« Un accord ne peut pas prévaloir sur la Constitution » de la RD Congo, a estimé mercredi 28 spetembre le directeur exécutif de l’Institut pour la démocratie, la gouvernance, la paix et le développement en Afrique (IDGPA), le professeur André Mbata Mangu, dans un entretien qu’il a accordé à Radio Okapi.
Il avait eu à exprimer sa profession de foi sur la longévité de la Constitution du 18 février 2006, qui avait fait l’objet, du 18 au 20 février 2016,d’un débat scientifique et non politique dans les brillantes interventions de portée historique de différents chercheurs nationaux et internationaux sélectionnés par l’institution de recherche à Kinshasa.
«La Constitution de la RDC a un bel avenir. On peur violer cette Constitution, mais on ne va pas l’amender, on ne va pas la mettre de côté. Les Congolais manifestent leur attachement à la Constitution. Cet accord qui vient du dialogue est inconstitutionnel et de nature à provoquer de nouvelles crises dans notre pays. Un accord négocié et adopté par 300 personnes ne peut pas prévaloir sur la Constitution adoptée par 85 % des Congolais», a souligné le professeur André Mbata.
Il précise que les articles 75 et 76 de la constitution prévoient un président intérimaire qui doit organiser les élections entre 60 et 90 jours. Il s’oppose à une transition qui irait au-delà de la durée prévue par la Constitution.
«On a déjà trop violé la Constitution. Mais si on voulait lui donner le moindre respect, la dernière date à laquelle on doit organiser les élections présidentielles dans ce pays, c’est au mois d’avril 2017. Et cette élection ne doit pas se faire sous la présidence du président actuel, mais sous le leadership du président intérimaire, qui est constitutionnellement le président du Sénat. Mais cela doit se faire après la déclaration de la Cour constitutionnelle. Le problème, c’est que je vois très mal la Cour constitutionnelle ou le gouvernement demander qu’il y ait un président intérimaire», indique André Mbata.
Le constitutionnaliste analyse le projet d’accord politique du dialogue qui prévoit notamment la formation d’un gouvernement de large union nationale qui sera dirigé par une personnalité issue de l’opposition. Le projet indique aussi que le président Kabila conservera ses fonctions jusqu’à l’installation du prochain président élu.
« On ne joue pas avec la Constitution de la République », avait averti le directeur exécutif, qui a apprécié « les brillantes interventions » lors du débat scientifique.
L’IDGPA s’est adressé aux partis politiques de l’opposition et de la majorité présidentielle, en envoyant des lettres d’invitation, même au Secrétaire général du PPRD, en prévision de ce colloque, qui « s’est tenu en toute reconnaissance des partis politiques ».
Un projet d’accord politique déjà boudé…
La réaction scientifique du professeur André Mbata est appuyée par son collègue de la Faculté de droit de l’Université de Kinshasa, le sénateur Jacques Djoli
Lundi au sortir d’une séance plénière de la Chambre haute, il a fixé l’opinion, en demandant à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de « cesser de se laisser instrumentaliser par la Majorité présidentielle et de servir comme agent au service du glissement ».
Le sénateur Djoli a considéré le projet d’accord politique distribué par Edem Kodjo, facilitateur désigné par l’Union africain pour le dialogue en RD Congo, comme « un draft qui nous amène dans une absurdité juridique ».
« Le droit constitutionnel est inflammable. La Constitution, c’est le contrat social entre les gouvernants et les gouvernés », a noté Jacques Djoli.
Le texte de ce projet d’accord politique « viole même la Constitution » soutiennent aussi bien la majorité, l’opposition que la société civile au point de se demander s’il émane réellement d’eux.
Le fait que le projet d’accord stipule que le poste du Premier ministre revienne à l’opposition constitue déjà en soi une violation de la loi fondamentale, selon le député du pouvoir Thomas Lokondo, président de l’Union congolaise pour la liberté (UCL).
Le député Lokondo comme bien d’autres de ses pairs de la majorité disent ne pas être prêts à marcher sur l’article 78 de la constitution qui prévoit que le président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire. Et ils soutiennent qu’il ne s’agit pas là de la seule violation.
L’opposition, elle aussi, dénonce la violation de la Constitution par ce projet d’accord. Ceux de la frange qui ont suspendu leur participation au dialogue, préviennent qu’ils n’apposeraient pas leur signature sur un accord qui ne comporte ni la date de l’élection présidentielle ni une stipulation claire indiquant que le président Joseph Kabila ne se représentera pas à un troisième mandat comme le veut la Constitution.
« Ce projet d’accord consacre la mise en veilleuse de la Constitution et c’est dangereux parce qu’il y aura un vide juridique à partir du 19 décembre. On veut enterrer la Constitution. Donc il faut y prévoir des énoncés qui le lient à la Constitution et qui protège cette dernière », met en garde Joseph Mabanga du Rassemblement.
Ni date d’élections ni durée de transition
Le projet de l’accord se contente de préciser que le Premier ministre et les membres du gouvernement qui sera mis sur pieds à l’issue du dialogue, avec la mission d’organiser les élections, ne pourront briguer aucun mandat aux prochains scrutins en moins de démissionner trois mois avant la tenue de ceux-ci.
« Ce dialogue n’aurait aucun sens si l’on en sort sans aucune date de l’élection présidentielle », affirme Jean-Lucien Busa député de la frange de l’opposition qui a suspendu sa participation au dialogue.
Le leader de cette partie de l’opposition, Vital Kamerhe, a justifié la suspension de son groupe par le souci d’un consensus plus élargi, même à l’opposition qui boycotte ces assises. Mais de l’avis des analystes, cette annonce cache aussi un certain dépit de se voir couper l’herbe sous les pieds par le pouvoir qui a inséré dans le projet de l’accord l’élimination de la course de tout opposant qui aurait pour ambition de se constituer une petite bourse pour les élections en étant membres du gouvernement.
Le projet d’accord politique, initié par Edem Kodjo, continue à souffrir d’un consensus plus large en vue.