samedi , 7 novembre 2020
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Soldats de la MONUSCO, Nord-Kivu.
Soldats de la MONUSCO, Nord-Kivu.

RDC : Réinventer la mission de la MONUSCO

Sur la présence, l’action et l’image de la Monusco en Rd Congo, les discours vont aujourd’hui dans tous les sens. Ils sont tellement contradictoires et ambigus qu’il devient nécessaire d’y consacrer une évaluation sereine et lucide en vue de proposer des lignes d’orientation nouvelles pour le présent et pour les années qui viennent, dans le cas où le programme des troupes de cette mission des Nations Unies serait appelé  à se prolonger encore sur notre territoire.

Sans cet effort de lucidité, les malentendus, les fausses affirmations et les demi-vérités dans la société congolaise, tout comme les imprudentes autoglorifications et les tissus d’arrogances verbales de certains membres de la Monusco, risquent de se transformer en volcans dont les laves détruiront le sens même de ce que les soldats et les agents de l’ONU sont censés faire en République démocratique du Congo (RDC).

Discours de fortes émotions

Quand on est sensible à ce qui se dit tous les jours sur la Monusco dans la société congolaise, quatre grandes lignes d’analyse et d’interprétation sur sa mission dans notre pays se dégagent clairement. Elles sont toutes dominées par des émotions liées aux traumatismes de la guerre et aux incessants massacres des populations. Elles le sont tellement qu’elles deviennent souvent aveugles et ambigües concernant ce que les forces de l’ONU en RDC sont censées faire sur notre territoire.

La première ligne du discours congolais sur la Monusco est celle des paroles à tonalités multiples que le gouvernement congolais répand dans l’espace public à travers les cris de ses représentants et les attitudes de ses membres. Chaque fois que des drames malheureux comme la prise de Goma par le M23 ou les tueries de Beni se produisent et déchirent le tissu social congolais ; chaque fois que les phares de ce que l’on appelle la communauté internationale se braquent sur les atrocités commises par l’armée congolaise dans l’univers chaotique de la zone Est de la RDC ; chaque fois que sont pointées du doigt les faiblesses et les insuffisances du système de gouvernance de notre pays comme à l’occasion de l’entrée des militaires du Soudan du Sud sur le territoire national, la parole des autorités politiques congolaises accuse souvent la Monuco de ne pas être à la hauteur de sa mission.

Elle laisse entendre qu’il est temps que cette mission étrangère se retire du Congo et laisse aux Congolais le soin de résoudre souverainement leurs problèmes. On accuse alors la Monusco de ne pas protéger les populations comme elle est censée le faire avec son équipement hypermoderne et ses moyens financiers colossaux. On relève qu’elle n’accompagne pas suffisamment les FARDC dans leur mission de traquer les forces négatives et d’en finir une fois pour toutes avec elles.

Il arrive même que les responsables politiques se posent clairement la question de savoir pourquoi nous avons sur notre sol une armée internationale dont le commandement n’obéit pas au pouvoir politique et militaire local et se comporte comme un Etat dans l’Etat sans résoudre véritablement les problèmes humanitaires, militaires et politiques qui relèvent de ses compétences.

En même temps, chaque fois qu’il s’agit de renouveler la présence de cette mission des Nations-Unis que représente globalement la Monusco chez nous, le gouvernement de la RDC ne s’oppose jamais à la décision de la garder au Congo. Il se mure souvent dans un langage ambigu et use d’une rhétorique diplomatique qui laisse croire que le Congo a encore besoin de l’appui humanitaire, militaire et politique de la Monusco pour de longues années.

Ce double langage et cette double attitude sont significatifs : ils dévoilent chez les autorités congolaises un manque manifeste d’une vision globale du sens des relations entre le Congo et les Nations Unies sur ce que nous, Congolais, nous devons attendre de la Monusco et sur ce que la Monusco est en devoir d’apporter chez nous, compte tenu des accords qui lient notre pays à cette organisation. Un flou immense règne sur cette question et l’on est en droit de se demander si l’Etat congolais a une maîtrise réelle de ses relations avec la communauté internationale qui entretient les troupes de la Monusco sur notre territoire.

Cette interrogation est au cœur du deuxième axe de la perception que les Congolais ont de la Monusco, à savoir l’axe de l’univers imaginaire des jeunes dans notre pays.

Dans les milieux de la jeunesse congolaise et de la société civile que cette jeunesse a investie de ses énergies, la Monusco suscite désenchantement, indignation et colère profonde. Au cours d’une émission de la Radio Pole FM consacré au thème « Les jeunes et la Monusco dans le Kivu aujourd’hui », les représentants des générations montantes ont clairement indiqué ces sentiments  qu’ils éprouvent.

A leurs yeux, le désenchantement est lié à l’énorme investissement d’utopies de la paix qu’ils avaient mis dans la capacité de la Monusco à répondre vigoureusement à la mission que les jeunes congolais croient être la sienne. Notamment :

  • Protéger les populations en stabilisant les zones en guerre par une présence qui dissuade toute velléité de déstabilisation du Congo de la part des forces négatives, quelles qu’elles soient.
  • Démanteler ces forces et les réduire à néant pour que la multitude de réfugiés internes regagnent leurs niches vitales et y vivent en paix.
  • Accompagner l’armée congolaise dans sa lutte contre les agressions extérieures et les troubles intérieurs en engageant les moyens militaires gigantesques dont disposent les forces des Nations Unies en RDC.

Dans toutes ces missions, les résultats sont mitigés, d’après les jeunes. « L’impression globale que donne les soldats de la Monusco est celle du tourisme militaire, comme avait dit un jour le Président ougandais Yoweri Museveni », affirme un jeune de Goma. Et il ajoute : « C’est un tourisme agrémenté de tâches sans risque comme la construction de bâtiments pour la police et le système judiciaire congolais, la distribution sporadique de repas dans les camps de réfugiés ou le secours aux blessés quand les tueries perpétrées par les forces négatives sont déjà accomplies. Une mission humanitaire sans enjeu, en fait ».

Croyant que la Monusco est au Congo pour faire la guerre et pas pour un farniente délicieux sous le soleil des tropiques, les jeunes  s’indignent du style de vie des représentants des Nations Unies et des leurs militaires face aux conditions de misère des Soldats congolais et de leurs familles dont le désarroi  et la clochardisation s’affichent partout. Souvent, nos militaires sont condamnés à mendier pour survivre alors qu’ils sont dans une zone de guerre et à spolier les populations déjà fortement saignées à mort par les conditions vitales terriblement éprouvantes.

On a beau répéter aux générations montantes qu’il n’est pas de la responsabilité de la Monusco de nourrir les soldats congolais et d’entretenir leurs familles ; on a beau affirmer que cette tâche revient au gouvernement congolais et aux Congolais eux-mêmes qui doivent s’investir dans un effort de guerre ferme et continu, la disparité entre la vie des forces de la Monusco et les FARDC demeure un choc pour les jeunes.

Elle suscite des éclats de colère. De temps à autre, les jeunes s’attaquent aux installations de la Monusco pour faire voir au peuple congolais et aux autorités politiques que la situation de disparités de conditions de vie entre les militaires congolais et les troupes de la Monusco est intolérable. Elle est d’autant plus intolérable que les crimes des forces négatives sont commis au nez et à la barbe des camps occupés par les forces des Nations Unies.

Derrière cette attitude de la jeunesse congolaise, il y a plus que la fougue de la jeunesse. Il y a surtout une interrogation profonde sur le sens même de la présence de la Monusco au Congo aujourd’hui : « Que fait-elle ? », demandent les jeunes ; « Pour combien de temps est-elle encore là ? » ; « Quels sont les paramètres d’évaluation de la fécondité de son action dans notre pays ? », « En quoi aide-t-elle les Congolais à se prendre en charge pour devenir réellement maîtres de leur destin dans leur propre pays et pour résoudre eux-mêmes leurs problèmes de manière autonome, en toute liberté et en toute responsabilité ? »

A ces questions, les forces intellectuelles congolaises ont, dans leurs propres univers imaginaires, des réponses fortement décourageantes pour les jeunes. Dans les médias de Kinshasa, par exemple, la remise en question du travail de la Monusco au Congo est souvent brutale, partiale, globalement négative, sans aucune volonté de se consacrer à une analyse rationnelle pour mettre en lumière les véritables enjeux de l’action des Nations Unies dans l’imbroglio de la situation congolaise.

Le discours des intellectuels congolais voit dans la Monusco un Mastodonte désorganisé, incompétent et inutile, toujours prêt à s’adonner au « blabla » d’autojustification vague quand il est confronté à ses propres insuffisances dans l’action de stabilisation et de sécurisation des zones trouvées en RDC. Il met souvent en relief la disproportion des effectifs et des moyens onusiens mis à la disposition du Congo et les résultats réels de ces effectifs et de ces moyens sur le terrain en termes de pacification véritable de notre pays.

En plus, on déplore que les forces de la Monusco soient devenues une armée d’occupation qui sème du désordre plus qu’elle n’apporte un nouvel ordre de paix.

Plus grave encore, la Monusco est parfois accusée d’être au service d’un projet inavoué de balkanisation du Congo. Projet visible dans le fait qu’elle est en train de faire de l’Est du Congo une région autonome, avec une présence autonome des diplomates, des agents de renseignements et de projets économiques et stratégiques sans lien avec Kinshasa.

Quant à nos populations congolaises, elles sont complètement désorientées dans leur imaginaire face à la présence et à l’action de la Monusco.

Elles constatent que malgré la présence des troupes onusiennes au Congo, les FDLR sont toujours une force organisée et négativement présente dans certaines zones du Nord-Kivu que cette force destructrice s’est appropriée et contrôle souverainement. La traque de ces rebelles, promise et lancée depuis longtemps, ne donne pas de résultats probants, sauf dans les discours fallacieux dont les populations n’ont rien à cirer, comme on dirait en France.

Les ADF-Nalu, rébellion ougandaise sur le territoire congolais, pillent, tuent, violent et se livrent à des massacres à grande échelle dans la région de Beni, sans que la Monusco ne réagisse de manière décisives en concertation efficace avec les FARDC, comme on devrait s’y attendre. Durant plus de deux ans, les tueries s’empilent devant le peuple complètement tétanisé.

L’armée de la résistance du Seigneur constitue toujours une menace permanente d’insécurité dans la zone entre le Congo et la République Centrafricain, surtout dans la région de l’Uélé.

Pire encore : les populations accusent la MONUSCO d’avoir introduit au Congo des militaires du Sud-Soudan qui risquent de devenir à leur tour de nouvelles forces du type FDLR, sans que le gouvernement congolais ait eu vraiment son mot à dire dans cette ténébreuse affaire, si l’on en croit ce que disent les représentants du gouvernement de notre pays.

Face à tous ces phénomènes, la désorientation des populations se transforme peu à peu en animosité face à la MONUSCO. Si la situation continue telle qu’elle se présente aujourd’hui, on peut craindre qu’un jour ou l’autre, les Congolais en viennent à lancer une guerre populaire contre les forces des Nations Unies. Les récriminations que l’on entend et les vociférations de plus en plus fermes qui grondent dans le petit peuple montrent qu’il ne s’agit pas d’une hypothèse d’école, mais d’un phénomène à prendre au sérieux.

Face à l’imaginaire congolais, l’attitude de la Monusco

Face à l’image négative qu’elle a au Congo, la MONUSCO répond souvent de manière maladroite à ses détracteurs, en accumulant de fautes publiques de communication et de signes évidents d’un manque de connaissance de la psychologie du peuple congolais.

Un exemple significatif : au moment où les Congolais s’inquiète de ce qu’il adviendra de leur pays à la fin du dernier mandat du Président Joseph Kabila, le haut responsable de la Monusco répond aux journalistes qui l’interrogent à ce sujet : « Le ciel ne nous tombera pas sur la tête. » Traduction en français courant : «L’opposition au processus de glissement  qui se prépare maintenant n’ont qu’à aller se faire voir ailleurs, le pays sera calme. » Il faut être aveugle et sourd pour ne pas comprendre qu’une telle réponse est une provocation inutile et maladroite face à un peuple en lutte pour le changement d’orientation face à l’avenir.

Un autre exemple : le jour où la rébellion du M23 s’empare de Goma, la Monusco répond à ceux qui s’étonnent de sa passivité : « Nous sommes là pour accompagner l’armée congolaise, mais pas pour combattre directement les rebelles ; du moment que les FARDC sont en débandade, nous restons tranquilles dans notre coin ». Traduction en français courant : « Ne croyez pas que les soldats onusiens sont au Congo pour se faire tuer pour la cause des nègres sans cervelle, qui s’entretuent comme des bêtes sauvages ». On ne parle pas ainsi à un peuple en désarroi, même si ce qu’on dit est juridiquement vrai.

Un troisième exemple : sur le dossier de l’entrée des militaires du Soudan du Sud sur le territoire congolais, alors que la MONUSCO est accusée d’être responsable de cette opération par le gouvernement congolais, la réponse cinglante qu’elle lance aux Congolais est celle-ci : « Nous ne pouvons rien faire de tel sans l’aval de vos autorités. » Traduction en français courant : « Le Congo est dirigé par des menteurs qui ne savent pas assumer leur responsabilité. Les Congolais n’ont qu’à s’adresser à leurs chefs au lieu de s’en prendre à la force de la MONUSCO qui sait agir d’urgence quand il le faut. » C’est une insulte pure et simple aux autorités d’une nation souveraine et un manque de tact dans la communication médiatique.

A ces exemples, il faut ajouter la visibilité arrogante des agents de la MONUSCO et de leurs militaires dont les voitures, les jeeps, les camions et les avions estampillés « UN » sillonnent le Congo dans tous les sens, sans qu’on sache ce qu’ils cherchent ni ce qu’ils veulent en réalité dans un pays livré à toutes les incertitudes et à tous les désarrois. En plus, dans les lieux de réjouissance comme les restaurants et dans les grandes surfaces où s’achètent les biens de luxe, il y a une présence ostensiblement grossière des richesses des agents onusiens qui choque et indigne face à la pauvreté et à la misère ambiante. Entre les populations congolaises et leurs sauveurs de la MONUSCO, on ne partage pas les mêmes valeurs ni les mêmes modes de vie. Le gouffre qui sépare les deux mondes est un scandale social complètement insensé.

Dans une ville comme Goma, la présence de la MONUSCO ne rythme pas seulement la vie sous le signe de ce scandale, elle a aussi complètement soumis l’économie de la ville à ses propres règles pour en faire l’une des agglomérations les plus chères en matière de charge locative pour les maisons, par exemple. Une richesse artificielle qu’anime un système de vol organisé et d’enrichissement illicite fait craindre un effondrement du niveau de vie de la ville telle que la MONUSCO en a fabriqué l’imaginaire. Si on ajoute à tout cela la mentalité de dépendance qui fait penser que les Nations Unies sont là pour résoudre les problèmes des Congolais à leur place et pour distribuer des vivres à des réfugiés qui s’accommodent vite du complexe de l’assistance gratuite, il y a lieu de dire qu’on se trouve devant un phénomène de fragilisation mentale et de destruction de l’énergie créative de la population Congolaise.

Sous cet angle, la MONUSCO apparaît comme une mauvaise réponse à un grand problème de société en République Démocratique du Congo : le problème de la paix durable pensée et concrétisée au quotidien par les Congolais eux-mêmes.

Une évaluation lucide et positive

Entre l’imaginaire congolais dans sa manière de percevoir la présence de la Monusco et la manière dont la Monusco se visibilise elle-même au Congo, il y a lieu aujourd’hui de sortir des cavernes où tout est enfermé actuellement. Une vérité de base à rappeler aux citoyens congolais : sans la présence de la force des Nations Unies, le Congo n’existerait pas encore comme nation unie dans ses composantes et comme communauté politique avec un gouvernement internationalement reconnu par toutes les autres nations.

Quelle que soit l’idée que l’on se fait de la présence et de l’action de la Monusco, il est important de reconnaître que le Congo leur doit son existence. Ce n’est pas peu dans un pays que les guerres d’agression et les rébellions ont failli détruire et fragmenter dans une nouvelle géostratégie dont on ne peut pas dire qu’elle n’a plus d’avenir devant elle.

Déjà dans les années 1960, la rébellion katangaise et la rébellion kasaïenne auraient eu raison de l’unité du pays sans l’intervention des Nations Unies. Il en est de même aujourd’hui : la force  de la Monusco tient lieu de ciment dans un Congo toujours confronté à ses multiples identités meurtrières et à ses démons de la destruction du destin communautaire congolais.

Une autre vérité de base : dans la lutte contre les forces négatives dans l’espace vital congolais actuel, les choses vont dans le bon sens. A rythme lent, mais dans le bon sens. Globalement, l’insécurité recule et des ilots de stabilité s’épanouissent à vue d’œil, grâce à l’action de la Monusco. La violence aussi recule, malgré les coups durs qui frappent les populations dans les massacres comme ceux de Beni. Les agressions extérieures sont globalement maîtrisées depuis la défaite du M23. Le Congo doit tout cela à la présence de la Monusco.

Le problème n’est pas de cracher sur cette présence, mais de savoir comment la gérer et la conduire pour qu’elle soit au service des populations et qu’elle intègre dans sa mission les attentes du peuple congolais en matière de paix et de sécurité, en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain et de changement de perspective de vision face à l’avenir.

En plus, l’imaginaire congolais a tort de croire que c’est par la voie des armes que la paix viendra au Congo et d’intégrer la mission onusienne uniquement  dans cette équation de la guerre en vue de la paix. Quand il s’enferme dans cette perspective, il oublie tout ce qui relève de la diplomatie, de la politique de l’ombre pour la paix et de la capacité de dissuasion que la Monusco, en elle-même, représente, rien que par sa présence devant les forces négatives et les agresseurs éventuels.

Aujourd’hui, une autre perspective est nécessaire et elle est essentiellement éthique. Elle concerne un regard de respect mutuel qui doit être promu entre le Congo et la Monusco. Plus précisément entre les populations, les forces vives nationales, le gouvernement congolais et la force onusienne au Congo. Il convient de promouvoir de relations paisibles entre le pays et les Nations Unies afin que le comportement des cadres et des militaires onusiens au Congo respectent les autorités congolaises et tienne compte des aspirations du peuple congolais oui.

C’est un problème de respect de soi et de respect mutuel dans les engagements pris et dans la manière de les réaliser sur le terrain, avec une attention particulière sur la communication claire et vraie sur ce qui se passe réellement. A ce niveau, ni du côté congolais ni du côté Monusco, on ne peut dire que l’éthique de la parole donnée et des engagements pris ait été vraiment de mise.

On le voit face au problème de la traque de FDLR et face aux massacres perpétrés à Beni. Ici, la coopération Monusco-FARDC n’arrive pas au même résultat que devant le M23 qui a été défait  par la Brigade interafricaine et les FARDC grâce à la vigilance ferme et à la logistique militaire de la Monusco.

Cette coopération devrait devenir une ligne éthique fondamentale, qui aille au-delà de la solidarité des armes pour atteindre le niveau d’une solidarité fondamentale de la quête de la paix par les voies de la paix : la mobilisation des populations dans l’éducation à la construction de la paix grâce à des actions de défragmentation sociale, de destruction des identité meurtrières, de prise en charge psychosociale des populations face aux montagnes de traumatismes qui les écrasent et de promotion de nouvelles utopies du vivre-ensemble.

Ce n’est pas autour de la guerre que tout doit être construit, mais autour de la paix comme priorité. Cela demande une autre approche de la présence et de l’action de la Monusco au Congo : une approche qui prenne conscience du fait que la Monusco n’est pas une mission de guerre, mais une mission de paix. Cela signifie que sa présence, ses programmes et son action devront aujourd’hui être réorientés sur ce que la paix signifie véritablement pour le Congo. Et cette signification est celle-ci : la paix, c’est le développement durable ; la paix c’est le souffle pour l’émergence du Congo en matière politique, économique et culturelle.

Sans cette orientation claire qui est celle de grandes utopies du peuple congolais, tous les tintamarres qui ne concernent que la guerre contre les groupes armés et les forces négatives perdront tout sens. Il est indispensable que l’évaluation lucide et sereine du travail de la Monusco s’élabore en termes de développement et d’émergence. Cela exige une redéfinition globale de la mission de cette organisation, si elle veut rester encore au Congo dans les années à venir.

Mais qui s’occupe aujourd’hui de cette redéfinition du projet Monusco en vue du développement et de l’émergence de la RDC ? Personne apparemment.

Les Nations Unies sont engluées dans leur vision guerrière de la paix. Elles pensent que leur mission est d’envoyer des armées internationales dans les zones de turbulence, dans l’espoir que les militaires étrangers viendraient se faire massacrer pour sauver des autochtones incapables de penser eux-mêmes aux intérêts de leurs nations. Au Congo, cette vision n’a pas d’avenir devant elle, même si les Congolais l’avalisent encore tout en voyant ses limites pratiques et concrètes.

En réalité, avec une armée congolaise bien organisée et bien équipée, la pacification du Congo par des Congolais est possible. S’il faut que la Monusco reste encore au Congo, ce n’est pas du tout pour faire la guerre, mais pour aider l’armée congolaise à être une armée du développement et de l’émergence, avec ce que cela exige comme pouvoir d’éducation à une paix véritable dans un pays qui s’engage à construire lui-même sa destinée.

La mission de la Monusco se dépouillerait peu à peu de ses ambitions militaires et s’épanouirait dans le travail des mouvements des jeunes, des dynamiques de la société civile et des initiatives de populations pour changer le République démocratique pour qu’elle devienne une grande démocratie au cœur de l’Afrique, un pays politiquement, économiquement et culturellement riches, capables de contribuer fortement à l’avènement d’un autre monde possible, comme disent les altermondialistes.

Dans ce domaine, tout reste à faire. Le gouvernement congolais, les mouvements des jeunes, la société civile, les forces de l’intelligence, les populations congolaises et la Monusco elle-même doivent le comprendre. Ils doivent réinventer ensemble la nouvelle mission des forces des Nations Unies en République démocratique du Congo.

[Kä Mana]

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