Donald Trump a annoncé mardi le retrait total des Etats-Unis de l’accord nucléaire iranien, optant pour une option dure ouvertement regrettée par ses alliés européens et dénoncée avec force par Téhéran.
Quinze mois après son arrivée au pouvoir, le 45e président des Etats-Unis a décidé, comme il l’avait promis en campagne, de sortir de cet accord emblématique conclu en 2015 par son prédécesseur démocrate Barack Obama après 21 mois de négociations internationales acharnées.
« J’annonce aujourd’hui que les Etats-Unis vont se retirer de l’accord nucléaire iranien », a-t-il déclaré dans une allocution télévisée depuis la Maison Blanche, faisant craindre une montée des tensions au Moyen Orient.
Le président septuagénaire a annoncé le rétablissement des sanctions contre la République islamique qui avaient été levées en contrepartie de l’engagement pris par l’Iran de ne pas se doter de l’arme nucléaire. « Aujourd’hui nous avons la preuve définitive que la promesse iranienne était un mensonge », a-t-il martelé.
C’est déjà au nom de son slogan « America First », sur laquel il a été élu, que le président de la première puissance mondiale avait remis en cause plusieurs engagements multilatéraux des Etats-Unis, au premier rang desquels l’accord de Paris sur le climat.
Guerre psychologique
Le président iranien Hassan Rohani, qui s’était beaucoup investi dans cet accord, a immédiatement accusé M. Trump de pratiquer « une guerre psychologique ».
Assurant vouloir discuter rapidement avec les Européens, les Chinois et les Russes, autres signataires de l’accord, il a averti que son pays pourrait mettre un terme aux restrictions qu’il a consenties sur ses activités d’enrichissement d’uranium.
L’administration américaine a précisé que les sanctions seraient effectives immédiatement pour les nouveaux contrats et que les entreprises étrangères auront quelques mois pour « sortir » d’Iran. Le Trésor a précisé que les sanctions concernant les anciens contrats conclus en Iran entreraient en vigueur après une période de transition de 90 à 180 jours.
« Tout pays qui aidera l’Iran dans sa quête d’armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les Etats-Unis », a encore mis en garde le président.
Son allocution était très attendue au Moyen-Orient où beaucoup redoutent une escalade avec la République islamique mais aussi de l’autre côté de planète, en Corée du Nord, à l’approche du sommet entre Donald Trump et Kim Jong Un sur la dénucléarisation de la péninsule.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son plus ferme soutien sur ce dossier depuis des mois, a immédiatement indiqué qu’il soutenait « totalement » cette décision « courageuse ».
Le royaume sunnite d’Arabie saoudite, grand rival régional de l’Iran chiite, a lui aussi affiché son « soutien » à cette décision.
Regrets de l’UE
Mais les signataires de l’accord ont immédiatement exprimé leur désaccord.
« La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni regrettent la décision américaine de sortir de l’accord nucléaire » iranien a déclaré sur Twitter le président français Emmanuel Macron.
Ce dernier a ajouté que ces pays travailleraient « collectivement » à un accord plus large couvrant « l’activité nucléaire, la période après 2025, les missiles balistiques et la stabilité au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, au Yémen et en Irak ». « Le régime international de lutte contre la prolifération nucléaire est en jeu », a-t-il ajouté.
Exprimant son inquiétude, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé les six autres signataires de l’accord à « respecter pleinement leurs engagements ».
Ces derniers avaient défendu jusqu’au bout ce compromis qu’ils jugent « historique », soulignant que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a régulièrement certifié le respect par Téhéran des termes du texte censé garantir le caractère non militaire de son programme nucléaire.
En janvier, l’ancien magnat de l’immobilier avait lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant jusqu’au 12 mai pour « durcir » sur plusieurs points ce texte signé par Téhéran et les grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni, Allemagne).
En ligne de mire: les inspections de l’AIEA; la levée progressive, à partir de 2025, de certaines restrictions aux activités nucléaires iraniennes, qui en font selon lui une sorte de bombe à retardement; mais aussi le fait qu’il ne s’attaque pas directement au programme de missiles balistiques de Téhéran ni à son rôle jugé « déstabilisateur » dans plusieurs pays du Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban…).
A l’issue de sa visite à Washington, le président français n’avait pas caché son pessimisme. Selon lui, le milliardaire républicain risque de claquer la porte « pour des raisons de politique intérieure ».
A la fin de son solluction, M. Trump a jugé que l’Iran méritait un « meilleur » gouvernement.
« Le futur de l’Iran appartient à son peuple » et les Iraniens « méritent une nation qui rende justice à leurs rêves, qui honore leur histoire », a-t-il affirmé.
IRAN POURRAIT RECOMMENCER À ENRICHIR DAVANTAGE L’URANIUM
Le président iranien Hassan Rohani a prévenu mardi que son pays pourrait mettre un terme aux restrictions qu’il a consenties sur ses activités d’enrichissement d’uranium, après que Washington a annoncé son retrait de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015.
« J’ai ordonné à l’Organisation iranienne de l’énergie atomique de prendre les mesures nécessaires […] pour qu’en cas de nécessité nous reprenions l’enrichissement industriel sans limite », a déclaré M. Rohani à la télévision iranienne. « Nous attendrons quelques semaines avant d’appliquer cette décision », en fonction du résultat des discussions entre Téhéran et les autres partenaires de l’accord, a-t-il ajouté.
RÉTABLISSEMENT DES SANCTIONS AMÉRICAINES
Le rétablissement des sanctions américaines liées au programme nucléaire iranien est effectif « immédiatement » pour les nouveaux contrats, a affirmé mardi le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, précisant que les entreprises déjà engagées en Iran auraient, elles, quelques mois pour en « sortir ».
Le Trésor américain a fait savoir que les sanctions concernant les anciens contrats conclus en Iran entreraient en vigueur après une période de transition de 90 à 180 jours, quelques minutes après l’annonce par le président Donald Trump du retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire signé entre Téhéran et les grandes puissances en 2015.
« Il est absolument possible que des sanctions supplémentaires puissent suivre, si nous avons de nouvelles informations », a précisé John Bolton. « Nous voulons mettre le plus de pression économique possible sur l’Iran et leur dénier l’accès aux revenus qu’ils auraient eu » sans retrait américain, a ajouté le conseiller à la sécurité nationale du président Trump.
Concrètement, « la décision signée aujourd’hui par le président rétablit immédiatement les sanctions qui existaient à l’époque de l’accord », a-t-il expliqué à la presse après l’annonce de Donald Trump. « Aucun nouveau contrat n’est autorisé ».
Pour les contrats déjà en cours, et notamment pour les entreprises étrangères, souvent européennes, qui ont investi en Iran, la période de transition, de trois à six mois, « est une manière de donner aux sociétés l’occasion de sortir » du pays, a-t-il ajouté. « Par exemple dans le cas d’achats de pétrole iranien, si c’est un contrat avec des dispositions de long terme », « ils ont six mois, trois mois, ou une autre période entre les deux pour se retirer avant l’entrée en vigueur des sanctions », a détaillé l’ambassadeur Bolton.
Prié de dire s’il s’agissait d’un délai pour poursuivre les négociations diplomatiques sur l’accord de 2015, il a répondu sèchement: « Nous sommes sortis de l’accord, nous sommes sortis ».
En revanche, a-t-il assuré, Donald Trump « est prêt à envisager des discussions sur une solution beaucoup plus large » s’attaquant « à l’attitude néfaste de l’Iran », « nous avons déjà eu des discussions avec nos alliés et on continuera dès demain matin ».
BOEING, AIRBUS ET GE : GRANDS PERDANTS
La décision du président Donald Trump de retirer les États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien et de rétablir les sanctions vis-à-vis de Téhéran affecte de grandes entreprises comme General Electric, Boeing et Airbus.
Les deux constructeurs aéronautique font partie de la poignée de sociétés ayant reçu soit des licences spéciales soit le feu vert du Trésor américain pour commercer avec l’Iran après la levée d’une partie des sanctions internationales ayant suivi l’accord de 2015.
Washington continuait toutefois d’imposer un embargo interdisant aux Américains et à toute entité utilisant le système financier américain d’effectuer tout investissement lié à l’Iran, ce qui avait refroidi les banques et incité d’autres entreprises à la prudence.
Le retrait annoncé mardi donne une période de 90 à 180 jours aux entreprises pour résilier les anciens contrats noués en Iran, tandis qu’il est interdit d’en conclure de nouveaux.
Les entreprises allemandes devraient cesser leurs activités en Iran « immédiatement », a demandé mardi l’ambassadeur américain en Allemagne.
Voici la liste des grandes entreprises qui sont les principales perdantes du retrait américain:
- Boeing et Airbus:
Les plus gros contrats signés par les entreprises étrangères suivant l’accord sur le nucléaire étaient dans l’industrie aéronautique, Téhéran souhaitant moderniser sa flotte vieillissante.
Boeing et Iran Air, la compagnie nationale, avaient ainsi signé en décembre 2016 leur plus gros contrat depuis près de 40 ans, portant sur l’achat de 80 appareils d’une valeur de 16,6 milliards de dollars. Mais la livraison des premiers appareils, qui était prévue pour fin 2018, avait été reportée.
L’avionneur américain avait également finalisé un contrat d’une valeur de 3 milliards de dollars portant sur la vente de 30 appareils 737 MAX à la compagnie aérienne iranienne Aseman. La livraison était prévue entre 2022 et 2024.
Boeing avait alors indiqué que ces contrats allaient permettre de soutenir des « dizaines de milliers » d’emplois aux États-Unis.
Mardi, le groupe américain a indiqué qu’il se conformera à la décision de la Maison Blanche de rétablir les sanctions.
De son côté, Airbus a enregistré des commandes de compagnies aériennes iraniennes (Iran Air Tour, Zagros Airlines) pour 100 avions au total, dont des A320neo, valorisés à près de 10 milliards de dollars.
L’avionneur européen a des usines aux États-Unis, et un nombre important de pièces installées dans ses appareils sont fabriquées sur le sol américain, ce qui soumet automatiquement Airbus aux sanctions américaines.
Dans l’ensemble, c’est un coup dur pour l’industrie aéronautique parce que l’Iran aura besoin de 400 à 500 avions de ligne dans la prochaine décennie, estime l’Organisation iranienne de l’aviation civile.
- General Electric, Total:
Des filiales de GE installées hors des États-Unis ont reçu, depuis 2017, des contrats totalisant des dizaines de millions de dollars pour vendre des équipements et machines industrielles nécessaires dans l’exploitation des gisements gaziers et le développement des produits pétrochimiques, selon le dernier rapport du conglomérat industriel américain publié le 1er mai.
La major pétrolière française Total, associée au groupe chinois CNPC, a signé un accord portant sur un investissement de 5 milliards de dollars pour exploiter le gisement South Pars.
Total avait prévenu que le maintien de cet accord dépendait de la position de Washington sur le nucléaire iranien.
- Volkswagen, Renault, PSA:
Volkswagen a annoncé en 2017 qu’il allait recommencer à vendre des voitures en Iran, une première depuis 17 ans.
Déjà englué dans l’affaire des moteurs diesel truqués, le groupe allemand devrait choisir entre l’Iran et les États-Unis, deuxième marché automobile mondial.
Le français Renault, qui a vendu plus de 160.000 voitures en Iran l’an dernier pourrait aussi être touché en raison de la présence aux États-Unis de Nissan.
Son compatriote PSA a évoqué l’an dernier un accord de distribution pour la marque DS en Iran et des discussions pour d’autres partenariats.Il y est particulièrement bien implanté et jouit d’une part de marché de 30%.
Absent des États-Unis depuis 1991, PSA a indiqué en janvier songer à lancer un service d’autopartage dans une ou deux villes américaines. Renoncera-t-il à ce projet ou quittera-t-il l’Iran ?
- Compagnies aériennes et groupes hôteliers
British Airways et Lufthansa, qui avaient repris des vols directs vers Téhéran, vont devoir mettre fin à ces lignes si elles veulent continuer à opérer librement des vols transatlantiques.
Il en va de même pour l’hôtelier français Accor, qui a ouvert un hôtel en Iran en 2015, de la chaîne espagnole Melia Hotels International et du groupe émirati Rotana Hotels, qui ont fait part de leurs projets de s’implanter en Iran.
[Afp]