Près d’une centaine d’acteurs politiques congolais se réunissent depuis le samedi 10 mars à Johannesburg, autour de l’ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe. Sauf modification de dernière minute, le programme prévoit la clôture de la rencontre ce lundi 12, dans la capitale économique de la République sud-africaine, renseignent des sources qualifiées. Mais en attendant les autres grandes décisions qui devront sanctionner la fin de cette rencontre, les Katumbistes ont résolu de créer une nouvelle plateforme électorale dénommée « Forces du changement ».
La RD Congo s’étant engagée dans un nouveau processus électoral, les Forces du changement se veulent ainsi une plateforme de soutien à la candidature de Moïse Katumbi au scrutin présidentiel, prévu le 23 décembre 2018. Cependant, au même moment que le chairman du TP Mazembe est intronisé candidat président de la République – Félix Tshisekedi, héritier politique de son défunt père, annonce sa candidature à la tête dé l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). L’élection de Fatshi à la présidence du parti, une fois effective, balisera ainsi la voie de sa candidature à la Magistrature suprême du pays. En d’autres termes, Comme Moïse Katumbi, Félix-Antoine TshilomboTshisekedi sera lui aussi très vraisemblablement candidat à la présidentielle de décembre prochain.
L’HEURE DU CHACUN POUR SOI ?
Autant le souligner tout de suite. La nouvelle plateforme Forces du changement n’est ni un addendum ni un calembour des Forces politiques et sociales acquises au changement, version Jobourg. Loin s’en faut. Les deux cartels devront donc coexister, chacun avec son leader et, certainement aussi, son candidat Président de la République. Toutefois, on n’a pas besoin d’être expert en Sciences politiques pour comprendre qu’en créant les Forces du changement, les Katumbistes décernent ainsi un certificat de décès clinique du Rassop. Cette plateforme politique créée le 10 juin 2016 à Genval en Belgique, meurt au pays de Jacob Zuma. Ainsi sonne l’heure du divorce ou dans un premier temps de séparation de corps entre Moïse Katumbi et Félix Tshisekedi, naguère embarqués dans un même navire, labellisé » Rassop « . Désormais donc, c’est l’heure du » chacun pour soi, le peuple pour tous « .
Jusques à quand Moïse Katumbi continuerait-il à rester dans l’ombre de Félix Tshisekedi ? Inversement aussi. Incontestablement, chacun des deux avait ses petits calculs. Quoi que l’on dise, une chose reste certaine. C’est que Moïse Katumbi, en homme d’affaires, ne pouvait pas investir autant d’argent en réunions, en déplacements des membres du Rassop pour l’extérieur du pays, en logements et autres frais de bouche…pour les beaux yeux de qui que ce soit. En l’occurrence Félix TshilomboTshisekedi. Bien au contraire. Pour le gouverneur honoraire du Katanga, les dividendes attendus de toutes ses sorties de fonds étaient et restent son accession au pouvoir. En tout cas, rien d’autre.
Evidemment, après la création en juin 2016 du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, la donne politique a changé. Le contexte n’est plus le même. Beaucoup d’eau ayant coulé sous le pont. Moïse Katumbi, tout comme n’importe quel acteur politique averti, n’ignore pas cette réalité qui colle à l’actualité politique du pays. En créant le Rassop, ses sociétaires avaient été motivés par les élections constitutionnellement prévues au plus tard fin décembre 2016. Ce rendez-vous n’ayant plus eu lieu, a débouché sur l’organisation de deux dialogues. Le premier en octobre à la Cité de l’Union africaine, sous la médiation de l’ancien Premier ministre togolais, Edem Kodjo. Compte tenu de la persistance de l’impasse, de nouvelles discussions directes furent organisées au Centre Interdiocésain à Kinshasa. Cette fois-là, signataires et non-signataires de l’Accord politique de la Cité de l’ex-OUA, se réunirent autour de l’Episcopat national. D’où, l’Accord politique global et inclusif du 31 décembre 2016 !
LE RASSOP DESORMAIS UNE COQUILLE VIDE ?
L’Udps ne souscrit pas à la nouvelle plateforme politique créée à Johannesburg. Elle reste la principale gardienne du temple Rassop. Par contre, le G7 et l’Alternance pour la République (AR), deux principales composantes du Rassemblement, sont aux premières loges des Forces du changement. D’ores et déjà, on ne voit plus quel combat le Rassemblement peut encore prétendre mener et avec quels lieutenants au front. A partir du moment où le G7 et l’AR ont leur candidat Président de la République, plus d’un analyste estime que la plateforme de Genval fait à ce jour l’ombre d’elle-même, à défaut de ressembler à une coquille bien vide.
Au-delà des agendas politiques des deux anciens alliés, de nombreux observateurs perçoivent derrière le divorce – ou ce qui y ressemble- Moise Katumbi Chapwe -Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi, l’ombre épaisse d’une guerre de leadership. Dans les travées du siège de l’Udps à Limete, des langues commencent à se délier. Les Tshisekedistes accusent Moïse Katumbi et ses Conseillers, d’avoir joué un » double jeu » contre Fatshi. Ce, dit-on, depuis plusieurs mois. Visage à découvert, les mêmes cadres de l’Udps s’expriment en termes de guerre de repositionnement ou de leadership au sein de l’Opposition.
Par ailleurs, d’autres proches de Félix Tshisekedi fustigent avec véhémence, un réseau de hackers de mauvais goût qui présente Fatshi sous deux faces. « Tantôt comme fils à papa craignant les marches populaires ». »Tantôt aussi comme un homme politique avare et cupide qui monnayerait ses services à coup de millions » !
Pour les Tshisekedistes, ce réseau est bel et bien entretenu par Moïse Katumbi, contre leur leader. Limete déplore le fait que les mêmes sources aient affirmé la visite de Fatshi à Katumbi au mois de janvier dernier à Addis-Abeba puis à Bruxelles. Objectif : discuter de son malaise. « Après une âpre discussion n’ayant abouti à aucun résultat, les deux hommes se sont séparés dos à dos. Mécontent, Félix aurait catégoriquement refusé de faire partie du conclave de Johannesburg. Ainsi, l’actuel président du Rassop Limete se serait empressé de faire son come-back à Kinshasa afin de mettre à nu ce réseau et dénoncer le double-jeu du patron de Mazembe. Le conclave de Jo’burg ne serait donc que subterfuge pour minimiser l’effet tueur de l’annonce ratée de Tshisekedi.
KATUMBI N’A PLUS BESOIN DE TSHISEKEDI !
Beaucoup se demandaient comment Étienne Tshisekedi, considéré comme « monsieur propre », pouvait se transformer en une machine à laver, reprenant tous les anciens kabilistes dont Moïse Katumbi dans son écurie et en faire des collaborateurs. Quelques observateurs estimaient que MK convoitant le Palais de la Nation ne savait y arriver sans l’aide d’une béquille. Qui peut mieux légitimer un populiste en RDC sinon le clan Tshisekedi ? Pour plus d’un, l’apport, tour à tour du patriarche Tshisekedi et de son fils à Katumbi, méritait tous les billets de banque : une denrée pas rare pour l’ancien gouverneur du Katanga. La dernière entrée en scène de l’Église catholique congolaise par le Comité Laïc de Coordination a poussé les Katumbistes à foncer sans l’Udps de Fatshi. Le citron étant vidé de son jus, il ne restait donc plus qu’à jeter le zest. « Mgr Laurent le cardinal Monsengwo et l’Eglise catholique constituent une belle perspective pour nous. Nous avons énormément perdu du temps, de l’argent et de l’énergie avec un Félix incapable de mobiliser « . Ce propos d’un proche de Moise Katumbi, tenu il y a peu à un professionnel des médias, résonne encore dans les oreilles des Tshisekedistes.
Sur les ondes de la très populaire TopCongo FM, l’ancien Secrétaire Général de l’UNC de Kamerhe a reconnu les avancées significatives du processus électoral. En marge de sa visite aux locaux de la CENI, le numéro 2 de l’AR (Alternance pour la République) a déclaré qu’une Transition sans Kabila serait impossible si l’on souhaite des élections en RDC.Alors que le président du Rassemblement-aile Limete avait toujours plaidé pour une Transition sans Kabila, la sortie médiatique de JB-Ewanga confirme bien le malaise longtemps caché au sein de ce regroupement de l’Opposition.
[Laurel KANKOLE]