L’Union européenne et le Royaume-Uni ont tourné une page historique de leurs relations dimanche, en entérinant un accord de divorce qui doit mettre fin à un mariage houleux de plus de 40 ans. « Nous resterons partenaires et amis » avec le Royaume-Uni après le Brexit, a déclaré le négociateur en chef de l’Union européenne Michel Barnier, dimanche à son arrivée au sommet européen de Bruxelles destiné à approuver l’accord de divorce avec Londres. M. Barnier a souligné que, lors de négociations « très difficiles et complexes », il avait travaillé « avec, jamais contre le Royaume-Uni ». Il a appelé « chacun à désormais prendre ses repsonsabilités », alors que le résultat du vote du parlement britannique sur l’accord de Brexit demeure très incertain. La Première ministre britannique Theresa May a appelé lundi les députés britanniques à le soutenir au nom de l’intérêt national.
Voir le Royaume-Uni « quitter l’UE n’est pas un moment de jubilation ni de célébration, c’est un moment triste et c’est une tragédie », a déclaré le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
« Il est tragique de voir le Royaume-Uni quitter l’UE après 45 ans », a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel tandis que le président français Emmanuel Macron a qualifié le moment de « grave », qui montre « une part de fragilité » de l’UE.
La dirigeante allemande s’est toutefois félicité que les négociateurs soient parvenus à un accord, qui relève selon elle « de l’oeuvre d’art diplomatique », après 17 mois de négociations difficiles et plus de deux après le référendum britannique qui a voté le Brexit.
L’inédit « traité de retrait », un pavé de 585 pages, doit toutefois encore passer l’épreuve de la ratification du Parlement européen et surtout celle du parlement britannique avant d’entrer en vigueur, ce qui n’est pas gagné côté britannique.
Le meilleur accord
C’est en tout cas le meilleur que pouvait obtenir le Royaume-Uni, ont fait valoir les 27, restés unis autour de leur négociateur en chef Michel Barnier pendant toute la durée des discussions face à des Britanniques qui étaient eux divisés sur les objectifs à atteindre.
« Ceux qui pensent qu’en rejetant cet accord, ils en obtiendront un meilleur seront déçus dans les secondes qui suivent », a déclaré M. Juncker devant la presse, affirmant que « c’est le seul accord possible ». « Et j’invite tous ceux qui devront ratifier cet accord à la chambre des Communes à tenir compte de cette réalité », a-t-il averti.
Evoquant l’avenir, l’UE va tenter de nouer la relation « la plus proche possible » avec Londres après le Brexit qui sera effectif le 29 mars 2019, est-il écrit dans la courte « déclaration politique » également approuvée dimanche par le Conseil européen et Theresa May, qui sera jointe au traité de divorce.
« Une chose est certaine, nous resterons amis jusqu’à la fin des temps », a dit le président du Conseil européen Donald Tusk.
« Il s’agit d’un accord pour un avenir meilleur, qui nous permet de saisir les opportunités qui nous attendent », a plaidé Mme May, dans une « lettre à la nation » adressée dimanche aux Britanniques.
« Je crois que Theresa May s’est battue pour un bon accord, et pour l’UE c’est un résultat acceptable », a jugé le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, mettant lui aussi en garde sur le fait que le Royaume-Uni ne doit pas espérer obtenir mieux que l’accord sur la table.
La pêche « prioritaire »
« Nous serons vigilants sur les conditions de concurrence équitable, et la question de la pêche », a souligné l’entourage de M. Macron.
Sur cette question de la pêche, « il faudra négocier un accord, fondé sur l’exigence de réciprocité. Les pêcheurs de l’UE devront avoir un accès aux eaux britanniques, et les pêcheurs britanniques auront accès à notre marché », a ajouté la même source.
Ce sujet, cher à la France et à l’Espagne entre autres, n’a pas été résolu dans le traité de retrait, qui prévoit qu’il faudra conclure un accord au plus tard d’ici à la mi-2020.
Mais, dans une déclaration annexée aux conclusions du sommet de dimanche, les 27 insistent sur le caractère « prioritaire » du dossier. Ils demandent qu’un accord soit « négocié bien avant la fin de la période de transition » post-Brexit prévue jusqu’à fin 2020 (mais qui pourra être prolongée).
L’unité affichée côté européen s’était fissurée ces derniers jours, quand l’Espagne a fait planer la menace d’une annulation du sommet si elle n’obtenait pas des garanties écrites sur le sort de Gibraltar. Avant que Pedro Sanchez estime samedi après-midi avoir obtenu satisfaction.
Madrid a reçu des garanties écrites de la part de l’UE pour disposer d’un droit de veto sur tout futur accord entre l’UE et le Royaume-Uni concernant Gibraltar, un territoire britannique situé à l’extrême sud de la péninsule ibérique, et dont l’Espagne revendique la souveraineté.
« Le seul qui détient la clé (des relations futures entre l’UE et Gibraltar) est l’Espagne », s’est félicité dimanche une source gouvernementale espagnole. C’est une « grande victoire ».
La déclaration aborde aussi d’autres questions sur lesquelles les 27 s’engagent à faire preuve de « vigilance » vis-à-vis de Londres dans la mise en oeuvre de leurs accords, comme celui de la « concurrence loyale » nécessaire dans le domaine économique.
L’accord de retrait règle notamment la question de la facture que devra payer Londres à l’UE, sans la chiffrer, et prévoit une solution controversée pour éviter le retour d’une frontière physique entre l’Irlande et la province britannique d’Irlande du Nord.
LES DIRIGEANTS DES 27 PAYS DE L’UE APPROUVENT L’ACCORD DE DIVORCE AVEC LE ROYAUME-UNI
Les dirigeants des 27 pays de l’Union européenne ont tourné une page historique en approuvant dimanche l’accord de divorce avec le Royaume-Uni ainsi que la déclaration ébauchant la relation post-Brexit avec ce pays.
Le Royaume-Uni est le premier pays à claquer la porte du cercle européen.
« Le Conseil européen approuve l’accord de retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique », écrivent les 27 dans les conclusions du sommet, ajoutant vouloir instaurer la relation « la plus proche possible » post-Brexit avec Londres.
Cette relation future a fait l’objet d’une « déclaration politique » séparée de l’accord de divorce, qui a également été approuvée par le Conseil européen.
Les 27 ont remercié le négociateur en chef de l’UE Michel Barnier « pour ses efforts inlassables » et « sa contribution pour maintenir l’unité parmi les 27 Etats membres tout au long des négociations » avec Londres.
Le procès verbal du sommet réaffirme qu’un accord sur la pêche est « une priorité » et qu’il devrait être négocié avec le Royaume-Uni « bien avant la fin de la période de transition » fin décembre 2020.
Dans des documents annexes, dont une lettre du représentant britannique au conseil européen ainsi qu’une lettre du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et du président du Conseil européen Donald Tusk au Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, des assurances sont données à l’Espagne sur le fait qu’elle aura son mot à dire dans les discussions sur la future relation entre l’UE et Gibraltar.
Cette question du rocher de Gibraltar, territoire britannique situé à l’extrême sud de l’Espagne, a menacé l’organisation du sommet jusqu’à la veille de la rencontre.
Le « traité de retrait », négocié dans la douleur pendant 17 mois entre Londres et Bruxelles, doit encore passer l’épreuve de la ratification du Parlement européen et surtout celle du parlement britannique avant d’entrer en vigueur le 29 mars 2019.
L’accord des députés britanniques, qui devront voter en décembre, est loin d’être gagné.
« Je ferai campagne corps et âme pour remporter ce vote, (…) pour le bien du Royaume-Uni et de l’ensemble de notre population », a promis Theresa May dans une lettre ouverte publié dimanche dans la presse britannique.
« Il est maintenant temps pour chacun de prendre ses responsabilités », a déclaré M. Barnier à son arrivée au sommet. « Nous resterons des alliés, des partenaires et des amis » avec le Royaume-Uni, a-t-il ajouté.
Voir le Royaume-Uni « quitter l’UE n’est pas un moment de jubilation ni de célébration, c’est un moment triste et c’est une tragédie », a déclaré de son côté M. Juncker.
THERESA MAY APPELLE LES DÉPUTÉS BRITANNIQUES À SOUTENIR L’ACCORD DE BREXIT AU NOM DE L’INTÉRÊT NATIONAL
La Première ministre britannique Theresa May a appelé lundi des députés britanniques très sceptiques à soutenir l’accord de divorce obtenu avec l’Union européenne, le « meilleur » et « le seul possible », selon elle.
Mme May a réaffirmé son « absolue certitude » qu’il « n’y a pas de meilleur accord possible » et appelé les parlementaires à le soutenir au nom de l’intérêt national.
Un rejet serait « un retour à la case départ » qui « ouvrirait la porte à plus de divisions et d’incertitude », a-t-elle martelé, au lendemain du sommet européen qui a scellé l’accord entre le Royaume-Uni et ses 27 partenaires de l’UE après 17 mois de négociations difficiles.
Mais le chef du Parti travailliste, le principal parti d’opposition, a rétorqué avec virulence que l’accord était un « acte d’automutilation national ».
« Cette assemblée n’a d’autre choix que de rejeter cet accord », a-t-il affirmé, alors que l’aval des députés est indispensable à la mise en oeuvre de l’accord de retrait et de la déclaration politique sur la future relation avec l’Union européenne.
L’examen par les députés doit avoir lieu avant la pause parlementaire de fin d’année, qui commence le 21 décembre, et probablement autour du 12 décembre.
La tâche de Theresa May s’annonce plus que compliquée car elle ne dispose au parlement que d’une courte majorité absolue – d’une dizaine de voix – assurée par le soutien de son remuant petit allié nord-irlandais, le parti unioniste DUP.
Or le DUP a prévenu qu’il voterait contre, furieux du statut spécial accordé à l’Irlande du Nord dans l’accord afin d’éviter le retour à une frontière physique sur l’ile d’Irlande.
Sans compter les quelque 80 députés conservateurs favorables à un Brexit qui couperait nettement les ponts avec l’UE, les députés écossais du parti indépendantiste SNP et les europhiles du petit parti des Libéraux-démocrates.
Du côté des parlementaires partisans du Brexit, l’ex-chef de la diplomatie Boris Johnson, estime que l’accord est « un désastre » et une « humiliation » pour le Royaume-Uni qui demeure « un Etat satellite » de l’UE.
Faire approuver l’accord par le Parlement sera un « défi », a reconnu dimanche le ministre des Affaires étrangères Jeremy Hunt, mais « beaucoup de choses peuvent changer dans les deux semaines à venir », a-t-il sagement souligné.
Le numéro deux du gouvernement, David Lidington, fait quant à lui valoir que « si l’accord échoue, la réaction des entreprises et des marchés sera négative et il n’y a pas de garantie que nous trouverons une voie stable pour sortir de cette situation », dans un entretien avec le quotidien économique allemand Handelsblatt.
La Bourse de Londres a terminé en hausse de 1,2%, satisfaite de l’accord qui prévoit une période de transition initiale de 21 mois après la date de sortie officielle du 29 mars 2019, au cours de laquelle quasiment rien ne changera entre les deux partenaires.
« Saut dans l’abîme »
Mme May avait réuni dans la matinée son gouvernement pour resserrer les rangs, après que plusieurs ministres mécontents de l’accord ont démissionné récemment.
Elle a reçu le soutien d’une partie de la presse britannique, dont le Times pour lequel même si l’accord n’est pas forcément bon, elle « a raison : la seule alternative est l’absence d’accord ou pas de Brexit ».
« Choisissez le Brexit de May ou sautez dans l’abîme », écrit pour sa part le tabloïd Daily Mail.
En revanche, le Sun, qui est pour le Brexit, a dénoncé une « capitulation » devant l’Union européenne tandis que le Daily Telegraph estime que l’accord ne reflète pas le vote des Britanniques.
Tournée du pays
Même si le Parlement vote en faveur de son accord, les ennuis de Theresa May ne sont pas finis. La cheffe du DUP Arlene Foster a en effet menacé de retirer son soutien au gouvernement s’il était entériné.
La Première ministre s’est également lancée dans une opération de communication en direct avec ses concitoyens et entame mardi une grande tournée dans le pays pour les convaincre de soutenir l’accord.
Elle étudie aussi la possibilité d’un débat télévisé avec Jeremy Corbyn, selon les médias britanniques.
Dès dimanche, elle a écrit une « lettre à la nation » aux accents solennels pour appeler le Royaume-Uni à l’union nationale derrière l’accord, avec la perspective d’une « réconciliation » après des années de déchirement entre europhiles et eurosceptiques, depuis le référendum de juin 2016 par lequel a été décidé le Brexit.
(avec Afp)