samedi , 7 novembre 2020
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Première conférence de presse de Joseph Kabila en six ans. Photo prise le 26 janvier 2018/Kenny Katombe.
Première conférence de presse de Joseph Kabila en six ans. Photo prise le 26 janvier 2018/Kenny Katombe.

RDC : « Joseph KABILA » opte pour la ligne dure

« Le Congo n’a jamais donné de leçons à personne, et n’est pas disposé à en recevoir, a-t-il déclaré. Et surtout pas de ceux qui ont assassiné la démocratie dans ce pays et ailleurs. » « Qui aurait cru que la RDC qui était devenue la risée du monde (…) pouvait grâce aux efforts conjugués ensemble revenir sur la scène internationale et revenir au centre des convoitises (…) et des complots sordides », relève le président congolais. Il ajoute : « Hier dans le gouffre après sa disparition programmée, la RDC est aujourd’hui un État digne de l’être », fait-il savoir, visant volontairement la communauté internationale et continentale, avec qui il a souvent été à couteaux tirés. Après l’adresse du président Kabila à la nation devant le Parlement réuni en congrès, l’heure est au décryptage. Aux Nations unies et à l’Union africaine, on a pris la mesure de venir le plus rapidement possible au chevet du malade congolais. Tout est mis en place pour que la RDC ne sombre pas dans l’hécatombe, au moment où, dans son discours, Joseph Kabila a visiblement opté pour la ligne dure. Depuis hier vendredi, Saïd Djinnit, envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies dans la région des Grands Lacs, est en tournée dans la région. Première étape : Brazzaville, chez Denis Sassou Nguesso.

C’est peut-être une simple coïncidence de calendrier, mais le plus important est que Saïd Djinnit, envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, a été annoncé vendredi à Brazzaville auprès du président Denis Sassou Nguesso, dans une réunion où la RDC est en bonne place dans l’agenda du diplomate onusien.

Programmée bien avant l’adresse du président Kabila à la nation, jeudi dernier, devant le Parlement réuni en congrès, la visite de Saïd Djinnit de l’autre côté du fleuve Congo est interprétée de différentes manières dans les milieux politiques de la RDC. Certains y voient déjà la mainmise des Nations unies et, dans une certaine mesure, de l’Union africaine. Les deux organisations voudraient rebondir sur le dossier au moment où dans son discours du jeudi 19 juillet Joseph Kabila semble être prêt les contacts avec la communauté internationale. Bien sûr, on n’y est pas encore. Aux Nations unies, aucune hypothèse n’est écartée à première vue.

Côté cour, l’on apprend que l’envoyé spécial de l’ONU dans la région des Grands-Lacs se trouve à Brazzaville dans le cadre de la 5ème réunion ministérielle des garants de l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, signé sous l’égide des Nations unies le 24 avril 2013 à Addis-Abeba. Côté jardin, l’on fait savoir que la présence de Saïd Djinnit à Brazzaville procède d’un vaste plan diplomatique qui se prépare entre New-York et Addis-Abeba pour mettre en place une solution définitive à la crise qui sévit en RDC. Et le choix du président Sassou, ci-devant doyen des chefs d’Etat de la sous région, comme premier interlocuteur dans la tournée de l’envoyé spécial de Saïd Djinnit n’est donc pas anodin. Il s’inscrit dans une logique tracée en haute lieu entre l’ONU et l’UA.

Réponse du berger à la bergère

Si Kinshasa ne croit recevoir des directives de personne – dixit Joseph Kabila dans son discours devant le congrès – aux Nations unies et à l’UA, on n’est pas prêt à lâcher prise. Jeudi 19 juillet 2018, peu après l’adresse du président Kabila devant le congrès, le Conseil de sécurité de l’ONU et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA ont clairement affiché leur préoccupation sur la détérioration continue de la situation sécuritaire et humanitaire en RDC, à cinq mois des élections du 23 décembre 2018.

Si l’ONU et l’UA saluent des avancées timides dans le processus électoral, ils restent cependant sceptiques quant à la capacité de la RDC de relever seule le défi d’organiser des élections apaisées dans les échéances prévues dans le calendrier électoral. Comme toujours, l’ONU et l’UA réitérèrent la nécessité pour toutes les parties prenantes au processus électoral, dont la majorité au pouvoir, à revenir sur l’accord politique du 31 décembre 2016, «seule voie viable hors de la situation politique actuelle ».

Face au président qui pense piloter le processus électoral, loin des regards parfois indiscrets de la communauté internationale, l’ONU et l’UA rappellent dans leur dernière déclaration leur devoir de veiller à ce que tout se passe dans l’ordre en RDC. Ce qui ne devrait pas manquer d’irriter davantage le président Kabila qui s’est engagé à ne pas « recevoir des leçons de la part de ceux qui ont assassiné la démocratie dans ce pays et ailleurs sur le continent ». Il n’est pas non plus prêt à se plier aux différentes pressions et autres « sanctions arbitraires et injustes » d’où qu’elles viennent. La RDC, promet-il, aura ses élections, dans le format voulu par le pouvoir en place et non celui imposé de l’extérieur.

Dans ces conditions, reste-il encore une marge de manœuvre autant à l’ONU qu’à l’UA ? Difficile à dire. Toujours est-il que pour le président Kabila, les élections se tiendront dans les délais requis, soit le 23 décembre 2018, loin de toute pression extérieure – fût-elle celle des Nations unies ou de l’UA.

Déterminé à aller jusqu’au bout de sa stratégie, Joseph Kabila a donc fixé la voie à suivre Il se positionne en seul et unique maitre de céans dans le cadre du processus électoral. Un message directement adressé à l’ONU et à l’UA qui ne cessent de le rappeler à l’ordre pour faire sauter trous les verrous qui plombent le processus électoral. Est-ce à dire que Kinshasa a choisi de se détourner de l’Onu et de l’UA dans la conduite du processus électoral ? Pour l’instant, on est encore loin de ce cas de figure. Dns tous les cas, dans la tête du président Kabila, cette option est prise au sérieux.

Ce qui ne décourage ni l’ONU ni l’UA. Depuis hier vendredi, Saïd Djinnit, envoyé spécial d’Antonio Guterres, a entamé une tournée dans la région. Sans doute ne manquera-t-il pas de passer par Kinshasa, là où son chef, Antonio Guterres, n’a pas été le bienvenu.

UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ

Plus de suspense que de réponses aux attentes ! C’est la phrase qui résume le rendez-vous de Joseph Kabila avec la nation. Ce jour qui très attendu pour plus d’un Congolais, devant son petit écran ou à l’écoute de son poste récepteur, n’a été qu’un véritable rendez-vous manqué.

Émoi, déception, indignation, c’est ce qui était aussitôt lu dans les visages de ceux qui attendaient, mais est-ce naïvement, des réponses du chef de l’État sur des questions liées à sa probable candidature à l’élection présidentielle au terme de ses deux mandats constitutionnels, à l’usage ou non de la machine à voter, à la décrispation politique ou à son éventuel dauphin au sein de sa famille politique.

Des questions se posent : Joseph Kabila connaissait-il les attentes du peuple ou les a-t-il ignorées simplement ? Dans le fond, les 50 minutes du discours sur l’état de la nation ont été « du déjà entendu ».

C’est la passion qui l’a emporté sur le devoir, avec des mots bien choisis pour mépriser, mieux, défier la communauté internationale. Une témérité qui est loin d’être justifiée en ce moment où l’on souhaite un atterrissage en douceur du processus électoral.

Néanmoins, en tentant de maintenir le suspense, le chef de l’État rate encore une fois, évidemment, le rendez-vous avec l’histoire. Est-ce au nom de sa « passion pour le Congo » ? À l’évidence, c’est la stratégie du flou qui persiste.

L’objectif, peut-être, c’est d’organiser les élections à la convenance de sa majorité présidentielle. Une manière d’empêcher l’alternance démocratique de se construire.

Dans le maintien du suspense, Kabila et son régime s’emploient, en réalité, à faire perdre du temps à l’opposition et au peuple congolais pour se donner eux-mêmes la marge de manœuvre nécessaire et s’accrocher indéfiniment.

Dans ce jeu, l’opposition doit cesser de se berner par des déclarations pour passer aux actions concrètes. Des actions qui impliquent une mobilisation à même d’assurer des élections ouvertes, libres et transparentes.

C’est à ce prix que prendra fin le suspense pour un changement possible.

[lePotentiel]

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