samedi , 7 novembre 2020
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Protestations : Rohani va pousser à plus de réformes en Iran

Alors que le mouvement de protestation en Iran semble se tarir, le président modéré Hassan Rohani va devoir faire preuve d’habileté pour tirer bénéfice des revendications socio-économiques et pousser à plus de réformes, selon des experts.

Les autorités ont serré les rangs face aux troubles, les plus importants de ces dernières années et qui ont fait 21 morts, accusant les ennemis extérieurs de l’Iran et les « contre-révolutionnaires » de les avoir encouragés.

Mais toutes les tendances politiques ont admis l’existence de frustrations à propos du chômage, de la cherté de la vie et de la corruption, qui touchent la société en profondeur et ont mis le feu aux poudres.

Et les adversaires de M. Rohani l’ont accusé d’avoir oublié les classes populaires.

Ils ont notamment ciblé l’augmentation de 50% du prix de l’essence prévue dans le projet de budget présenté au parlement pour la prochaine année iranienne (21 mars 2018 – 20 mars 2019). Le Parlement, qui doit encore approuver ce projet, a exprimé son opposition à une telle hausse.

« Un bond du prix de l’essence n’est absolument pas dans l’intérêt du pays, il y a d’autres méthodes (…) pour que les couches populaires ne subissent pas de pressions » économiques supplémentaires, a dit le président du Parlement Ali Larijani, pourtant allié de M. Rohani.

Il a aussi prôné une hausse plus rapide des bas salaires et une aide accentuée aux couches défavorisées et retraités.

Ministres millionnaires

La télévision d’Etat et les autres médias conservateurs insistent sur la nécessité de changer de politique économique, avec pour priorité une aide aux plus pauvres et le soutien à la production nationale.

Une vidéo publiée ces derniers jours sur les réseaux sociaux, vue par des dizaines de milliers de personnes, montre des Téhéranais critiquer durement la politique du gouvernement.

« Est-ce que Rohani a déjà acheté des œufs ou de la viande? » lance un homme en colère sur la vidéo.

« Je proteste contre les rentes économiques, l’injustice, les vols, les détournements d’argent. Qui est derrière ça? Ceux qui vivent dans des palais, ceux qui ont des ministres millionnaires dans leur cabinet », ajoute un autre.

Réélu l’an dernier, M. Rohani soutient que ses réformes sont nécessaires pour mettre l’économie sur les rails. Il souligne avoir ramené l’inflation de 40% en 2013 -date de son accession à la présidence- à 10%, ainsi que l’existence d’un taux de croissance à deux chiffres l’an dernier (12,3%).

Cette performance a été rendue possible par le doublement des exportations pétrolières, à la faveur de l’accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 par l’Iran et les grandes puissances et la levée partielle des sanctions internationales.

Mais elle n’a pas permis jusque-là d’améliorer la situation sur le front du chômage, et beaucoup d’Iraniens se plaignent, y compris dans les médias officiels, de l’absence de résultats concrets dans leur vie quotidienne.

Officiellement, le taux de chômage est de 12%, mais il avoisine 30% chez les jeunes.

Assez

« Les gens en ont assez. Ils n’ont rien pour être satisfaits, a dit à l’AFP Satira Mohammadi, une jeune enseignante. Ils ne peuvent acheter de maison, poursuivre leurs études. Ils ne peuvent plus supporter cette situation ».

Pour autant, M. Rohani peut encore tirer son épingle du jeu en arguant au contraire de la nécessité d’accélérer encore son programme de réformes.

« Cette crise a crée l’occasion pour des changements nécessaires, sinon les conséquences seront sérieuses » pour l’ensemble du pouvoir, dit à l’AFP Abbas Abdi, analyste politique proche des réformateurs.

« Je suis certain que le gouvernement Rohani va tirer un capital » de cette contestation, estime quant à elle Ellie Geranmayeh, experte pour l’Iran au sein de l’European Council on Foreign Relations.

Le camp réformateur pourrait aussi chercher à forcer les conservateurs à atténuer leurs critiques contre la politique économique.

Mohammad Sadegh Javadihesar, un analyste proche des réformateurs qui vit à Machhad –point de départ des troubles– estime que les adversaires de Hassan Rohani avaient suscité les protestations en « insistant sur la hausse du prix des oeufs ou la volonté du gouvernement d’augmenter le prix de l’essence ».

Le vice-président Es-Hagh Jahanguiri a aussi implicitement accusé les conservateurs, qui ont démenti, d’avoir « cherché à porter atteinte au gouvernement » en provoquant la manifestation de Machhad, point de départ de la contestation.

« C’est une occasion unique pour Rohani de passer de la cible des protestataires en champion des réformes », déclare pour sa part Ali Vaez, de l’International Crisis group, pour qui le président doit pousser à davantage de changement. « Il y aura des résistances, mais Rohani n’a rien à perdre » puisqu’il ne pourra pas se présenter pour un nouveau mandat.

[Afp]

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