vendredi , 6 novembre 2020
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Le général de division Gabriel Amisi Kumba dit Tango Four était le chef d'état-major des Forces Terrestres de l'armée de la RDC.
Le général de division Gabriel Amisi Kumba dit Tango Four était le chef d'état-major des Forces Terrestres de l'armée de la RDC.

RDC : Tango Four sanctionné par l’UE et les États-Unis

Le Général Gabriel Amisi Kumba (alias « Tango Four »), sanctionné par les États-Unis et l’Union Européenne (UE) pour atteintes aux droits humains, commercialise des permis forestiers illégaux dans les forêts de la République démocratique du Congo (RDC), lesquelles jouent un rôle crucial pour le climat, révèle Global Witness. Il a commercialisé illégalement des permis d’exploitation forestière en RDC à l’approche de l’élection présidentielle contestée à la fin de l’année dernière. Peter Jones, responsable de campagne à Global Witness, a déclaré : « Le Général Amisi, un puissant initié du régime de Kabila, semble avoir réussi à acquérir et à revendre des permis dans un temps record, alors que l’obtention de nouveaux permis était alors illégale. » « Il est à craindre que des élites congolaises proches du pouvoir aient réussi à bafouer les réglementations environnementales afin de se faire de l’argent, ce qui pourrait avoir profité à des individus jouissant de relations dans le milieu politique, aux dépens des caisses de l’État congolais et des forêts du pays. Cela est d’autant plus inquiétant que l’élection congolaise controversée semble avoir donné lieu à un arrangement de coalition qui permet à Kabila, sans s’être présenté à l’élection, de conserver une très forte influence sur la politique de la RDC », a ajouté Peter Jones.

Le Général Gabriel Amisi Kumba (alias « Tango Four »), sanctionné par l’UE et les États-Unis pour avoir commis des atteintes aux droits humains, est une personnalité puissante en RDC et un proche allié de l’ancien président Joseph Kabila, ce qui soulève des préoccupations quant à la possibilité qu’il se soit servi de son influence pour contourner la loi en acquérant puis en revendant les permis forestiers.

La famille d’Amisi a obtenu cinq concessions forestières en juin 2018, ce qui constitue une violation du moratoire sur l’attribution de concessions forestières industrielles, en vigueur depuis plusieurs années en RDC, dont l’objectif est de protéger les forêts humides congolaises d’une grande biodiversité et critiques pour l’environnement.

Le ministre congolais de l’Environnement a confisqué ces permis sans préavis à d’autres sociétés forestières, avant de les transférer vers la société Maniema Union 2, qui appartient à la famille d’Amisi.

L’annulation des permis et leur affectation à Maniema Union 2 ont pris quatre jours. En quelques semaines, la famille d’Amisi avait revendu la société et ses permis à Lei Hua Zhang, un géant du bois chinois qui détient une grande société forestière entourée de mystère en RDC.

Peter Jones, responsable de campagne à Global Witness, a déclaré :

« Le Général Amisi, un puissant initié du régime de Kabila, semble avoir réussi à acquérir et à revendre des permis dans un temps record, alors que l’obtention de nouveaux permis était alors illégale. »

« Il est à craindre que des élites congolaises proches du pouvoir aient réussi à bafouer les réglementations environnementales afin de se faire de l’argent, ce qui pourrait avoir profité à des individus jouissant de relations dans le milieu politique, aux dépens des caisses de l’État congolais et des forêts du pays. Cela est d’autant plus inquiétant que l’élection congolaise controversée semble avoir donné lieu à un arrangement de coalition qui permet à Kabila, sans s’être présenté à l’élection, de conserver une très forte influence sur la politique de la RDC », a ajouté Peter Jones.

Ce n’est pas la première fois qu’Amisi se livre au commerce lucratif de ressources naturelles en RDC. Le général est accusé depuis longtemps (par l’ONU, entre autres) d’avoir participé à l’exploitation minière illégale et au commerce d’armes.

En outre, Amisi est impliqué depuis de nombreuses années dans plusieurs atteintes aux droits humains. Il a été sanctionné en 2016 par l’UE et les États-Unis au motif qu’il aurait supervisé les mesures répressives meurtrières de manifestations pro-démocratie à Kinshasa ; des citoyens congolais avaient manifesté contre les reports de l’élection présidentielle, au départ prévue pour 2016. Après ces événements et l’imposition de sanctions internationales, Amisi a été promu par Kabila.

Le règne de Kabila a été marqué par une mauvaise gestion et une corruption généralisées, notamment dans les secteurs congolais lucratifs du bois et de l’exploitation minière. La vitesse éclair à laquelle Amisi a acquis et revendu les permis forestiers constitue un exemple supplémentaire de l’incapacité à faire respecter le droit dans le secteur du bois et de l’opacité qui caractérise les transactions commerciales menées dans les forêts congolaises.

Preuves de l’opacité totale du secteur forestier

Lei Hua Zhang a acheté les permis d’Amisi à travers son acquisition de la société Maniema Union 2, détenue à l’époque par l’épouse et les enfants d’Amisi. Des documents d’entreprise indiquent que le général gérait plusieurs des actifs de ses enfants, ceux-ci étant trop jeunes pour s’en charger. Des documents que Global Witness a pu consulter montrent que l’épouse d’Amisi a continué de gérer les concessions forestières de Maniema Union 2 plusieurs mois après avoir cédé ses parts dans la société.

M. Zhang est le président de Wan Peng International, un conglomérat chinois de premier plan actif à travers l’Afrique et l’Asie dans les secteurs du bois, du ciment et du transport. Bien que Wan Peng semble disposer d’importantes opérations d’exploitation forestière et de négoce du bois en RDC, pratiquement aucune trace de la société n’apparaît dans les registres officiels relatifs au secteur du bois ou aux exportations de la RDC que Global Witness a consultés. La société affirme avoir acheté en 2015 1,09 million d’hectares de forêt vierge en RDC, mais les concessions n’apparaissent pas sur la carte en ligne des concessionnaires publiée par le ministère de l’Environnement.

Ses récentes activités dans la région indiquent que l’entreprise de M. Zhang, Wan Peng, n’a aucun scrupule à se lancer en affaires avec des individus jouissant de relations avec des personnalités politiques. Ainsi, en 2017, Wan Peng a racheté 80 % des parts de la société forestière Christelle SARL, détenue par Kelly Christelle Sassou Nguesso, fille de Denis Sassou Nguesso, le président de la République du Congo, pays voisin de la RDC.

« Les informations incomplètes dont nous disposons sur les opérations forestières de Wan Peng en RDC illustrent bien l’opacité de ce secteur au sens large », a remarqué Peter Jones. « Il est crucial que le secteur du bois congolais soit géré en toute transparence afin que les activités forestières menées dans l’une des forêts les plus importantes au monde pour la régulation du climat ne se poursuivent pas sans surveillance efficace, car les conséquences seraient dévastatrices. »

Ce que le ministère congolais de l’Environnement a dit, et ce qu’il doit faire désormais

Bien qu’il soit légalement tenu de le faire, le ministère congolais de l’Environnement n’a toujours pas publié d’informations sur les titulaires des permis des concessions associées à Maniema Union 2. Il n’a pas non plus publié en ligne de copie des contrats forestiers de Maniema Union 2. Cette opacité du secteur de l’exploitation forestière en RDC fait courir le risque que du bois récolté illégalement soit vendu sur le marché mondial, les acheteurs ne pouvant pas vérifier de manière indépendante qui sont les propriétaires des concessions d’où provient le bois qu’ils achètent, alors que cela constitue un facteur essentiel pour assurer une diligence raisonnable efficace en matière d’achats de bois.

Le gouvernement de la RDC devrait immédiatement révoquer toutes les concessions attribuées en violation de son moratoire et publier tous les détails relatifs aux propriétaires de concessions et aux contrats. La communauté internationale qui octroie des fonds au ministère de l’Environnement de la RDC devrait veiller à ce que des initiatives de transparence soient bel et bien mises en œuvre par les institutions qu’elle finance. Les négociants internationaux en bois qui achètent du bois provenant de RDC doivent se livrer à un exercice de diligence raisonnable approfondie pour veiller à ne pas acheter de bois provenant de concessions attribuées dans l’illégalité ou liées à des individus visés par des sanctions.

Le régime de Joseph Kabila

Joseph Kabila a été président de la RDC pendant 18 années. Arrivé au pouvoir après l’assassinat de son père en 2001, il a ensuite remporté deux élections, en 2006 et 2011. La Constitution de la RDC imposant au président une limite de deux mandats de cinq années, Kabila devait se retirer en 2016. Mais il a sans cesse cherché à reporter l’élection, faisant craindre qu’il n’envisage de rester au pouvoir en violation de la Constitution. Une élection présidentielle a fini par avoir lieu en décembre 2018, Félix Tshisekedi étant déclaré vainqueur. Tshisekedi a remplacé Kabila lors de la première transition pacifique du pouvoir, mais les résultats officiels de l’élection ont été rejetés par l’Église catholique, qui avait déployé une équipe de 40 000 observateurs électoraux pour surveiller le scrutin. Un éminent observateur universitaire a qualifié le résultat de « première élection à être truquée par le gouvernement en faveur d’un candidat de l’opposition ». Tshisekedi, qui ne détient pas la majorité parlementaire, forme actuellement un gouvernement de coalition avec le parti de Kabila, le FCC ; Kabila et ses alliés semblent ainsi appelés à conserver une influence significative sur les principaux ministères et institutions.

Global Witness fait campagne depuis plus de dix ans pour la protection des forêts de RDC qui jouent un rôle clé dans la régulation du climat. Nous avons également plaidé en faveur de la bonne application du Règlement Bois de l’Union européenne à l’égard du bois congolais. Notre rapport Échec total du système a mis en évidence des problèmes systémiques dans la gestion du secteur forestier de la RDC, en démontrant que le plus important titulaire de concessions forestières opérait illégalement sur 90 % de ses sites. Notre récent document d’information Acheteurs, soyez vigilants démontre que les entreprises de l’UE pourraient importer du bois congolais illégal représentant plusieurs millions d’euros. Un autre document d’information récent montre qu’en l’absence de contrôle réglementaire sur les importations illégales de bois, la Chine est exposée à un risque systématique d’importation illégale de bois.

Le lieutenant-général Gabriel Amisi Kumba (alias « Tango Four ») occupe le deuxième poste le plus puissant de l’armée congolaise. Le Groupe d’experts de l’ONU pour la RDC l’a accusé d’armer des groupes rebelles et des braconniers, ainsi que d’être impliqué dans l’exploitation illégale de l’or. Il a été sanctionné par les États-Unis et l’UE en 2016 en raison du rôle qu’il a joué dans la répression violente de manifestations pro-démocratie à Kinshasa.

Le ministère congolais de l’Environnement produit, conjointement avec le World Resources Institute (WRI), une carte en ligne des concessions forestières et de leurs propriétaires, mais cette carte semble contenir des erreurs et des omissions. Une carte similaire, produite en septembre 2018 par le projet Agedufor, une initiative de gestion forestière de plusieurs millions d’euros financée par l’Agence française de développement, manque également d’informations essentielles sur l’identité des titulaires de permis dans plusieurs concessions, dont une qui semble être liée à Maniema Union 2. Dans de nombreux cas, au lieu de donner le nom du titulaire du permis, la carte se contente d’indiquer la mention « Contrat signé ». On ignore comment Agedufor a pu s’assurer qu’un contrat avait effectivement été signé sans connaître l’identité du concessionnaire. Si Agedufor dispose bel et bien du nom du titulaire, difficile de comprendre pourquoi cette information ne peut être divulguée. Les cinq concessions octroyées à Maniema Union 2 en juin 2018 apparaissent sur cette carte sous les noms de leurs anciens propriétaires, alors que la carte est désignée comme ayant été produite en septembre 2018, soit trois mois après l’attribution de ces concessions à Maniema Union 2.

L’initiative pour la forêt de l’Afrique Centrale (CAFI), qui finance des projets forestiers en RDC, a stipulé dans une déclaration publiée le 1er mars 2018 qu’aucun transfert de fonds ne serait fait aux projets CAFI en RDC tant que les concessions allouées de façon illégale, en violation du moratoire et des principes énoncés dans la lettre d’intention de CAFI, soient révoquées.

(avec Global Witness)

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