vendredi , 6 novembre 2020
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Discours : Macron n’a pas convaincu les « gilets jaunes »

Emmanuel Macron a tenté lundi de calmer la colère des « gilets jaunes » en annonçant une série de mesures sociales, qui ont été saluées comme une « avancée » par certains protestataires tandis que d’autres les jugeaient insuffisantes pour arrêter leur mobilisation. Augmentation de 100 euros des salaires au niveau du Smic, exemption de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros par mois, heures supplémentaires payées « sans impôts ni charges »: le chef de l’Etat a annoncé plusieurs nouveaux gestes face à ce qu’il a appelé « l’état d’urgence économique et sociale ». « Mon seul souci, c’est vous. Mon seul combat, c’est pour vous », a affirmé le chef de l’Etat en concluant son « adresse à la Nation » de près de 13 minutes. Ce discours, prononcé à l’Elysée, était présenté comme décisif pour le président, confronté à la crise politique la plus grave depuis le début de son quinquennat il y a 18 mois. Les « gilets jaunes » ont qualifiés ce discours de « mascarade », « pipeau » ou encore « esbroufe ».

Emmanuel Macron a annoncé plusieurs nouveaux gestes lundi soir en réponse au mouvement des « gilets jaunes », assurant entendre une colère « juste à bien des égards » et faisant un mea culpa sur ses propos polémiques qui ont pu « blesser ».

Augmentation de 100 euros des salaires au niveau du Smic, exemption de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros par mois, heures sup payées « sans impôts ni charges »: le chef de l’Etat a annoncé plusieurs mesures face à ce qu’il a appelé « l’état d’urgence économique et sociale ».

« Je demande au gouvernement et au Parlement de faire le nécessaire afin qu’on puisse vivre mieux de son travail dès le début d’année prochaine. Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur », a-t-il affirmé lors de son « adresse à la Nation » télévisée, sans préciser la mesure.

Les heures supplémentaires seront versées « sans impôts ni charges dès 2019 », comme cela avait été le cas sous le quinquennat Sarkozy. Le président de la République a également demandé « à tous les employeurs qui le peuvent » de verser « une prime de fin d’année à leurs employés » qui elle aussi sera sans impôt ni charge.

Le chef de l’Etat a également adressé un geste fort aux retraités, « partie précieuse de notre Nation ».

« Pour ceux qui touchent moins de 2.000 euros par mois, nous annulerons en 2019 la hausse de la CSG subie cette année. L’effort qui leur a été demandé était trop important et n’était pas juste », a-t-il dit. Jusque-là, seuls les retraités gagnant moins de 1.200 euros environ étaient exemptés.

Emmanuel Macron a dit lundi soir ressentir comme « juste à bien des égards » la colère des « gilets jaunes » et avoir conscience qu’il lui était « arrivé de blesser » certains par ses propos.

Évoquant « 40 années de malaise qui ressurgissent », le chef de l’Etat a déclaré: « je sais qu’il m’est arrivé de blesser certains d’entre vous par mes propos ».

De nombreux « gilets jaunes » ont accusé le président d’être « méprisant » et « hautain » avec ses « petites phrases » sur les « Gaulois réfractaires », les « fainéants » ou les gens qui ne « sont rien ».

« Je prends ma part de cette responsabilité » dans cette crise, a-t-il affirmé. « Il a pu m’arriver de vous donner le sentiment que ce n’était pas mon souci que j’avais d’autres priorités ».

Le chef de l’Etat avait condamné au début de son intervention les « violences inadmissibles » qui ont émaillé le mouvement des « gilets jaunes », assurant que « ces violences ne bénéficieront d’aucune indulgence ».

Quant au grand débat local de trois mois qui doit débuter la semaine prochaine, « il doit être beaucoup plus large », a affirmé le chef de l’Etat.

Emmanuel Macron ira « rencontrer les maires, région par région » pour bâtir le socle d’un « nouveau contrat pour la nation », estimant qu’il faut aborder « toutes les questions essentielles », liées notamment à une meilleure représentation des courants d’opinion ou à la prise en compte du vote blanc.

« Pour réussir, nous devons nous rassembler et aborder ensemble toutes les questions essentielles à la nation », a déclaré le chef de l’Etat lors de son allocution télévisée, évoquant notamment « la possibilité de voir les courants d’opinion mieux entendus dans leur diversité », mais aussi « la prise en compte du vote blanc, et même que soient admis à participer au débat des citoyens n’appartenant pas à des partis ».

LES « GILETS JAUNES » DIVISÉS

Suffira-t-il à y mettre fin ? L’une des figures des « gilets jaunes », la Bretonne Jacline Mouraud, a appelé à « une trêve » car « il y a des avancées, une porte ouverte ». « Maintenant il faut sortir de cette crise » car « on ne peut pas passer le reste de notre vie sur des ronds-points », a ajouté cette porte-parole des « gilets jaunes libres », un collectif jugé plus modéré.

Mais, pour d’autres, il n’est pas question de se retirer car « Macron n’a pas pris la mesure de ce qui se passait », selon Pierre-Gaël Laveder, manifestant à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). « Chaque annonce a été huée et la première réaction a été: +On se fout de notre gueule+ », a-t-il témoigné après avoir regardé l’intervention avec une soixantaine de « gilets jaunes ».

L’enjeu d’Emmanuel Macron « était de créer une brèche dans l’opinion, en s’adressant surtout à ceux qui soutiennent les gilets jaunes » afin « de marginaliser les jusqu’aux boutistes », estime Christian Delporte, expert en communication politique. « Si ceux qui ont soutenu les gilets jaunes disent +arrêtez+, il aura gagné », selon lui.

Sans opérer un véritable changement de camp, M. Macron a esquissé des gestes dont le financement et le coût restent à déterminer.

Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des comptes publics a chiffré lundi soir entre « 8 et 10 milliards d’euros ». Il revient désormais au Premier ministre Edouard Philippe d’en préciser les contours.

« Juste à bien des égards »

Pour Jean-Daniel Levy, expert de Harris Interactive, Emmanuel Macron n’a pas annoncé « un vrai virage social mais des gestes sociaux ». « Mais une intervention ne suffit pas », a-t-il dit.

Revenant sur les raisons de la crise, le chef de l’Etat a évoqué « 40 années de malaise qui ressurgissent » et a dit ressentir « comme juste à bien des égards » la colère des « gilets jaunes ».

Il a de nouveau esquissé un mea culpa sur son attitude, en reconnaissant qu’il lui était « arrivé de blesser certains d’entre vous par mes propos ».

Depuis un mois, les « gilets jaunes » ne cessent de réclamer « Macron démission », en clamant parfois leur « haine » d’un président jugé « arrogant » et « déconnecté » de la vie des Français.

L’urgence de l’exécutif est désormais de tenter d’éviter un « acte V » de la contestation alors que des appels à manifester sont déjà lancés sur les réseaux sociaux pour le 15 décembre. L’acte IV a rassemblé samedi quelque 136.000 manifestants et s’est soldé par un nombre record d’interpellations, plus de 320 blessés et encore des dégâts dans de nombreuses villes, particulièrement à Paris, Bordeaux et Toulouse.

Ces « violences inadmissibles (…) ne bénéficieront d’aucune indulgence », a averti le chef de l’Etat.

« Court terme »

Avant de prononcer son allocution, Emmanuel Macron avait reçu pendant quatre heures à l’Elysée les représentants des forces vives du pays, qui avaient regretté d’être ignorées depuis le début du quinquennat.

L’exécutif cherche à rassurer le monde économique alors que la crise va faire perdre 0,1 point de croissance à la France sur le dernier trimestre de cette année, a estimé le ministre de l’Economie Bruno Le Maire.

La France a « un peu de marge » budgétaire et les mesures annoncées lundi ne « remettent pas en cause la maîtrise de la dépense publique », a indiqué l’Elysée, sans préciser si la France maintenait son objectif d’un déficit inférieur à 3% de PIB pour 2019.

Dans le monde politique, les premières réactions étaient un peu moins négatives à droite qu’à gauche ou à l’extrême droite.

« Je vais être très sincère, je n’ai pas été déçu », a ainsi déclaré le député LR Guillaume Pelletier, en saluant des mesures « pour la France moyenne ».

Mais pour Olivier Faure, premier secrétaire du PS, « le cap n’est pas modifié ! » et « le nouveau monde, c’est +retour vers le futur+ (…) du Sarkozy ». Les députés socialistes décideront finalement mardi seulement s’ils déposeront une motion de censure commune avec les Insoumis et les communistes contre le gouvernement.

Jean-Luc Mélenchon (LFI) a pointé la « réalité bien crue » que « toutes les mesures annoncées » seront « payées par les contribuables et les assurés sociaux, aucune par les grandes fortunes, ni les profits ».

Emmanuel Macron « recule pour mieux sauter », a déclaré à l’AFP Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national.

« On est très très loin du compte », a également estimé le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

PERTE DE 0,1 POINT DE CROISSANCE POUR LA FRANCE

Les troubles liés aux manifestations des « gilets jaunes » feront perdre 0,1 point de croissance à la France sur le dernier trimestre de cette année, a estimé lundi le ministre des Finances, Bruno Le Maire.

« Je pense que les événements actuels devraient nous faire perdre 0,1 point de croissance de notre richesse nationale au dernier trimestre », a affirmé le ministre sur RTL, refusant néanmoins de revoir pour l’instant à la baisse la croissance pour l’ensemble de l’année, attendue à 1,7% par le gouvernement.

« Je ne vais pas faire de révision pour le moment, mais nous aurons sans doute 0,1 point de croissance en moins à la fin de l’année », a ajouté le ministre, qui avait déjà estimé à 0,1 point l’impact négatif sur la croissance de la grève à la SNCF en début d’année.

Pour sa part, la Banque de France a divisé par deux, à 0,2% contre 0,4% précédemment, le taux de croissance du PIB français pour le quatrième trimestre, l’impact du mouvement des « gilets jaunes » se faisant sentir dans « la plupart des secteurs ».

« Ce n’est pas rattrapable », a reconnu M. Le Maire. « C’est la réalité. Celle des commerçants, des indépendants, qui ont vu leurs magasins samedi abîmés, vandalisés, pillés », a-t-il affirmé.

« C’est aussi la réalité des investisseurs étrangers qui nous regardent (…). Je vois l’impact que cela a sur l’étranger et cela n’est pas bon pour l’attractivité de notre pays », a-t-il souligné.

Le ministre des Finances s’est d’ailleurs déclaré favorable à une « accélération » de la baisse des impôts en France, mais s’est opposé à la suppression de la hausse de la CSG pour les retraités.

« Je suis totalement ouvert à une l’accélération de la baisse des impôts », a affirmé le ministre sur RTL. « Je souhaite que nous accélérions la baisse des impôts et la baisse des taxes », a-t-il ajouté.

Interrogé par un auditeur sur la possibilité de supprimer la hausse de la CSG pour les retraités, il a rejeté catégoriquement cette idée. « Je vais vous décevoir, mais la réponse sera non », a-t-il affirmé. « La hausse de la CSG c’est ce qui permet de financer l’augmentation du salaire net de tous ceux qui travaillent », a-t-il argumenté.

Concernant l’intervention dans laquelle Emmanuel Macron doit s’adresser lundi aux Français, M. Le Maire s’est dit « convaincu que le président saura trouver les mots justes. Ce qui compte le plus aujourd’hui, c’est de trouver des mots qui apaisent », a-t-il affirmé.

(avec Afp)

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