samedi , 7 novembre 2020
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RDC : « Kabila » se tient bien droit dans ses bottes

Le chef de l’Etat, Joseph Kabila a donné de la voix vendredi dernier, prenant tout le monde de cours. En fait, il a improvisé une conférence de presse le jour de ses 17 ans de règne. Tout de go, l’opinion retient que Joseph Kabila n’a pas changé. Il se tient bien droit dans ses bottes. Des piques, il y en a eu au cours de ce tête-à-tête avec la presse. La tribune était bien propice pour que le chef de l’Etat règle des comptes à ceux qu’il considère comme ses détracteurs. La Belgique, l’Opposition et la Monusco ; toute la communauté internationale n’a pas été épargnée par des propos assortis d’humour et de hargne à l’endroit de ceux qui se sont improvisés objecteurs de conscience quant à la manière dont la RDC est dirigée. Joseph Kabila a rappelé aux uns et aux autres qu’il n’avait de conseil à recevoir de personne et qu’il n’accepterait en aucun cas le diktat, d’où qu’il vienne. Bref, il a demandé à ses pourfendeurs de la boucler concernant le complot et les méthodes fortes dont on l’accuse.

Vendredi devant la presse, le chef de l’Etat, Joseph Kabila, a embouché la ligne dure de principaux ténors de sa famille politique, la Majorité présidentielle (MP). Ce jour-là, des journalistes tant de la presse locale et internationale ont été pris de cours.

Comme pour dire que dans l’agenda de la présidence, le rendez-vous entre le chef de l’Etat et la presse n’était pas programmé d’avance. C’est la veille que la direction de la communication a commencé à alerter la presse pour ce qui était donné au départ comme une communication de la présidence.

Sur la rotonde du palais de la Nation, le décor était là. Mais, personne ne s’attendait à ce que Kabila parle à la presse – sa dernière prestation devant les chevaliers de la plume datant de 2012.

Le jour était bien choisi, il commémorait les 17 ans de règne du président Kabila, depuis son accession au trône présidentiel le 26 janvier 2001. Toutefois, d’entrée de jeu, il a tenu à préciser que sa conférence de presse ne devait pas être assimilée au bilan de ses 17 ans de pouvoir. Ce qui fut entendu.

En réalité, et avec un peu de recul, la sortie médiatique de Joseph Kabila s’est révélée être une occasion pour régler des comptes à ses pourfendeurs. La Belgique, qui entretient depuis un temps des rapports très tendus avec la RDC, n’a pas été épargnée. La Monusco n’a pas non plus échappé à la hargne du chef de l’Etat. Sans compter l’Opposition – en tout cas celle qui se tient en dehors des institutions – qui a été savonnée de la plus belle manière. Chacun en a eu pour son compte.

Mais, au-delà de ses flèches mouchetées lancées autant vers la Belgique, l’opposition que la Monusco, le chef de l’Etat a semblé dénoncer un complot international qui vise à prendre en otage la RDC par le contrôle de sa politique intérieure. Comme toujours, il est resté cabré sur sa position de non-ingérence dans la conduite des affaires en RDC. La RDC, a-t-il dit, organisera ses élections sans interférence de qui que ce soit. C’est tout dire.

Saut vers l’inconnu

Devant la presse, le président de la République est paru maitre de la situation. Il n’entend donc pas se faire dicter ni la marche à suivre encore moins la voie à emprunter pour conduire le pays aux élections.

Preuve de ses réticences à s’engager résolument sur la voie du processus électoral, le président Kabila a lancé une réflexion qui ne cache pas les intentions de sa famille politique de bousculer la Constitution de 2006. Entre la démocratie qui passe par l’organisation des élections et le développement, le chef de l’Etat pense qu’il est temps de faire un choix, compte tenu du coût exorbitant des élections. Cette réflexion appelle des interrogations et des inquiétudes. D’aucuns se sont empressés d’en déduire que l’organisation des élections en 2018 devient de plus en plus une gageure.

Pire, au cours de sa prestation, le chef de l’Etat ne s’est pas montré prêt à une éventuelle concession ou une quelconque ouverture. De l’accord politique du 31 décembre 2016, censé réglementer le jeu politique après la fin de son mandat en décembre 2016, il l’a conjugué au passé.  » Sur l’accord, note-t-il, tout a été déjà fait « . Une façon pour lui de renvoyer à leurs études autant l’aile dure de l’Opposition, l’église catholique que l’ensemble de la communauté internationale; ceux-là même qui continuent à clamer haut et fort la mise en oeuvre intégrale de l’accord de la Saint-Sylvestre.

Bref, le président Kabila s’est révélé au grand jour. Il a ouvertement décliné sa ligne, aussi bien dans sa manière de terminer son mandat à la tête de l’Etat que celle de mener le peuple congolais aux élections.

Complot et méthodes fortes ont donc dicté sa conférence de presse. Se détachant de profondes aspirations du peuple qui l’a élu en 2006 et 2011, le chef de l’Etat s’est allié aux points de vue, maintes fois défendus par l’aile radicale de la MP. Il a choisi son camp qui n’est pas forcément celui du peuple qui n’aspire qu’à une seule et une seule chose : l’alternance démocratique.

Faut-il espérer un revirement de la situation dans les rangs de la MP ? C’est peu probable. Car, en même temps, le PPRD, le parti présidentiel, et toute la MP ont entamé une profonde mutation de leur structure. Le PPRD est déjà en phase finale de sa restructuration.

Un grand coup se prépare au sein de la MP. L’article 5 des statuts restructurés du PPRD en dit long. Cet article reprend dans des termes ne prêtant à aucune confusion que :  » Le PPRD poursuit comme objectif principal la conquête, l’exercice et la conservation du pouvoir d’Etat par les voies démocratiques « . Ce qui, autrement dit, renvoie à dire que l’objectif principal n’est ni la bonne gestion ni le développement du pays, mais conserver le pouvoir le plus longtemps possible.

Le week-end dernier, le président Kabila s’est efforcé de prouver qu’il avait les moyens de conserver son pouvoir. La traque des opposants et la neutralisation du Comité laïc de coordination sont au rendez-vous. Aussi, a-t-il opté pour les méthodes fortes…même si la démocratie devrait en pâtir.

POURQUOI KINSHASA CIBLE LA BELGIQUE

L’annonce par Kinshasa de sa volonté de fermer l’agence de coopération belge et la « Maison Schengen », où sont délivrés aux Congolais les visas pour les pays de l’espace Schengen, témoigne d’une crispation du régime du président hors mandat Joseph Kabila. Ce dernier s’est mis au ban des nations en réprimant avec violence deux marches pacifiques de chrétiens, les 31 décembre et 21 janvier derniers

Appliquer l’accord de la saint-sylvestre

Les marcheurs demandaient, comme le font l’Onu et plusieurs capitales amies du Congo, que le régime mette en oeuvre sa part de l’Accord de la Saint-Sylvestre 2016. Ce texte, obtenu sous l’égide des évêques, balise le chemin vers des élections consensuelles après que M. Kabila n’ait pas fait organiser les élections en 2016 et prétendu – appuyé par une Cour constitutionnelle à sa dévotion – qu’il pouvait donc rester en place jusqu’à l’élection de son successeur, élection qu’il n’organise pas.

Le régime n’a pas respecté sa part dans cet Accord (libération de prisonniers politiques connus; partage du contrôle de l’organisation des élections; organisation des élections avant la fin 2017). Il a même, au contraire, modifié la loi électorale en vue de donner un avantage exorbitant au parti présidentiel, le PPRD, notamment en supprimant les candidats indépendants, dont l’existence est pourtant prévue par la Constitution. Le tout en accroissant la répression de toute contestation de ses positions et alors que la population souffre de plus en plus de l’accaparement des ressources de l’État par les animateurs du régime et la famille Kabila, comme l’a montré une enquête de l’agence financière Bloomberg publiée en décembre 2016 et en juillet 2017.

Pourquoi la Belgique ?

C’est depuis l’adoption par l’Union européenne, en mai 2017, de sanctions contre 9 personnalités du régime de Kinshasa que celui-ci promet des mesures de rétorsion contre la Belgique. On sait que l’Union européenne laisse aux anciens colonisateurs le rôle de « poisson pilote » de sa politique envers leurs anciennes colonies. La Grande-Bretagne donnait ainsi jusqu’ici le « la » de la politique européenne envers le Zimbabwe; Paris suggère celle à suivre envers ses anciennes colonies et la Belgique est écoutée lorsqu’il s’agit du Congo. Kinshasa cible donc délibérément la Belgique, dans l’espoir d’amener celle-ci à modifier ses positions envers le régime Kabila et, ipso facto, celles de l’Union européenne.

En outre, s’attaquer à l’ancienne puissance coloniale en l’accusant d’être responsable des maux du Congo (même s’il a été colonie de la Belgique durant 52 ans, de 1908 à 1960, et indépendant durant 57 ans, de 1960 à aujourd’hui) est toujours susceptible d’attirer la sympathie des pays africains.

Imiter mobutu, seule référence du régime

À cela s’ajoute la manie de Kinshasa d’imiter la politique de Mobutu – la seule référence du régime – qui a toujours tenté de diviser les Européens à son profit. Depuis son élection, en 2006, Joseph Kabila essaie donc de traiter en bilatéral avec les pays européens, pour jouer, lui aussi, les uns contre les autres – notamment la France contre la Belgique. Si cela ne marchait pas sous François Hollande, l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir à Paris a redonné du peps à la Françafrique et Kinshasa essaie d’en tirer parti.

Reste que les temps ont changé depuis Mobutu. Les diverses mesures de rétorsion envisagées par Kinshasa contre la Belgique depuis mai dernier ont fait flop parce qu’elles auraient occasionné trop de dégâts collatéraux au régime.

L’annonce de cette semaine s’explique à la fois par l’énervement des autorités de Kinshasa en raison de l’unanimité des critiques de sa violence envers les marcheurs chrétiens pacifiques, et par son dédain pour sa population, principale victime d’une rupture de la coopération.

[LA LIBRE BELGIQUE/LP]

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