samedi , 7 novembre 2020
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Sommet Trump – Un : Déclaration « sans substance »

« Je viens d’atterrir – long voyage mais tout le monde peut dorénavant se sentir davantage en sécurité que le jour où j’ai pris mes fonctions », s’est félicité le président américain dans un tweet. « Il n’y a plus de Menace Nucléaire de la part de la Corée du Nord. Rencontrer Kim Jong Un était une expérience intéressante et très positive. La Corée du Nord a un grand potentiel pour l’avenir! », a-t-il ajouté. Mais de nombreux observateurs s’interrogent sur la portée du sommet. Si le Kremlin a salué le « début d’un dialogue direct » entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, il a aussi averti que la crise ne pourrait pas être « réglée en une heure ». Et au Japon, le journal conservateur Sankei qualifiait l’événement d' »émission de téléréalité », jugeant la déclaration « sans substance ». M. Kim s’est une nouvelle fois dit engagé en faveur de « la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne ». Mais cette formule adoptée par Pyongyang est loin de correspondre aux exigences avancées depuis longtemps par les Etats-Unis, pour lesquels une dénucléarisation nord-coréenne, en plus d’être « complète », devra aussi être « vérifiable » et « irréversible ».

De retour tôt mercredi aux Etats-Unis après son sommet historique avec Kim Jong Un, Donald Trump s’est empressé de tenter de faire taire les doutes sur la portée de cette rencontre, en assurant que la menace nucléaire nord-coréenne n’existait plus.

« Je viens d’atterrir – long voyage mais tout le monde peut dorénavant se sentir davantage en sécurité que le jour où j’ai pris mes fonctions », s’est félicité le président américain dans un tweet.

« Il n’y a plus de Menace Nucléaire de la part de la Corée du Nord. Rencontrer Kim Jong Un était une expérience intéressante et très positive. La Corée du Nord a un grand potentiel pour l’avenir! », a-t-il ajouté.

« Avant de prendre mes fonctions, les gens pensaient que nous allions entrer en Guerre avec la Corée du Nord. Le président Obama disait que la Corée du Nord était notre plus gros et plus dangereux problème. Ce n’est plus le cas – dormez bien ce soir! », a-t-il insisté.

La rencontre, mardi à Singapour, la première entre un dirigeant nord-coréen et un président américain en exercice, a eu un énorme retentissement médiatique. Mais ses résultats tangibles, notamment sur le thème-clé de la dénucléarisation, suscitent des interrogations.

La formulation de la déclaration commune reste en effet très vague et reprend de précédents engagements du régime nord-coréen jamais mis en oeuvre.

« Tournant radical »

Mais l’agence officielle nord-coréenne KCNA a estimé dans son premier compte-rendu du sommet de Singapour que l’évènement ouvrait la voie à « un tournant radical ».

« Kim Jong Un a invité Trump à effectuer une visite à Pyongyang à un moment opportun et Trump a invité Kim Jong Un à venir aux Etats-Unis », a indiqué KCNA. L’agence assure également que Donald Trump a évoqué « une levée des sanctions » contre le régime de Pyongyang.

Sans confirmer pour l’heure avoir accepté l’invitation à Pyongyang, M. Trump s’est félicité d’avoir empêché une « catastrophe nucléaire ».

« Le monde a fait un grand pas qui l’éloigne d’une potentielle catastrophe nucléaire! Plus de lancements de fusées, d’essais ou de recherche nucléaires! », a écrit M. Trump dans un tweet.

Pyongyang a des raisons d’être satisfait de l’événement de Singapour, un grand succès pour un régime très isolé, soumis à de lourdes sanctions internationales et désireux depuis longtemps d’obtenir une légitimité.

« Kim Jong Un a obtenu ce qu’il voulait au sommet de Singapour: le prestige international », analyse Paul Haenle, directeur du centre Carnegie-Tsinghua.

A Pyongyang, le journal officiel Rodong Sinmun montrait en Une les photos de la poignée de main historique entre MM. Trump et Kim. Au total, ce sont pas moins de 33 photos de la rencontre qui sont publiées sur quatre des six pages du journal, et qui ont été montrées dans l’après-midi à la télévision nord-coréenne.

« La rencontre du siècle ouvre une nouvelle ère de l’histoire des relations » entre les deux pays ennemis, titrait le quotidien nord-coréen.

L’événement était inimaginable il y a encore quelques mois alors que les deux dirigeants échangeaient presque quotidiennement insultes personnelles et menaces de guerre nucléaire.

Téléréalité

Mais de nombreux observateurs s’interrogent sur la portée du sommet.

Si le Kremlin a salué le « début d’un dialogue direct » entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, il a aussi averti que la crise ne pourrait pas être « réglée en une heure ».

Et au Japon, le journal conservateur Sankei qualifiait l’événement d' »émission de téléréalité », jugeant la déclaration « sans substance ».

M. Kim s’est une nouvelle fois dit engagé en faveur de « la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne ». Mais cette formule adoptée par Pyongyang est loin de correspondre aux exigences avancées depuis longtemps par les Etats-Unis, pour lesquels une dénucléarisation nord-coréenne, en plus d’être « complète », devra aussi être « vérifiable » et « irréversible ».

Parmi les motifs de satisfaction pour M. Kim, Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis allaient cesser leurs manoeuvres militaires conjointes avec la Corée du Sud, qu’il a lui-même qualifiées de « très provocatrices » envers le Nord.

Pyongyang exigeait depuis longtemps le gel de ces exercices militaires, perçus comme des préparatifs à une invasion militaire de la Corée du Nord. Près de 30.000 soldats américains sont stationnés en Corée du Sud pour protéger ce pays allié des Etats-Unis de son voisin du Nord.

Séoul et le commandement militaire américain en Corée du Sud ont souligné qu’ils n’avaient pas été prévenus à l’avance de cette annonce.

« Les exercices et la présence militaire américaine jouent un rôle vital dans la sécurité de l’Asie de l’Est », s’est inquiété le ministre japonais de la Défense Itsunori Onodera.

Mettre fin aux exercices conjoints « va au-delà de tout ce sur quoi s’accordent les experts », estime Adam Mount, de la Federation of American Scientists.

LE PARI RESTE TRÈS RISQUÉ POUR TRUMP

Si Donald Trump réussit son coup de poker sur le dossier nord-coréen, il le devra probablement à sa volonté de s’abstraire des usages diplomatiques, des avis d’experts et aussi des préventions morales.

Seul un président comme Donald Trump pouvait décrire Kim Jong Un comme un dirigeant qui « aime son pays ». Mais sans doute aussi seul un président non-conventionnel comme lui pouvait démarrer un processus de paix avec l’homme fort de Pyongyang.

Il y a moins d’un an, il promettait à Kim Jong Un « le feu et la colère » face à l’accélération des programmes balistique et nucléaire de la Corée du Nord.

La rencontre d’égal à égal, la poignée de mains historique de Singapour avec en toile de fond un alignement de drapeaux américains et nord-coréens ont offert à Kim un superbe coup de propagande.

Elle fournit aussi au dirigeant nord-coréen une légitimité alors que, selon le département d’Etat américain, entre 80.000 et 120.000 prisonniers politiques croupissent dans des camps de travail nord-coréens, à la merci de la torture et des privations.

Le dictateur est accusé d’avoir fait assassiner son propre frère en Malaisie et d’avoir renvoyé aux Etats-Unis l’an dernier le jeune étudiant Otto Warmbier alors qu’il était sur le point de mourir dans ses geôles.

Le pari de la Corée du Nord, dont les promesses passées de dénucléarisation sont toujours restées lettre morte, a donc déjà payé. Mais qu’en est-il pour Donald Trump? Le président des Etats-Unis dit qu’il croit dans la promesse du Nord-Coréen de s’engager vers l’abandon de ses armes et de ses ambitions nucléaires. Mais il reste prudent.

« J’ai peut-être tort. Je veux dire que je pourrais me tenir devant vous dans six mois et vous dire: +Eh, j’avais tort+ », a-t-il reconnu.

Sommet « décevant »

A Washington, beaucoup voient une forme de naïveté du président américain dans ses efforts pour conduire Pyongyang sur la voie du désarmement.

La Brookings Institution, un prestigieux centre de réflexion, a publié les réactions de 13 des experts les plus reconnus aux Etats-Unis sur le nucléaire nord-coréen. Tous, à une seule exception, ont jugé « décevant » le résultat du sommet.

Ce scepticisme se nourrit en grande partie de l’absence dans le communiqué commun des deux dirigeants d’une référence à une dénucléarisation « vérifiable et irréversible », formule ressassée depuis des semaines par les Américains. Il s’appuie aussi sur l’annonce par M. Trump de l’arrêt des manoeuvres militaires américano-sud-coréennes, concession majeure à Kim Jong Un.

Le plus optimiste de ces analystes, Michael O’Hanlon, a estimé que le processus devait maintenant être confié au secrétaire d’Etat Mike Pompeo pour définir en détail le désarmement vérifiable auquel la Corée du Nord devrait se conformer.

« Nous ne pourrons vraiment évaluer ce qu’il s’est passé à Singapour que lorsque nous verrons si la Corée du Nord respecte un tel plan et commence sa mise en oeuvre vérifiable », a-t-il estimé.

Les partisans comme les critiques de Donald Trump considèrent qu’il faut maintenant revenir un style plus classique de négociations, avec des progrès concrets.

Certains font aussi remarquer qu’il fallait un président comme M. Trump pour détourner le regard des violations de droits de l’homme et briser la glace avec Kim Jong Un. Peut-être aussi que le milliardaire républicain n’avait guère d’autre choix que de se tourner vers la diplomatie, la Corée du Nord ayant montré l’efficacité de son programme nucléaire.

Kim Jong Un avait procédé l’an dernier à un essai de bombe à hydrogène et à des tests de missiles dont le but était de placer le territoire américain à portée de tir. L’administration Trump avait réagi par les menaces et une rhétorique belliqueuse tout en travaillant à l’ONU à l’application de sanctions très dures, avec l’aide de la Chine.

Les diplomates américains sont très fiers d’être parvenus à faire adopter ce régime de sanctions, même si Donald Trump a dit désormais renoncer à le qualifier « de pression maximale ».

Le tournant de la diplomatie

Pour Stephen Pomper, ancien membre de l’équipe Obama qui travaille maintenant pour le centre de réflexion International Crisis Group (ICG), M. Trump était l’homme qui pouvait passer de la menace à la diplomatie.

« Dans un sens, c’est une victoire parce, qu’il s’était lui-même mis dans une sorte d’impasse, une impasse dangereuse, et il a remis les Etats-Unis sur la voie d’un processus, puisque nous parlons maintenant aux Nord-Coréens », a-t-il dit à l’AFP.

« Personne dans le gouvernement américain ne voulait prendre la responsabilité d’un virage vers la diplomatie, parce que si la diplomatie ne fonctionne pas, personne ne veut en subir l’opprobre », a-t-il ajouté.

« Le président lui-même a encaissé le risque politique en disant qu’il était prêt à une telle rencontre (avec Kim), et il faut lui en donner crédit », a poursuivi l’expert.

Donald Trump aurait ainsi sorti l’Amérique d’un piège dans lequel il aurait contribué à l’entraîner. Et il aurait évité le risque d’une guerre nucléaire. Les diplomates et les experts en désarmement doivent désormais mettre en place un système crédible d’inspection et de vérification de la dénucléarisation de la Corée du Nord.

Si Kim Jong Un accepte des inspecteurs sur son sol, s’ils confirment qu’il a gelé son programme nucléaire, s’il déclare honnêtement la portée réelle de ses capacités, s’il accepte que le mot « dénucléarisation » signifie désarmement… Il y a encore beaucoup de conditions et d’obstacles au processus qui a été enclenché. Avant que Kim Jong Un accepte aussi le démantèlement des armes atomiques qu’il possède déjà.

[Afp]

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