Gardez-vous l’espoir que des jours meilleurs adviendront ? Sur quoi repose cet espoir ?

Mgr Fridolin AMBONGO : Je suis convaincu que la situation que le Congo traverse aujourd’hui va évoluer. Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finira par se lever pour ce peuple.

Cette conviction nous vient d’abord de notre foi chrétienne : quand on a la foi, on est un homme, une femme, d’espérance.

Nous avons confiance en l’avenir de notre peuple, et pour cette raison l’Église s’engage dans la formation des Congolais. À travers le programme d’éducation civique électorale, nous voulons que ces hommes et femmes deviennent de vrais témoins de l’Évangile, des lumières au service du bien commun du pays.

(Interview : LeFigaro)

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