samedi , 7 novembre 2020
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Syrie : Père Noël à Raqa

Au milieu d’immeubles en ruine à Raqa, ex-fief jihadiste dans le nord de la Syrie, deux pères Noël secouent leurs clochettes en souriant à des enfants médusés.

Vêtus de leur costume rouge traditionnel, barbe blanche postiche au menton et sac noir rempli de cadeaux sur l’épaule, ils ont fait le tour mardi de cette ville ravagée par quatre mois de combats entre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) et les combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance kurdo-arabe soutenue par Washington.

Les dizaines d’habitants qui suivent ces pères Noël n’en croient pas leur yeux: ils n’avaient plus vu pareil tableau depuis que la guerre a gagné leur ville en 2013. Une telle scène était même totalement inimaginable sous le règne sans merci de l’EI entre 2014 et octobre 2017.

La procession inattendue avance lentement à travers des rues jonchées de gravats et de ferraille avant de faire une pause à l’église arménienne catholique des Martyrs dans le centre de ce qui fut la « capitale » de l’EI en Syrie.

Les pères Noël agitent vigoureusement leurs clochettes et distribuent petites voitures et poupées aux rares familles présentes pour l’évènement.

Une fois qu’ils sont partis, un garçon arrive en trombe et demande: « Où est Papa Noël? ». « Je voulais le voir, j’ai pas eu de chance », lâche-t-il déçu.

Dans l’église des Martyrs qui n’est plus qu’une carcasse en béton à moitié écroulée, des dizaines de curieux, principalement des habitants musulmans, sont venus assister aux « célébrations de Noël » organisées par les FDS qui ont chassé l’EI de la cité.

Fierté et joie

Il n’y a ni prêtre ni fidèles, à l’exception des combattants chrétiens des Forces démocratiques.

Des hauts-parleurs crachent des hymnes religieux tandis qu’on installe une grande croix en bois au milieu des gravats, près d’un sapin décoré de boules rouges.

« Notre émotion ne peut être décrite avec des mots », confie à l’AFP Houro Aram, un commandant du Conseil militaire syriaque, une faction chrétienne des FDS.

« En priant dans cette église, on ressent de la fierté et de la joie. Tous nos sacrifices n’ont pas été vains », poursuit le jeune combattant de 24 ans, carrure imposante et fine barbe noire.

Les jihadistes de l’EI sont partis, mais Raqa est toujours désertée par la grande majorité de ses habitants. Les maisons restent ravagées et les mines enfouies par les jihadistes continuent de faucher des civils.

Les chrétiens, qui représentaient 1% des 300.000 habitants de la ville, avaient immédiatement fui pour ne pas être obligés de se convertir, de payer une taxe onéreuse ou de vivre sous la menace permanente d’une exécution par l’EI.

« On est heureux aujourd’hui, on participe aux célébrations dans l’église », se réjouit Hajer al-Ahmad, le visage encadré par un foulard marron, qui est venue avec trois de ses amies.

« L’EI interdisait ces festivités et accusaient les chrétiens d’être des apostats », poursuit la jeune femme.

Avant le début de la guerre en Syrie en 2011, les milliers d’Arméniens et de chrétiens syriaques qui vivaient à Raqa pouvaient célébrer leurs fêtes et prier librement.

Du sang, de la lumière

« Aujourd’hui, Raqa a retrouvé sa liberté, elle a retrouvé ses couleurs. Tout le monde peut revenir, avec sa culture, sa religion », lance fièrement Chafkar Himo, un commandant des FDS.

Autre symbole depuis l’éviction de l’EI: un « symposium pour les arts plastiques » est organisé au rond point al-Naïm (paradis en arabe). C’est ici que l’EI procédait à des décapitations et autres atrocités quand il était maître de la ville, si bien que la place avait été rebaptisée « rond-point de l’enfer ».

Aujourd’hui, des chevalets et des toiles s’alignent le long d’une grille en métal, où autrefois les jihadistes plantaient les têtes de leurs victimes.

Des peintres, mais aussi des combattantes des FDS, contemplent leur tableau, apportant une touche de pinceau final à leur oeuvre: des prisons, mais aussi des portraits, notamment celui d’un père Noël sur fond noir.

« Notre message c’est +non à la guerre, oui à la vie+ », s’enthousiasme le peintre Farhad Khalil, 47 ans, casquette sur le crâne et écharpe verte autour du cou, devant sa toile couverte de noir, rouge et jaune.

« Nous voulons construire. Nous voulons des couleurs plus belles que la destruction dans ce pays », lance-t-il sur un ton lyrique.

« Mon tableau est lié à Raqa. Il y a du sang, mais il y a aussi de la lumière ».

[Afp]

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