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Emmanuel Macron lors de son entre au chateau de Versailles, juillet 2018
Emmanuel Macron lors de son entre au chateau de Versailles, juillet 2018

Macron : Humble mais résolu

Emmanuel Macron a défendu lundi devant le Congrès les « chantiers d’une ampleur jamais vue » engagés depuis un an, et affiché sa volonté de donner une tonalité plus sociale aux réformes à venir pour tenir compte des critiques sur le « président des riches ».

« Je suis devant vous dans ce rendez-vous que j’ai voulu annuel, humble mais résolu », a déclaré le chef de l’Etat en s’adressant aux quelque 900 députés et sénateurs rassemblés sous les ors de l’hémicycle du château de Versailles.

« Je sais que je ne peux pas tout, je sais que je ne réussis pas tout », a-t-il ajouté en préambule.

Cette rare autocritique intervient dans un contexte délicat pour l’exécutif, confronté à des sondages défavorables, 14 mois après la victoire d’Emmanuel Macron face à Marine Le Pen au second tour de la présidentielle.

« Je n’ai rien oublié des peurs, des colères accumulées pendant des années qui ont conduit notre pays à ce choix (…) Elles n’ont pas disparu en une année », a reconnu M. Macron.

Dans son discours de près d’une heure et demie, il s’est d’abord attaché à défendre « les engagements tenus » de la première année. Car « ce que nous avons dit, nous l’avons fait ».

Il a surtout cherché à combattre l’image de « président des riches » dont l’affublent ses opposants, de droite comme de gauche. « Je n’aime ni les castes, ni les rentes, ni les privilèges », a-t-il dit, en assumant la logique de la « voie française », qui vise à « conjuguer en même temps le progrès économique et le progrès social ».

« Si l’on veut partager le gâteau, la première condition est qu’il y ait un gâteau. Et ce sont les entreprises rassemblant actionnaires, dirigeants et travailleurs, ce sont les producteurs, qui font ce gâteau, et personne d’autre », a-t-il martelé.

Jusqu’à présent, cette politique peine à convaincre car seuls 29% des Français l’estiment « juste », selon un récent sondage. « Depuis un an, les Français sont passés de l’espoir au doute car le président n’est pas au rendez-vous de ses promesses », a commenté Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, après le discours.

« Choix courageux »

Pour la deuxième année, Emmanuel Macron a fixé une double priorité: mieux « protéger » les plus vulnérables tout en réduisant les dépenses de l’Etat.

Il a ainsi promis « des choix forts et courageux » pour engager la baisse des dépenses publiques, qui seront annoncés « dans les prochaines semaines » par le Premier ministre Edouard Philippe. « Il ne saurait y avoir de baisse de la fiscalité ou de développement de l’investissement sans un ralentissement de la hausse continue de nos dépenses », selon lui.

Le président a surtout consacré une large place au social. La « priorité de l’année qui vient » sera de « construire l’État providence du XXIe siècle » pour qu’il devienne « émancipateur, universel, efficace » et « responsabilisant ».

Il sera basé sur « un nouveau contrat social » dont Emmanuel Macron discutera le 17 juillet avec les syndicats et le patronat, invités à l’Elysée. Seront ainsi abordées les réformes de l’assurance chômage, de l’apprentissage, des retraites mais aussi de la dépendance.

Initialement prévu pour ce mois-ci, le plan pauvreté sera présenté « en septembre » et mis en oeuvre « en 2019 », s’est engagé le président, en promettant « un accompagnement réel vers l’activité » pour les personnes « les plus fragiles ».

Souvent applaudi par les députés LREM, M. Macron a provoqué une rare bronca sur les rangs de l’opposition lorsqu’il a qualifié de « rumeur malsaine » la suppression des pensions de réversion. « Rien ne changera pour les retraités d’aujourd’hui », a-t-il assuré. « Et demain? », se sont récriés des députés.

« Narcissique »

Emmanuel Macron a consacré peu de temps aux dossiers de l’islam, des migrations et de l’Europe. « La frontière véritable qui traverse l’Europe est celle aujourd’hui qui sépare les progressistes des nationalistes (..) Ce sera difficile mais le combat est clairement posé » et sera « au cœur des enjeux de l’élection européenne de 2019 », a-t-il estimé.

Avant le discours, le chef de l’Etat avait déjeuné avec les responsables des groupes parlementaires ayant accepté son invitation, sans LR, PS, PCF et LFI.

La totalité des députés LFI et une poignée de LR ont ensuite boycotté le discours, à la différence des communistes, qui s’étaient rassemblés à la mi-journée devant la salle du Jeu de Paume, haut lieu de la Révolution française, pour « prêter » serment contre la « monarchie présidentielle ».

Durant l’allocution, les ténors des Insoumis ont été très actifs sur Twitter, avec le mot-dièse « MacronMonarc », pour dénoncer un discours jugé « saoulant » par Jean-Luc Mélenchon. « Que de banalités pour masquer une politique injuste », a dénoncé Alexis Corbière.

Boris Vallaud, porte-parole du parti socialiste, a critiqué une « mise en scène narcissique » qui « masque la banalité du fond et l’absence de vraies propositions ».

Emmanuel Macron a « multiplié les formules incantatoires » pour Nicolas Bay, eurodéputé Rassemblement national (ex-FN), et « enfoncé les portes ouvertes » pour Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France.

Tenant compte de la polémique suscitée par le discours, le président a annoncé que le gouvernement proposerait d’amender la Constitution pour que le chef de l’Etat puisse écouter les parlementaires et leur répondre lors des Congrès.

INTÉGRALITÉ DU DISCOURS D’EMMANUEL MACRON DEVANT LE CONGRÈS DE VERSAILLES LE 9 JUILLET 2018

Monsieur le Président du Congrès, Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement, Mesdames et Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Je n’ai rien oublié et vous non plus du choix que la France a fait il y a une année : d’un côté, toutes les tentations de la fermeture et du repli, de l’autre, la promesse républicaine ; d’un côté, tous les mirages du retour en arrière, de l’autre, les yeux ouverts, le réalisme et l’espérance assumée. Et je n’ai rien oublié des peurs, des colères accumulées pendant des années, qui ont conduit notre pays à ce choix. Elles ne disparaissent pas en un jour, elles n’ont pas disparu en une année.

Je n’ai pas oublié la peur du déclassement pour soi-même et pour ses enfants, la rage devant l’impuissance publique, le pays qui se sent coupé en deux, non pas seulement entre partis opposés, mais plus grave encore, entre sa base et son prétendu sommet. A la base, les femmes et les hommes au travail ou qui cherchent du travail sans en trouver, tous ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois. Et au sommet, ceux qui sont au pouvoir, leurs discours de soi-disant puissants qui ne changent jamais rien et auxquels en plus on ne comprend plus rien, l’impression du citoyen d’être ignoré, méprisé, surtout de ne pas voir, de ne plus voir, où nous devons et pouvons aller ensemble.

La colère enfin, née de la fin des ambitions collectives et de la fin des ambitions familiales et personnelles. Je n’ai rien oublié de ces colères, de ces peurs, rien. Peur aussi de l’autre, des grands changements, du fracas du monde : les tensions avec l’Iran, la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis, les divisions de l’Europe. Je n’ai pas oublié, je n’oublie pas et je n’oublierai pas. C’est pourquoi je suis devant vous, dans ce rendez-vous que j’ai voulu annuel, humble mais résolu, porteur d’une mission dont je n’oublie à aucun moment qu’elle engage le destin de chaque Française, de chaque Français et donc le destin national.

J’ai dit humble mais résolu, et je veux vous faire une confidence : il y a une chose que tout président de la République sait, il sait qu’il ne peut pas tout, il sait qu’il ne réussira pas tout. Et je vous le confirme, je sais que je ne peux pas tout, je sais que je ne réussis pas tout. Mais mon devoir est de ne jamais m’y résoudre et de mener inlassablement ce combat. Tout président de la République connaît le doute, bien sûr, et je ne fais pas exception à la règle mais j’ai le devoir de ne pas laisser le doute détourner ma pensée et ma volonté. C’est une fonction qui, si l’on est réaliste, porte à l’humilité ô combien, mais à l’humilité pour soi, pas à l’humilité pour la France. Pour la France et pour sa mission, le président de la République a le devoir de viser haut et je n’ai pas l’intention de manquer à ce devoir.

De ce destin national, nous sommes, vous comme parlementaires, le Gouvernement sous l’autorité du Premier ministre, moi comme président, conjointement chargés. Vous êtes la représentation nationale. C’est une grande tâche que de représenter le peuple souverain, pas seulement un peuple de producteurs et de consommateurs animés d’attentes économiques et sociales, non, un peuple de citoyens, des femmes et des hommes qui veulent, les yeux ouverts, façonner leur destin collectif. Durant cette année, le Parlement a beaucoup travaillé. La mission que les Français nous ont assignée il y a un an, vous ne l’avez jamais perdue de vue : renforcer notre économie, définir un modèle social juste et équitable, conforme aux aspirations de notre siècle, restaurer l’autorité de l’Etat et lui donner réactivité et efficacité, relancer l’Europe.

Et vous avez jour après jour œuvré en ce sens. Vous avez œuvré dans l’urgence pour tourner la page des politiques et des blocages qui handicapaient lourdement notre pays. Votre action a permis que l’investissement reparte, que le scandale du tirage au sort à l’université prenne fin, que l’école retrouve sa place et la transmission sa dignité, que la lutte contre le terrorisme soit inscrite dans notre droit sans avoir plus recours à l’état d’urgence, que le travail paie davantage, que la France se dote d’un budget sincère, efficace et ambitieux et repasse sous les 3 % de déficit. Vous avez rendu à la France ses capacités militaires à travers une loi de programmation d’une ambition nouvelle et inédite. Vous avez levé les blocages du marché du travail créés par un Code devenu obsolète et inadapté. Vous avez sauvé d’une faillite certaine notre service public du transport, la SNCF, par une réforme sans précédent.

Par là, vous avez démontré qu’il n’existe pas de fatalité de l’enlisement et de l’échec lorsque prévaut une volonté politique sans faille guidée par l’intérêt général. Vous avez engagé des chantiers d’une ampleur jamais vue, notamment le chantier de la formation professionnelle, de l’apprentissage, du logement. Qui peut, sur tous ces sujets, oublier la situation dans laquelle était le pays il y a un an ? Qui peut oublier que sur chacun de ces sujets, il était dit que ces réformes étaient impossibles il y a un an ? Et le chantier institutionnel, bien sûr. Ce dernier, à certains, peut tarder et nous assumons ce retard car il n’est dû qu’au choix délibéré de donner la priorité au quotidien des Français. Le Premier ministre en présentera demain le contenu devant l’Assemblée nationale. Je sais d’ores et déjà tout le travail qui a été fait en cette enceinte.

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