vendredi , 6 novembre 2020
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Attentats de Pâques : Le bilan s’alourdit au Sri Lanka

Le bilan de la vague d’attentats suicides du dimanche de Pâques au Sri Lanka, qui n’ont toujours pas été revendiqués même si les arrestations se multiplient, s’est alourdi lundi à plus de 315 morts et 500 blessés. En quelques heures, des bombes ont semé mort et désolation dans des hôtels de luxe et églises célébrant la messe de Pâques en plusieurs endroits de l’île d’Asie du Sud, qui n’avait pas connu un tel déchaînement de violence depuis la fin de la guerre civile il y a dix ans. Aucun groupe n’a pour l’heure revendiqué ces attaques coordonnées, en lien avec lesquelles les autorités ont arrêté 24 personnes à ce stade. Aucun détail n’a été donné officiellement sur les suspects.

Le président Maithripala Sirisena, qui était à l’étranger au moment des attaques, est revenu lundi dans le pays de 21 millions d’habitants et présidait un conseil de sécurité, ont indiqué ses services.

Un haut responsable de la police nationale avait émis une alerte il y a dix jours, sur la foi d’informations « d’une agence de renseignement étrangère », avertissant qu’un mouvement islamiste projetait « des attentats suicides contre des églises importantes » et l’ambassade d’Inde à Colombo.

Le groupe cité, le National Thowheeth Jama’ath (NJT), s’était fait connaître l’an passé en lien avec des actes de vandalisme commis contre des statues bouddhiques.

« La vie continue »

Lundi matin à Negombo, ville à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale Colombo, le paroissien Dilip Fernando était revenu devant l’église Saint-Sébastien, où sa famille et lui ont échappé de peu au carnage provoqué par l’une des attaques suicide visant la minorité chrétienne.

« Si l’église avait été ouverte ce matin, je serais allé à l’intérieur. Nous n’avons pas peur. Nous ne laisserons pas les terroristes gagner. Jamais! Je continuerai à aller à l’église », a-t-il déclaré à l’AFP.

Des dizaines de paires de chaussures appartenant aux victimes étaient rassemblées sur le terrain devant l’édifice catholique. Une chaussure d’homme, déchirée en deux, portait du sang séché.

À l’intérieur, des tuiles tombées du toit se mélangeaient aux débris sur le sol. Les murs et statues religieuses étaient criblés d’éclats.

Suite à la levée du couvre-feu à 06H00 locales (00H30 GMT), la vie semblait reprendre un cours normal dans le pays. Des gens se rendaient au bureau en voiture ou à moto, des tuk-tuk sillonnaient les rues.

« Le Sri Lanka est comme ça. Nous sommes un peuple résilient. Nous avons vu tant de violence pendant la guerre civile. Pour le monde extérieur, ça semble énorme mais pour nous la vie continue », a estimé Nuwan Samarweera, un résident de Colombo de 50 ans.

Six explosions très rapprochées sont survenues dimanche matin et deux plusieurs heures après, dans ce pays prisé des touristes pour ses plages idylliques et sa nature verdoyante.

Le nombre exact d’étrangers tués « est difficile à déterminer. Autour de 37 sont morts, sur lesquels 11 ont été identifiés. Certains des corps sont mutilés et il est compliqué de les identifier », a déclaré à l’AFP un responsable des Affaires étrangères.

Des Indiens, Portugais, Turcs, Britanniques et Américains figurent parmi les nationalités touchées.

Dimanche soir, une « bombe artisanale » a été découverte et désamorcée sur une route menant vers le principal terminal de l’aéroport de Colombo. L’aéroport reste ouvert sous haute sécurité.

Souvenirs traumatiques

Dans la capitale, trois hôtels de luxe en front de mer – le Cinnamon Grand Hotel, le Shangri-La et le Kingsbury – ainsi que l’église Saint-Antoine ont été frappés par des attaques presque simultanées à partir de 08H30-09H00 locales (03H00-03H30 GMT) dimanche.

Des bombes ont aussi explosé dans l’église Saint-Sébastien à Negombo et dans une autre à Batticaloa, ville située de l’autre côté du Sri Lanka, sur la côte orientale.

Quelques heures plus tard, deux nouvelles déflagrations sont survenues. L’une dans un hôtel de Dehiwala, une banlieue sud de Colombo, l’autre à Orugodawatta, dans le nord de la ville, où un kamikaze s’est fait exploser lors d’une opération policière.

Primasha Fernando, 16 ans, habite à 500 mètres de l’église visée à Negombo. Elle a couru sur les lieux dès qu’elle a entendu l’explosion.

« J’ai vu des corps partout, une cinquantaine de corps. Des mains et jambes étaient sectionnées. Il y avait du sang partout. L’odeur était si forte que ça me rendait malade », a raconté cette lycéenne, désormais incapable de se concentrer sur ses examens imminents.

« Je n’arrive pas à sortir ces images de mon esprit. »

Du Vatican aux États-Unis en passant par l’Inde, les condamnations internationales ont été unanimes. À Paris, la tour Eiffel s’est éteinte à minuit en signe de solidarité.

Pour Shantha Prasad, un chargé de la réception des ambulances à l’hôpital national de Colombo, les scènes de carnage de dimanche ont éveillé des souvenirs traumatiques que le Sri Lanka, meurtri par des décennies de guerre civile, espérait ne plus jamais connaître.

« J’ai transporté environ huit enfants blessés hier. Il y avait deux filles de six et huit ans, le même âge que mes filles. Leurs vêtements étaient déchirés et maculés de sang. C’est insupportable de voir à nouveau ce type de violence », a-t-il dit.

Environ 1,2 million de catholiques vivent au Sri Lanka où les chrétiens représentent 7% de la population, majoritairement bouddhiste (70%). Le pays compte également 12% d’hindous et 10% de musulmans.

Les ambassades étrangères au Sri Lanka ont recommandé à leurs ressortissants d’éviter tout déplacement non impératif.

PÂQUES SANGLANTES

La presse de lundi est revenue sur les attaques qui ont fait plus de 315 morts dimanche matin au Sri Lanka et ponctué de sang et dans « l’effroi » la Semaine sainte des catholiques.

La plupart des quotidiens paraissant en ce lundi de Pâques ont fait chorus en titrant « Pâques meurtrières » (Le Figaro, Ouest France), « sanglantes » (Courrier Picard, La Provence, La Voix du Nord) ou « ensanglantées » (Dernières Nouvelles d’Alsace), ou encore « dramatiques » (L’Union). « Le terrorisme frappe durement le Sri Lanka », décrit L’Alsace en une.

« Le carnage », écrit pour sa part Midi Libre en une, avec cependant « Pâques sanglantes au Sri Lanka » dans la légende de la photo où l’on voit des bancs en désordre, des militaires et des secouristes dans une église, image évoquant le chaos qui a ébranlé l’île et attristé le monde.

« Les catholiques pris pour cible », titre de son côté Le Parisien. « Après la catastrophe de Notre-Dame, ce dimanche pascal s’ouvrait sur un espoir », y écrit Stéphane Albouy. « Celui de voir la cathédrale parisienne rouvrir ses portes d’ici quelques années. Mais ce 21 avril restera une date tragique pour la communauté chrétienne ».

L’incendie de Notre-Dame en ouverture de la Semaine sainte est ainsi mentionné, mais jamais mis en rapport avec ces attentats: les éditorialistes se gardent bien d’amalgamer deux événements sans commune mesure sur le plan des vies humaines, l’incendie n’ayant fait aucun mort.

Dimanche, la communauté chrétienne a perdu autour de deux cents fidèles, et l’éditorialiste du Figaro, Étienne de Montety, insiste sur la récurrence des actes antichrétiens: « Le drame au Sri Lanka, et plus largement les persécutions dans le monde, nous obligent à élargir notre horizon: des hommes et des femmes souffrent, meurent parce qu’ils vivent leur foi, se rendent à l’église pour célébrer Pâques, le sommet de la vie chrétienne; il faut se rendre à l’évidence: nous vivons le temps des martyrs ».

« Litanie macabre »

Ces attentats n’avaient pas été revendiqués dimanche, même si un mouvement islamiste est cité par les autorités locales comme un possible responsable en raison d' »informations » sur des risques d’attaques émanant il y a une dizaine de jours « d’une agence de renseignement étrangère ».

Laurent Bodin, dans L’Alsace, estime que, « alors que cette fête est la plus importante de la chrétienté, le message adressé à l’Occident est sans équivoque : la guerre contre l’islamisme radical n’est pas gagnée, malgré la défaite militaire sur le terrain, en Syrie et en Irak, de Daech ».

A moins que ces attaques soient liées au contexte local, comme le suggère Didier Rose (DNA), qui rappelle des incidents préalables qui « n’ont cessé de fragiliser les espoirs d’entente cordiale entre les communautés du pays » victime d’une longue guerre civile (1983-2009). « Dirigés déjà contre les chrétiens, ou opposant musulmans et bouddhistes, ces incidents ont donné au Sri Lanka l’image d’un volcan mal éteint, d’une île pouvant soudain chavirer sous le coup de rancœurs jamais endormies ou de pulsions fondamentalistes », regrette-t-il.

« En ces temps de changements rapides, le mal être des peuples aboutit aux radicalisations », observe pour sa part Jean Levallois (La Presse de la Manche).

Toujours est-il que ces attentats résonnent dans la mémoire collective nationale, car « face à la détresse des Sri Lankais, nous sentons remonter en nous ce désespoir qui avait saisi la France après les attentats de novembre 2015 et la litanie macabre des attaques terroristes que notre pays a endurées depuis plusieurs années », écrit François Wojtalik dans le Courrier Picard.

En tout cas, souligne Géraldine Baerh dans L’Union, « il n’y a plus de trêve, et le monde doit vivre avec cela. Il n’est pas question pour autant de se résigner ».

TRAQUE AUX ISLAMISTES RESPONSABLES DES ATTENTATS DE PÂQUES

Le Sri Lanka traquait lundi les responsables de la vague d’attentats suicides qui ont fait plus de 315 morts et 500 blessés la veille, un bain de sang imputé à un mouvement islamiste local dont l’enquête cherche à déterminer d’éventuelles connexions internationales.

Alors que les attaques n’ont toujours pas été revendiquées, le pays de 21 millions d’habitants a déclaré l’état d’urgence à partir de lundi minuit (18H30 GMT) et un nouveau couvre-feu nocturne dans un contexte de vive tension.

En quelques heures dimanche, des attentats à la bombe coordonnés ont semé la mort dans des hôtels et des églises célébrant la messe de Pâques en plusieurs endroits du Sri Lanka, qui n’avait pas connu un tel épisode de violences depuis la fin de la guerre civile il y a dix ans.

Au moins 31 étrangers, dont une personne de nationalité française, figurent parmi les morts, a annoncé lundi le ministère srilankais des Affaires étrangères. 14 autres sont toujours portés disparus et pourraient figurer parmi les victimes non identifiées à la morgue, a ajouté le ministère.

Mais, de son côté, la police locale a établi à au moins 37 le bilan des tués étrangers, alors que le processus d’identification des victimes s’avère compliqué.

En pointant du doigt le National Thowheeth Jama’ath (NTJ), le porte-parole du gouvernement sri-lankais a indiqué avoir « du mal à voir comment une petite organisation dans ce pays peut faire tout cela ». « Nous enquêtons sur une éventuelle aide étrangère et leurs autres liens, comment ils forment des kamikazes, comment ils ont produit ces bombes », a-t-il ajouté.

L’incrimination du NTJ marque une montée en puissance spectaculaire de ce groupe extrémiste peu connu, dont le principal fait d’armes jusqu’ici était la dégradation de statues bouddhiques en décembre dernier.

L’organisation avait fait il y a dix jours l’objet d’une alerte diffusée aux services de police, selon laquelle elle préparait des attentats suicides contre des églises de la minorité chrétienne et l’ambassade d’Inde à Colombo.

« Les services de renseignement ont signalé qu’il y a des groupes terroristes internationaux derrière les terroristes locaux », a affirmé le président Maithripala Sirisena lors d’une rencontre avec des diplomates étrangers, demandant l’assistance de la communauté internationale, selon des propos rapportés par ses services.

Les deux principales organisations jihadistes internationales, al-Qaïda et le groupe État islamique (EI), cherchent depuis des années à recruter dans les communautés musulmanes du sous-continent indien. Leur propagande insiste sur les persécutions dont sont, selon elles, victimes les musulmans de la région.

Retour de la peur

Les autorités sri-lankaises ont annoncé l’arrestation de 24 personnes et indiqué que le FBI américain les assistait dans leur enquête. Interpol va également déployer une équipe d’enquêteurs.

Par ailleurs, 87 détonateurs de bombes ont été découverts lundi dans une gare de bus de Colombo située à mi-chemin des hôtels haut de gamme du front de mer et de l’église Saint-Antoine, sites d’attentats dimanche.

En fin d’après-midi, une explosion s’est produite lors d’une opération de déminage de bombe à proximité de cette même église Saint-Antoine, provoquant un mouvement de panique.

Lundi matin, la morgue de Colombo était le théâtre de scènes de désolation. « La situation est sans précédent », notait un responsable sous couvert de l’anonymat. « Nous demandons aux proches de fournir de l’ADN pour aider à identifier certains corps », trop mutilés.

Une femme, dont le frère aîné a été tué avec ses trois enfants, s’est effondrée en larmes en les identifiant un à un sur un écran. Le plus jeune de ses neveux était « un bébé si mignon, il n’avait que huit mois (…). Qu’a-t-il fait pour mériter ça ? », se révoltait-elle.

Dans les rues de la capitale, la vie reprenait un cours d’apparence normale. Pour nombre de Sri-Lankais, les attentats du dimanche de Pâques ont réveillé les terribles souvenirs des années noires de la guerre civile entre la majorité cinghalaise et la rébellion indépendantiste tamoule.

À l’époque, les attentats à la bombe étaient courants et donnaient des sueurs froides aux habitants: « Maintenant, nous avons peur de toucher les sacs poubelles en plastique noir. La série d’explosions hier nous a remis en mémoire le temps où nous avions peur de prendre des bus ou des trains à cause des colis piégés », a témoigné Malathi Wickrama, une balayeuse municipale de la capitale Colombo.

Attaques quasi-simultanées

Six explosions très rapprochées sont survenues dimanche matin et deux autres plusieurs heures après, dans ce pays prisé des touristes pour ses plages idylliques et sa nature verdoyante.

Dans la capitale, trois hôtels de luxe en front de mer — le Cinnamon Grand Hotel, le Shangri-La et le Kingsbury — ainsi que l’église Saint-Antoine ont été frappés par des kamikazes.

Des bombes ont aussi explosé dans l’église Saint-Sébastien à Negombo et dans une autre à Batticaloa, ville située de l’autre côté du Sri Lanka, sur la côte orientale.

Quelques heures plus tard, deux nouvelles déflagrations sont survenues. L’une dans un hôtel de Dehiwala, banlieue sud de Colombo, l’autre à Orugodawatta, dans le nord de la ville.

Dimanche soir, une « bombe artisanale » a été désamorcée sur une route menant au principal terminal de l’aéroport de Colombo qui reste ouvert sous haute sécurité.

Du Vatican aux États-Unis en passant par l’Inde, les condamnations internationales ont été unanimes. Le président américain Donald Trump a présenté lundi ses condoléances au Premier ministre sri-lankais Ranil Wickremesinghe.

« Le président Trump a promis le soutien des États-Unis au Sri Lanka pour déférer les auteurs devant la justice, et les deux dirigeants ont réaffirmé leur engagement à lutter contre le terrorisme mondial », a rapporté la Maison Blanche.

Environ 1,2 million de catholiques vivent au Sri Lanka où les chrétiens représentent 7% de la population, majoritairement bouddhiste (70%). Le pays compte également 12% d’hindous et 10% de musulmans.

Les ambassades étrangères au Sri Lanka ont recommandé à leurs ressortissants d’éviter tout déplacement non impératif. Les États-Unis ont estimé que « des groupes terroristes continuent à préparer de possibles attaques » au Sri Lanka, dans leurs conseils aux voyageurs.

(avec Afp)

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