samedi , 7 novembre 2020
Accueil / Élections / Elections : Des retards volontairement entretenus pour maintenir « KABILA » au pouvoir au-delà de 2016
Apprentissage technologique - "Joseph KABILA" et son tablette.
Apprentissage technologique - "Joseph KABILA" et son tablette.

Elections : Des retards volontairement entretenus pour maintenir « KABILA » au pouvoir au-delà de 2016

Dans un rapport intitulé, « Congo: une bataille électorale périlleuse« , le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New York, a accusé les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) d’être « responsables » de nombreux retards artificiels dans l’organisation des élections, notamment des présidentielles, censées se tenir cette année, mais désormais devenues fort improbables. Selon le rapport, ces retards ont été volontairement entretenus par le camp présidentiel, afin de maintenir Joseph Kabila au pouvoir au-delà de la fin de son deuxième et dernier mandat présidentiel qui s’achève en décembre 2016.

Parmi les nombreuses manœuvres entreprises par la Majorité Présidentielle et le Gouvernement pour reporter les élections, on peut en citer au moins trois: 1. avoir voulu organiser les élections locales, très complexes et coûteuses, avant les élections présidentielles et législatives (nationales et provinciales), 2. le manque de volonté politique pour mettre à la disposition de la Commission électorale les moyens financiers et logistiques nécessaires et 3. avoir voulu effectuer, coûte que coûte, le découpage territorial du pays en 25 provinces, une opération conforme à la Constitution, mais très inopportune juste à la veille des élections.

Majorité et Opposition: deux stratégies radicalement opposées l’une à l’autre

Face à l’impossibilité d’organiser les élections présidentielles dans les délais fixés par la Constitution, la Majorité et l’Opposition ont choisi leurs respectives stratégies.

L’actuelle stratégie de la Majorité Présidentielle consisterait à retarder les élections le plus longtemps possible et à convaincre une partie de l’opposition à participer à un gouvernement d’union nationale, chargé de gérer une période de transition jusqu’aux prochaines élections. Au cours de cette période de transition, qui pourrait s’étendre sur un, deux ou trois ans, Joseph Kabila continuerait à être Président de la République.

De sa part, l’Opposition a opté pour une transition politique sans Kabila, mais elle doute qu’il lâche le pouvoir sans être contraint de le faire et elle parie, donc, sur sa capacité de mobiliser la population, visant d’abord la date du 19 septembre (date prévue pour la convocation des élections présidentielles, selon les dispositions constitutionnelles) et puis celle du 20 décembre 2016 (date de la fin du deuxième et dernier mandat présidentiel de Joseph Kabila) pour des manifestations. L’opposition s’en remet donc à la rue et cherche l’épreuve de force, avec le risque d’un embrasement généralisé. L’objectif final serait une transition avec un président de la République proposé par l’opposition.

Perspectives pour l’avenir

Les élections ne pouvant se tenir en 2016, selon les experts du GEC, les acteurs congolais sont condamnés à dialoguer, afin d’arriver à un consensus sur la voie à suivre.

– Afin d’éviter le pire, les experts du GEC demandent au Chef de l’Etat de déclarer clairement «qu’il ne sera pas candidat aux prochaines élections, et que l’article 220 de la Constitution ne sera pas révisé», en d’autres termes qu’il ne cherchera pas à modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat.

– Le Gouvernement est appelé à pourvoir la Commission électorale en moyens financiers, matériels et logistiques adéquats. Dans la mesure où le Gouvernement fera preuve de bonne volonté, la Communauté internationale sera prête à coopérer.

– Compte tenu des difficultés qu’éprouve la RDC à faire face au budget électoral, la Majorité Présidentielle doit accepter de prioriser les élections présidentielles et législatives (nationales et provinciales), et renvoyer les autres (les locales) à une date ultérieure.

– De son côté, l’Opposition doit assouplir ses conditions, accepter le dialogue et renoncer à la stratégie du chaos: la recomposition de la Commission électorale et de la Cour constitutionnelle, ainsi que l’organisation du calendrier électoral devraient être des objectifs et non des conditions pour le dialogue. S’il advenait que le dialogue prenne une mauvaise tournure, l’opposition pourrait toujours quitter la table des négociations. Ne pas dialoguer est plus risqué que le faire.

– Quant à la Commission électorale, elle devrait faire un effort supplémentaire pour abréger la durée de l’opération de révision des listes électorales, entamées le 31 juillet dernier, et en assurer la transparence par la publication immédiate d’un chronogramme y relatif.

Elle devrait également convoquer d’urgence et de façon permanente le comité de liaison « Commission électorale, Majorité et Opposition », afin d’élaborer un calendrier électoral complet et consensuel à proposer aux assises du dialogue national pour approbation finale.

1. « CONGO: UNE BATAILLE ELECTORALE PERILLEUSE » (GEC)

a. La lente agonie du processus électoral congolais

Le 5 août, dans un rapport intitulé, « Congo: une bataille électorale périlleuse« , le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New York, a accusé les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) d’être « responsables » des retards du processus électoral dans ce pays où la présidentielle, censée se tenir cette année, est devenue improbable.

«Le gouvernement est responsable de nombreux retards artificiels dans le processus électoral, qui ont rendu impossible le respect de la Constitution et la tenue d’élections équitables et transparentes avant la fin de l’année», lit-on dans ce rapport. Ces obstacles à la tenue des élections ont été volontairement entretenus par le camp présidentiel, afin de maintenir Joseph Kabila au pouvoir au-delà de la fin de son dernier mandat qui s’achève en décembre 2016.

Dans ce rapport très détaillé, le GEC revient sur la lente agonie du processus électoral congolais et pointe les autorités congolaises comme principales responsables.

b. Les responsabilités de la Commission électorale et du Gouvernement

Au rang des accusés, il y a tout d’abord la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) qui apparaît « politisée » et qui est perçue « comme un arbitre partial« . «Sur les treize membres qui la composent, six sont issus de la majorité, quatre, de l’opposition et trois, de la société civile… Sur les six membres du Bureau de la CENI, deux proviennent de l’opposition. Récusés par leurs partis politiques, ils continuent cependant de siéger. De même, sur les 7 membres restants de l’assemblée plénière, deux sont issus de l’opposition, mais ne sont plus reconnus par leurs partis. Cette situation reflète la ruse de la majorité, mais aussi les faiblesses internes de l’opposition».

La crédibilité du fichier électoral est également au centre des controverses. Depuis les élections chaotiques et contestées de 2011, le fichier ne correspond plus à la réalité du corps électoral congolais. D’après l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), 1,6 millions de personnes décédées n’ont pas été retirées du fichier et 8,5 millions de nouveaux majeurs n’y ont pas été rattachés. L’OIF relève 450.000 doublons dans ce fichier que les autorités congolaises avaient largement le temps de «nettoyer» depuis le scrutin de 2011. Mais rien n’a été fait.

Le rapport de l’OIF met également à nu d’autres faiblesses du fichier électoral: l’absence d’empreintes digitales dans 2 % des cas, l’absence de photographie à hauteur de 1 % et, dans des proportions réduites, l’absence d’origine et de date de naissance. A quatre mois du scrutin, il est maintenant trop tard pour corriger le tir. Selon les expertises internationales, il faudrait entre 6 et 24 mois pour fiabiliser le fichier électoral. Pour les Missions de l’ONU et de l’OIF, la refonte complète du fichier électoral pourrait durer 9 mois et demi à compter de la signature du marché public par la CENI, le 22 juin 2016. Quant à la CENI, elle estime cette période entre 13 et 16 mois, selon que la révision du fichier électoral est partielle ou totale. Le président de la CENI précise: «C’est le même délai observé en 2006 et en 2011: 434 jours en 2006 et 432 jours en 2011».

Cependant, ces divergences ne justifient ni n’expliquent le retard accumulé dans le lancement de la révision du fichier électoral. Au demeurant, la commission savait pertinemment que cette révision devait avoir lieu, mais elle ne s’est jamais préparée en conséquence, même après l’avènement de l’équipe Malumalu en juin 2013. Elle a, par ailleurs, perdu du temps en s’employant, sur instigation de la Primature, dans un marché de gré à gré en novembre 2015, avant que le nouveau président de la CENI n’annule la démarche et ne lance un appel d’offres ouvert en février 2016.

Un autre indice du manque de volonté politique est d’ordre financier. Selon un rapport de la CENI, le décaissement de son budget par le gouvernement a tourné autour de 15 % en 2012 et 2013, et de 25 % en 2014 et 2015. En 2016, sur un budget de 580 millions de dollars américains, le gouvernement et la CENI ont plutôt convenu d’un plan de décaissement de 300 millions de dollars, à raison de 20 millions de dollars par mois pour le premier semestre et de 30 millions de dollars par mois pour le deuxième semestre. Les quotités des mois de janvier et de février ont été décaissées. Jusqu’à mi-juillet, celles des mois de mars et d’avril n’ont pas été libérées, selon des sources au sein de la CENI. Par ailleurs, le premier ministre Matata a exprimé ses inquiétudes de ne pouvoir poursuivre les versements au regard des difficultés économiques auxquelles se trouve confronté le gouvernement en raison de la chute des prix des matières premières.

Les entraves d’ordre institutionnel ou technique ne sont que les symptômes d’un problème politique plus profond : un paysage politique caractérisé par des acteurs avec des agendas divergents, voire parfois antagonistes.

c. Les stratégies de la Majorité et de l’Opposition

Pour la Majorité Présidentielle, la question principale reste la gestion de la succession de Joseph Kabila à la tête de l’État. À l’heure actuelle, elle n’arrive pas à trouver un candidat pour lui succéder, ni à modifier la constitution pour qu’il reste durablement au pouvoir. La stratégie par défaut consiste donc à retarder les élections, en attendant qu’une opportunité se présente ou qu’un dauphin émerge ou soit désigné. La stratégie actuelle consisterait à convaincre une partie de l’opposition de participer à un gouvernement d’union nationale chargé de gérer une période de transition avant les prochaines élections. Cette période pourrait s’étendre sur un ou deux ans, mais cela ne résoudra pas pour autant la crise. Bien au contraire, celle-ci risque de s’aggraver, suite à l’opposition de plus en plus affichée soit à la révision de la constitution, soit à la prolongation du deuxième et dernier mandat présidentiel de Joseph Kabila.

Pour l’Opposition, les élections constituent l’objectif principal, quand bien même celles-ci n’évoquent pour le moment que des incertitudes car, au stade actuel, elle a du mal à organiser une grande mobilisation populaire à même de le contraindre à mettre en place ces élections.

L’opposition doute que Kabila lâche le pouvoir sans être contraint de le faire et elle parie, donc, sur sa capacité de mobiliser la population, visant d’abord la date du 19 septembre et puis celle du 20 décembre 2016 pour des manifestations. L’opposition s’en remet donc à la rue et cherche l’épreuve de force, avec le risque d’un embrasement généralisé. Dans ce contexte, on peut donc s’attendre à une intensification des manifestations et à des opérations de répression sanglantes.

d. Recommandations

Les élections ne pouvant se tenir en 2016, selon les experts du GEC, les acteurs congolais sont condamnés à dialoguer, afin d’arriver à un consensus sur la voie à suivre.

Afin d’éviter le pire, les experts du GEC demandent au chef de l’Etat de déclarer clairement «qu’il ne sera pas candidat aux prochaines élections, et que l’article 220 de la Constitution ne sera pas révisé», en d’autres termes qu’il ne cherchera pas à modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat.

De son côté, l’opposition doit assouplir ses conditions, accepter le dialogue et renoncer à la stratégie du chaos: la recomposition de la CENI et de la Cour constitutionnelle, ainsi que l’organisation du calendrier électoral devraient être des objectifs et non des conditions pour le dialogue. S’il advenait que le dialogue prenne une mauvaise tournure, l’opposition pourrait toujours quitter la table des négociations. Ne pas dialoguer est plus risqué que le faire.

La révision du fichier électoral reste l’étape cruciale qui déterminera la suite du processus électoral. Aucun effort ne doit être ménagé pour garantir la transparence de cette opération et pour abréger, en toute objectivité, la durée de sa réalisation.

Après évaluation du processus électoral tel qu’exigé par la Cour constitutionnelle, la CENI devrait, conformément à la résolution 2277, procéder à la publication d’un calendrier complet révisé couvrant la totalité du cycle électoral.

Dans la perspective de cette révision du fichier électoral et de l’organisation des scrutins, le gouvernement est appelé à pourvoir la CENI en moyens financiers, matériels et logistiques adéquats. Compte tenu des difficultés qu’éprouve la RDC à faire face au budget électoral, le gouvernement doit prioriser les élections présidentielles, législatives nationales et provinciales, et renvoyer les autres élections (les locales) à une date ultérieure. Une telle option pourrait aussi décrisper les tensions actuelles.

Un certain nombre d’activistes et de membres de l’opposition ont été arrêtés arbitrairement, la liberté de mouvement de certains opposants a été restreinte et plusieurs manifestations ont été interdites ou dispersées. Pour assurer un climat de confiance, le gouvernement devrait libérer les prisonniers politiques et, conformément à la constitution, les autorités nationales et locales ne devraient pas interdire la tenue de manifestations pacifiques sans raisons valables.[1]

2. LA COMMISSION ÉLECTORALE

a. Le début de l’opération de régistration des électeurs

Le 21 juillet, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa, a confirmé le début du processus de révision du fichier électoral le 31 juillet dans la province du Nord-Ubangi. A cette occasion, il a annoncé l’arrivée de 500 kits d’enrôlements destinés aux opérations de révision du fichier électoral dans cette province. D’après lui, pour l’ensemble du pays, la CENI a passé la commande de 20.000 kits d’enrôlement pour les opérations de révision du fichier électoral.[2]

Le 31 juillet, à Gbadolité, le président de la CENI, Corneille Nangaa, a procédé au lancement de l’opération de révision du fichier électoral dans la province du Nord-Ubangi, comme prévu.

La Ceni s’est accordé 90 jours pour boucler les opérations dans cette province. Les nouvelles cartes d’électeurs remplacent celles qui avaient servi lors des scrutins de 2011.

Une précision donnée par le président de la CENI est qu’après le Nord-Ubangi, l’opération de révision du fichier électoral va se poursuivre dans quatre aires opérationnelles: 1. Haut-Katanga, Haut-Lomami, Mongala, Tshuapa et Equateur; 2. Nord Kivu, Sud Kivu,  Maniema et Tanganyika; 3. Haut Uele, Bas Uele, Ituri, Tshopo, Sankuru, Kasaï oriental, Kasaï central, Kasaï et Lomami; 4. Kwango, Kwilu, Mai-ndombe, Kongo Central, ville de Kinshasa et la diaspora.

«En février dernier, nous avions dit que nous avons besoin de 16 mois et un jour pour terminer cette opération. Nous venons de consommer les cinq premiers mois et l’opération se poursuit normalement, telle que nous l’avons planifiée. Dans les jours qui viennent, nous allons publier le chronogramme de toute l’opération du fichier électoral. Et bien sûr nous attendons de publier le calendrier dès que possible», a déclaré Corneille Nangaa.

Interrogé sur la cause pour laquelle la Ceni n’est pas en mesure de publier le nouveau calendrier électoral, Corneille Nangaa a répondu: «Ce calendrier nécessite des consultations. La Ceni en a déjà publié trois. Ils n’ont pas été exécutés. Nous avons retenu quelques hypothèses sur lesquelles nous allons travailler. La Ceni opère dans un environnement constitutionnel bien déterminé et les parties prenantes au processus électoral sont nombreuses. Elle ne peut pas agir sans tenir compte des uns et des autres. Pour publier un « calendrier électoral global et réaliste », nous attendons donc le consensus politique tant souhaité», allusion faite au « dialogue politique national ».[3]

Le 4 août, à Kinshasa, le chef de la Monusco, Maman Sidikou, s’est réjoui du lancement de la phase pilote de la révision du fichier électoral le 31 juillet dernier. Il a réaffirmé l’appui technique et logistique des Nations unies à ce processus. Pour lui, le lancement de cette opération est «un pas important pour l’organisation d’élections transparentes, crédibles et paisibles». «Maintenant il revient aux acteurs politiques de se mettre ensemble pour trouver un consensus politique sur la voie à suivre», a conclu le chef de la Monusco.[4]

b. Une déclaration du Président Kabila qui ha suscité plusieurs réactions

Le 4 août, au cours d’une conférence de presse conjointe avec son homologue ougandais Yoweri Kaguta Museveni, dans le district ougandais de Kasese, le chef de l’Etat Joseph Kabila a annoncé la tenue des élections après l’opération d’enrôlement des électeurs. Joseph Kabila a indiqué qu’après l’enrôlement des électeurs, la commission électorale va procéder à la publication du calendrier électoral et enfin convoquer les élections. «Pour le moment, nous avons débuté l’enrôlement des électeurs depuis le 31 juillet. C’est un processus qui prendra du temps jusqu’à ce que nous ayons un fichier électoral et dès que ce fichier est disponible alors un calendrier électoral sera publié. C’est comme ça que les élections sont organisées. Donc, soyez attentifs, car lorsque la date sera fixée par la CENI, je serai le premier à l’annoncer et vous en serez informés», a souligné le chef de l’Etat. [5]

Le 9 août, Moïse Katumbi a réagi aux dernières déclarations du président Joseph Kabila, accusant une nouvelle fois ce dernier et la Majorité présidentielle (MP) de « tout faire pour se maintenir au pouvoir », notamment en préparant un nouveau calendrier électoral.

Voici quelques extraits de la « déclaration » de Moïse Katumbi:

«Le 4 août 2016, en déplacement en Ouganda, le Président Joseph Kabila a annoncé que le calendrier électoral ne pourrait être publié avant la fin des opérations d’enrôlement des électeurs menées par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) depuis le 31 juillet 2016.

Ce nouvel épisode illustre, si certains en doutaient encore, la volonté du Président Joseph Kabila et de sa majorité présidentielle. Cette volonté est de se maintenir au pouvoir coûte que coûte, en dépit de notre Constitution et contre l’aspiration du peuple de vivre la première alternance démocratique et pacifique en 2016…

L’objectif de nos dirigeants est donc clair: tout faire pour se maintenir au pouvoir. Leur plan d’action est tout aussi clair et repose sur trois axes.

Organiser un dialogue politique factice avec quelques complices de tous bords, afin de déboucher sur un gouvernement de transition illégitime au service de leurs ambitions totalitaires.

Annoncer un calendrier électoral qui privilégie d’abord les élections locales et provinciales, avant les législatives nationales. Cela permettra de retarder au maximum l’élection présidentielle et, via des élections non conformes, s’assurer une majorité confortable aux institutions locales, aux assemblées provinciales, au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Faire voter un changement de la Constitution par les deux chambres réunies en Congrès qui leur permettra de s’accrocher au pouvoir.

Ce plan constitue un crime de haute trahison. Heureusement, il ne restera que le rêve utopique d’un régime aux abois. Le peuple congolais et les forces acquises au changement ne se laisseront pas tromper et trahir de la sorte. Ils se prendront en charge, conformément â la Constitution, afin de sauver la patrie…

Le 20 septembre 2016 le corps électoral doit être convoqué, conformément à la Constitution. Le 20 décembre 2016, un nouveau Président de la République doit être en fonction. Si ces obligations constitutionnelles ne sont pas respectées, le peuple congolais devra refuser l’installation de la dictature et ne plus reconnaître le régime en place. Il est encore temps de sauver la démocratie en RDCongo et, pour le Président Kabila, de sortir par la grande porte».[6]

Le 10 août, au cours d’un point de presse tenu à Kinshasa, le coordonnateur et porte-parole du Front des Démocrates (FDE), le député national Jean-Lucien Bussa, est retourné sur les propos du Chef de l’État tenus devant la presse, en Ouganda, au sujet de la publication du calendrier électoral après la fin des opérations d’enrôlement des électeurs par la CENI. Il a a réagi en ces termes: «La déclaration du président de la République est révélatrice de l’intention à peine voilée de violer l’esprit et la lettre de la Constitution, autant qu’elle traduit le manque de volonté politique d’organiser l’élection présidentielle, en ce qu’il se pose en acteur principal du glissement».[7]

Le 11 août, dans un communiqué de presse, en prenant acte de la déclaration du 4 août du Président de la République Joseph Kabila, selon laquelle «le calendrier électoral sera publié dès que le fichier sera disponible», Charles Mwando Nsimba, président en exercice du G7, membre actif du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, en déduit que «le calendrier électoral ne sera publié qu’après la fin de l’établissement du fichier électoral en juin 2017. Le scrutin pour l’élection du nouveau président de la République ne sera pas, par conséquent, convoqué trois mois avant la fin du mandat du chef de l’Etat en fonction, soit le 19 septembre prochain, comme l’exige l’article 73 de la Constitution. Le glissement du calendrier électoral est donc déjà en marche. C’est pourquoi, face à la gravité de la situation, depuis le 10 août 2016, le G7 a écrit une lettre au Président du Conseil des sages du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, pour proposer des actions pacifiques à réaliser, sans tarder, pour contraindre la CENI à publier le calendrier électoral et à convoquer le scrutin pour l’élection présidentielle le 19 septembre prochain».[8]

Le 12 août,  le président du parti « Orange », Fiyou Ndondoboni, a déclaré à Kinshasa que son parti se propose de saisir la Cour constitutionnelle, si la présidentielle n’est pas convoquée dans le délai constitutionnel: «Le parti Orange tient le pouvoir actuel, avec sa majorité, seul responsable de la perturbation de l’ordre constitutionnel au cas où l’élection présidentielle n’est pas convoquée dans le délai constitutionnel, soit au plus tard le 19 septembre 2016. Si la CENI ne convoque pas l’élection présidentielle conformément à l’article 73 de la constitution, le parti Orange annonce à l’opinion nationale et internationale qu’il saisira la Cour constitutionnelle conformément à l’article 162 de notre constitution, pour faire constater la violation de l’article 73 de notre constitution et ainsi obtenir le respect de l’ordre constitutionnelle par des voies de droit». Le président de l’Orange dit constater avec regret les velléités du gouvernement à violer les prescrits de la constitution et prend pour preuve l’intention du gouvernement de ne pas doter la CENI des moyens suffisants pour organiser les élections.[9]

Interpellé par plusieurs organisations de la société civile, notamment sur la question de la publication du calendrier électoral, le président de la Céni, Corneille Nangaa, a répondu: «Nous allons publier le calendrier électoral. Nous ne fermons pas les oreilles à ce que nous disent les uns et les autres. Le rapport donné par les experts des Nations unies et de l’OIF indique que la publication unilatérale aujourd’hui du calendrier électoral par la Céni, avant le consensus, est un problème. Et que ce n’est pas souhaité. Ils proposent que la Céni attende qu’on ait un consensus là-dessus». A la question de savoir si l’existence de ce rapport international justifie que la Céni tarde à remplir ses obligations constitutionnelles, Corneille Nangaa rétorque que les choses seront faites en temps voulu, une fois les préalables remplis: «Les obligations constitutionnelles, il faut les avoir toutes. La Constitution demande à la Céni de constituer le fichier électoral. Elle donne la séquence des activités électorales, dont l’enrôlement des électeurs et les différents scrutins. L’article 73 indique aussi qu’il faut qu’on convoque l’électorat, pour ce qui concerne l’élection du président de la République, 90 jours avant la fin du mandat du président en exercice. Mais on ne peut pas convoquer quelque chose qui n’existe pas. Nous sommes en train de travailler pour avoir les préalables et nous allons convoquer l’électorat dès que possible».[10]

Si pour le président Joseph Kabila, la publication du calendrier électoral dépend des opérations de révision du fichier électoral, Corneille Nangaa, président de la Céni, a un point de vue contraire. Selon lui, seul un consensus politique permettra à la Céni de rendre enfin public ce fameux calendrier. Selon lui, seul un consensus politique, autrement dit le dialogue, conditionne la publication du calendrier électoral.

Propos contredisant le président Kabila qui liait plutôt cette opération au bouclage définitif des opérations d’enrôlement des électeurs. Dans tous les cas, à Gbadolite, le président de la Céni a pris ses distances par rapport aux affirmations du chef de l’Etat. Selon lui, les opérations de révision du fichier électoral par l’enrôlement de nouveaux électeurs ne peuvent pas conditionner la publication du calendrier électoral. La Céni attend juste un consensus politique pour publier ce calendrier.[11]

3. LES HARCÈLEMENTS JUDICIARES CONTRE MOÏSE KATUMBI

a. Dossier « spoliation d’immeuble »

Le 20 juin, Moïse Katumbi avait été condamné en son absence par le Tribunal de paix de Lubumbashi/Kamalondo à 36 mois de prison et un million de dollars de dommages et intérêts pour faux et usage de faux, après avoir été attaqué en justice par un citoyen grec, Emmanouïl Alexandros Stoupis, dans une affaire immobilière.

Condamné depuis juin à effectuer trois ans de prison dans une affaire de spoliation immobilière, Moïse Katumbi conteste sa peine et demande à ce que la Cour suprême de RDC se prononce sur un éventuel nouveau procès. L’opposant congolais accuse les juges de Lubumbashi d’être à la solde du pouvoir en place. Le jugement du tribunal de paix de Kamalondo avait été rendu en l’absence de l’accusé, à l’étranger officiellement pour des soins de santé autorisés par les autorités judiciaires.

Par ses avocats interposés, Moïse Katumbi Chapwe a fait opposition à ce premier jugement aux motifs que certaines règles du droit n’avaient pas été respectées.

La demande a alors été faite à l’échelon supérieur pour que l’affaire soit confiée à une autre juridiction, les juges de Lubumbashi ayant fait l’objet d’une suspicion. Cette démarche a apparemment été avalisée par la Cour suprême de justice, qui a donné acte à la requête en suspicion légitime de toutes les juridictions relevant de la Cour d’appel de Lubumbashi.

Pour les avocats de l’ancien gouverneur du Katanga, il faudra ainsi attendre le 21 octobre prochain pour que la Cour suprême de justice désigne une autre juridiction. Devant ces faits, les avocats considèrent que l’arrêt du tribunal de paix de Kamalondo ne doit pas être exécuté, en attendant un autre jugement de la même affaire dite de spoliation d’immeuble. A leurs yeux, ceci apparaît comme une suspension d’exécution de la sentence.[12]

Mais le 25 juillet, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, a averti: «C’est son droit de rentrer au pays, mais la décision du juge de Lubumbashi sera appliquée. Le juge avait ordonné l’arrestation immédiate, ça veut dire que s’il était devant lui au moment où il avait prononcé cette décision, il serait parti directement en prison», en ajoutant: «A partir du moment où il n’était pas devant lui, quand il rentre au pays, bien sûr, il ira directement en prison, en attendant les procédures qu’il a engagées. Il n’y a pas moyen de faire autrement. C’est le droit. Si le juge a ordonné l’arrestation immédiate, il y aura arrestation dès qu’il rentre sur le territoire national. Ça, c’est clair».[13]

La conférence de presse des avocats de la défense

Le 26 juillet, lors d’une conférence de presse tenue au Centre Catholique Cepas à Gombe, le collectif des avocats de la défense dirigé par le Bâtonnier Jean-Joseph Mukendi Wa Mulumba a décidé de briser le silence pour éclairer l’opinion au sujet de l’affaire qui oppose leur client au sujet grec Stoupis.

Tout part d’un acte de vente manifestement faux de la maison située sur l’avenue Mahenge contre Kato, au N° 6 et 8, Quartier Industriel dans la Commune de Kapemba à Lubumbashi aux noms des dénommés Champion Katumbi et Nissim Katumbi, tous deux enfants mineurs à l’époque de Moïse Katumbi Chapwe. Cette vente aurait été conclue entre Moïse Katumbi et Mme Vosnakis Katina en 1998 alors que cette dernière était pourtant déclarée morte en 1987 en Grèce par un acte officiel, confirmé par son fils Emmanoul Alexandros Stoupis. Une vente qui aurait abouti à l’établissement d’un certificat d’enregistrement daté du 25 avril 2002 toujours au nom de la défunte. Chose troublante, ledit certificat d’enregistrement a été établi après l’annulation du certificat antérieur Vol 173 folio 157 du 07 janvier 1966 que la défunte aurait perdu.

Il est établi que Katebe Katoto, frère aîné de Moïse Katumbi, a logé dans cet immeuble comme locataire de la Sonas et qu’au mois de janvier 1976, un arrêté du Commissaire d’Etat portant déclaration d’abandon d’une parcelle résidentielle, avait ordonné l’annulation du certificat d’enregistrement inscrit au nom de Mme Vosnakis Katina. En application du principe du droit de préemption, le locataire Katebe Katoto, en exécution d’une correspondance du même commissaire d’Etat, avait obtenu un certificat d’enregistrement Vol 197 Folio 114 du 11 février 1976. A l’époque, Moïse Katumbi n’avait que douze ans.

Par ailleurs, le plaignant Stoupis n’a jamais présenté des documents de sa filiation à Mme Vosnakis Katina et pire, après le décès de cette dernière, ses avocats, à savoir Me Ntoto Aley ainsi que la SONAS l’avaient informé qu’en 1976, l’Etat congolais, par le canal du commissaire d’Etat aux Affaires Foncières, avait pris un arrêté portant abandon de cette parcelle avant de procéder à l’annulation de son certificat d’enregistrement. Depuis lors, Stoupis n’a jamais attaqué Katebe Katoto devant les cours et tribunaux, étant informé du principe de prescription acquisitive en droit civil des biens, car datant de plus de 40 ans et que les juges du Tripaix de Kamalondo font semblant d’ignorer.

Si par hypothèse, Katumbi Moïse aurait conclu avec Mme Vosnakis Katina au nom de ses enfants mineurs en 2002 un acte de vente dudit immeuble querellé aujourd’hui, ces faits doivent être déclarés aujourd’hui prescrits conformément aux principes élémentaires du droit pénal, car le faux se prescrit en 3 ans.

Outre la violation des textes des lois, le Tripaix de Kamalondo fait de la résistance en refusant d’appliquer plusieurs décisions judiciaires rendues par des instances supérieures.

Tout d’abord, au lendemain de ce jugement rendu par défaut, Katumbi, par le canal de ses avocats, a déposé un acte d’opposition, car absent lors dudit procès. Ce, alors que toute la République avait suivi le départ de Moïse Katumbi aux soins en dehors du pays, avec l’autorisation expresse du Procureur Général de la République. Face à ces manœuvres du Tripaix de Kamalondo, les avocats de Moïse Katumbi ont déposé une requête de renvoi de juridiction pour le dessaisir de ce dossier. Le TGI de Lubumbashi a alors rendu un jugement de donner acte, mais contre toute attente, le Tripaix de Kamalondo y a réservé une fin de non recevoir, violant ainsi les articles 60 et 61 de l’Ordonnance- loi N° 13/ 011 du 11 avril 2013.

Entretemps, la Cour Suprême de Justice a déjà donné « acte » à Katebe et Katumbi de leur requête en renvoi de juridiction sous les références RR 33.08, 33.09 et 33.010. Mais hélas! Le Tripaix de Kamalondo vient de déclarer non avenu l’acte d’opposition formulé par l’ancien gouverneur du Katanga contre le jugement rendu par défaut. Une circulaire datée du 5 décembre 2005 sous la signature du PGR de l’époque, énonce que l’acte d’opposition suffit pour faire échec à l’exécution de l’arrestation immédiate.[14]

La lettre de la juge Chantale Ramazani Wazuri

Le 25 juillet, dans une lettre adressée au ministre congolais de la Justice, la présidente du Tribunal de paix de Lubumbashi, Chantale Ramazani Wazuri, assure avoir été contrainte de signer la condamnation de l’opposant Moïse Katumbi dans une affaire immobilière.

Dans cette lettre de cinq pages, Chantale Ramazani Wazuri affirme: «J’ai été obligée par Monsieur Kalev Mutond, administrateur général de l’ANR (Agence nationale de renseignement), la présidence de la république, le premier président de la Cour d’appel de Lubumbashi (mon chef hiérarchique et inspecteur de l’ANR, accompagné de douze éléments de la garde républicaine) et le procureur général près de la Cour d’appel de Lubumbashi, de condamner monsieur Moïse Katumbi Chapwe», en poursuivant: «Cette condamnation avait notamment pour objectif d’obtenir son inéligibilité en cas de présentation de sa candidature à la présidence de la république».

Chantale Ramazani Wazuri affirme avoir été «menacée d’arrestation immédiate […] avec une peine annoncée de dix ans de servitude pénale ferme». Dans son argumentaire, elle affirme qu’elle n’aurait pas rendu la même condamnation en son âme et conscience, considérant notamment que «les faits pour lesquels Moïse Katumbi Chapwe est poursuivi sont prescrits il y a plus de dix ans; la  prescription légale étant de trois ans tant pour l’infraction de faux en écriture que pour celle de l’usage du faux».

Chantale Ramazani Wazuri fait ensuite état de toute une série d’irrégularités dans la procédure. Un dossier jamais examiné juridiquement, un prononcé rendu en moins de 24 heures, ou encore des faits prescrits depuis plus de 10 ans. En conclusion, la juge sollicite l’annulation dudit jugement.

De son côté, l’ANR assure dans un communiqué que l’administrateur général, Kalev Mutond, directement mis en cause, n’a jamais eu de contacts avec la juge. L’Agence met en doute l’authenticité du document, en dénonçant une véritable hérésie juridique et une machination politicienne, pour dédouaner le candidat Moise Katumbi et demande à la justice qu’une enquête soit ouverte.

Quant à Chantale Ramazani Wazuri, selon des personnes l’ayant «côtoyée ces derniers jours», elle «se cache», car «elle sait que les autorités la recherchent».[15]

Le 3 août, deux greffiers du tribunal de paix de Kamalondo-Lubumbashi ont fui en emportant avec eux le dossier judiciaire relatif au procès condamnant à trois ans de prison ferme l’opposant Moïse Katumbi pour une affaire de spoliation immobilière. Un responsable du tribunal a révélé qu’on a arraché aussi deux feuilles du registre du parquet où figurait le dossier de l’opposant. Selon des agents du tribunal de Lubumbashi, la disparition du dossier physique de Moïse Katumbi au greffe peut avoir « un impact politique », mais elle n’annule pas sa condamnation.

Selon des sources concordantes, sept greffiers du Tribunal de paix de Lubumbashi-Kamalondo ont été arrêtés et interpellés. Ils sont accusés de complicité dans le vol du dossier judiciaire de l’opposant Moise Katumbi et de destruction méchante du registre du parquet dans lequel deux pages ont été arrachées. Les sept agents du tribunal de paix de Lubumbashi/Kamalondo, sont en « arrestation provisoire pour raison d’enquête », a déclaré Paulin Ilunga Ntanda, président de la Cour d’appel de Lubumbashi dont dépend le tribunal de Kamalondo. Trois de ces sept greffiers arrêtés ont été relâchés tard la nuit. Les autres sont encore détenus au cachot du parquet de grande instance.[16]

Le 4 août, dans un communiqué, la Cour d’appel de Lubumbashi, dont dépend le tribunal de Kamalondo, a émis des doutes sur l’authenticité de la lettre attribuée à Mme Ramazani. La Cour affirme avoir reçu ce courrier le 2 août seulement et qu’il avait été expédié à partir du Congo Brazzaville. Le premier président de la Cour d’appel de Lubumbashi fait par ailleurs état dans ce communiqué d’un «réseau qui s’active à faire disparaitre tous les dossiers pénaux qui concernent [Moise Katumbi] avec le concours de certains agents de l’ordre judiciaire auxquels l’on promet un asile extérieur paisible». Mais une frange de l’opinion soupçonne le pouvoir de se livrer à des montages pour décrédibiliser les dénonciations de la juge Ramazani.[17]

b. Dossier « recrutement de mercenaires »

La plainte de Darryl Lewis

Le 29 juillet, Darryl Lewis, citoyen américain et ancien conseiller en sécurité de  Moïse Katumbi, a

porté plainte pour « torture », devant la justice américaine, contre le chef de l’Agence nationale de renseignement (ANR), Kalev Mutond, et le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba.

Ancien militaire américain reconverti dans la sécurité privée, il avait été recruté comme conseiller en sécurité de l’entreprise Jones Group International (JGI) par l’opposant Moïse Katumbi.

Darryl Lewis avait été arrêté le 24 avril à Lubumbashi et accusé par le ministre congolais de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, d’être un mercenaire, accusation qu’il a toujours niée. Il a été détenu en RD Congo pendant plus d’un mois avant d’être relâché et de regagner les États-Unis.

Le jour de son arrestation, après l’avoir conduit dans une prison de Lubumbashi, les membres de l’ANR ont interrogé M. Lewis pendant trois heures, tout en lui infligeant une douleur psychique et physique extrême, en le frappant et en lui tirant ses mains menottées derrière son dos, afin d’exercer une pression extrême sur ses articulations autour des épaules, tout en le poussant au niveau de la tête. L’objet de l’interrogatoire était d’obtenir de faux aveux incriminant M. Lewis comme un soldat, mercenaire américain.

Transféré à Kinshasa, au cours d’une détention qui a duré six semaines, M. Lewis a été interrogé quotidiennement par les membres de l’ANR pendant environ 16 heures par jour.

Les interrogatoires étaient programmés pour perturber son sommeil et lui causer de graves privations de sommeil. M. Lewis était nourri d’un repas toutes les 24 heures, et alimenté à intervalles irréguliers et imprévisibles. Les repas étaient très limités et insuffisants. Par ces moyens, les membres de l’ANR ont affamé M. Lewis tout en l’interrogeant. En dépit des demandes quotidiennes de M. Lewis pour des objets de toilette de base comme le savon, on lui refusa le nécessaire pour une hygiène de base.

Malgré des demandes quotidiennes de M. Lewis de contacter son employeur et sa famille, mais également pour contacter un avocat, tout contact avec le monde extérieur pendant deux semaines fut rejeté, jusqu’à ce que des fonctionnaires de l’Ambassade des États-Unis furent autorisés à une visite supervisée.

Les membres de l’ANR ont également mis un de leur membre dans la cellule de M. Lewis, pour tenter d’extraire une fausse confession de sa part comme quoi il était un mercenaire américain.

Les membres de l’ANR ont utilisé les informations qu’ils ont obtenu au sujet de la mort du frère de M. Lewis, et de la maladie de sa mère, alors qu’il était en captivité, pour lui causer une détresse psychologique et ainsi tenter de forcer un faux témoignage de sa part.

Lors d’une conférence de presse le 4 mai 2016, le Ministre Tambwe a accusé M. Lewis d’être un mercenaire, envoyé pour assassiner le Président Kabila. Il a montré comme preuves des photos de Darryl Lewis, portant une mitrailleuse. M. Lewis a servi aux États-Unis il y a plusieurs années comme militaire, et la photo était apparemment un vieux cliché, prélevé sur un compte internet.

Le ministre Tambwe a affirmé que 600 citoyens Américains, la plupart des hommes et des ex-soldats, étaient entrés dans la RDC depuis Octobre 2015, y compris M. Lewis, et M. Tambwe a faussement insinué que ces personnes, y compris M. Lewis, faisaient partis d’un supposé complot orchestré par M. Katumbi afin de déstabiliser la RDC. Il a également déclaré que d’autres anciens combattants des États-Unis étaient restés dans des résidences appartenant à M. Katumbi «pour des raisons que l’enquête permettra de clarifier».

Les moyens dont le ministre Tambwe se servait pour «clarifier» ce faux récit concernant les anciens militaires américains infiltrant la RDC pour renverser le gouvernement comprenait d’agir conjointement avec le défendeur Kalev et l’ANR dans la détention et la torture de M. Lewis, afin d’obtenir de faux aveux. C’est ainsi que M. Lewis a été détenu pendant six semaines par le défendeur Kalev et ses subordonnés, afin de confirmer l’«enquête» du défendeur Tambwe pour «clarifier» des mensonges. Après d’importants efforts diplomatiques et de négociation, M. Lewis a été libéré et expulsé  le 8 juin 2016.[18]

c. Une tentative de retour au pays

Le 31 juillet, Moïse Katumbi n’a pas assisté au meeting de l’opposition, alors qu’il avait prévu d’arriver le matin même par jet privé à Kinshasa. Il a affirmé que le gouvernement lui avait interdit l’accès au territoire congolais. Une version catégoriquement démentie par le gouvernement, qui précise que l’avion de Moïse Katumbi n’avait pas été autorisé à survoler puis atterrir en RDC pour des raisons techniques, et non politiques.

«Le régime a empêché mon retour, en ne donnant pas à mon avion l’autorisation de survol et d’atterrissage. Je dénonce une nouvelle fois cette entrave illégale, qui reflète l’état des libertés individuelles dans notre pays», a aussitôt affirmé Moïse Katumbi dans un communiqué.

«Mensonge», a aussitôt rétorqué le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mendé. «Personne n’a bloqué son avion, au contraire», a-t-il déclaré à la presse. Il a ajouté que la justice congolaise le recherchait et qu’il n’y avait donc aucune raison de lui interdire de revenir au pays. Ce jour-là, a rappelé le ministre, Moïse Katumbi sera d’ailleurs «mis à la disposition de qui voudrait l’entendre». Le même jour, dans un communiqué, le ministre congolais des Transports Justin Kalumba a apporté une précision: le gouvernement n’a pas interdit le retour de l’opposant, c’est l’Aviation civile qui n’a pas été en mesure de délivrer l’autorisation de survol et d’atterrissage de son avion, faute d’avoir obtenu de l’opposant les « éléments administratifs » complémentaires qu’elle lui avait pourtant demandé.[19]

Dans un communiqué de presse, Moïse Katumbi a rendu hommage à la population congolaise pour sa mobilisation exceptionnelle au meeting du « Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement », le dimanche 31 juillet 2016, pour réclamer le respect de la Constitution, exiger la première alternance démocratique au pays et dire non aux dérives totalitaires du pouvoir en place. Il a insisté sur les trois messages délivrés par son chef de file, Etienne Tshisekedi, dans son meeting, à savoir:

– le préavis de trois mois accordé au président Kabila (19 septembre – 19 décembre 2016);

– le dialogue politique conformément à la Résolution 2277;

– l’appel au peuple congolais, seul détenteur du pouvoir, à se prendre en charge.

Il a enfin déploré l’acharnement politico-judiciaire du pouvoir en place sur sa personne.

«Le pouvoir me menace d’arrestation pour un crime que je n’ai pas commis, pour lequel j’ai été condamné par une justice instrumentalisée», a-t-il déclaré, avant d’ajouter que, «loin de l’affaiblir, ces basses manœuvres le renforcent dans son combat pacifique pour l’instauration d’un Etat de droit en RDC». Moïse Katumbi a souligné que «la mobilisation historique du 31 juillet 2016 fait garder l’espoir de voir bientôt une RDCongo meilleure, plus juste et plus démocratique».[20]

Depuis son départ du PPRD (le parti du président Joseph Kabila) en septembre 2015, passé de la majorité à l’opposition avant de se déclarer candidat à la prochaine présidentielle, Moïse Katumbi est devenu l’homme à abattre. Harcelé par la justice, accusé d’abord d’avoir recruté des mercenaires et puis condamné à trois ans de prison dans une obscure affaire immobilière, il a pourtant été autorisé à quitter le Congo pour se faire soigner à l’étranger après une mystérieuse «tentative d’empoisonnement». Un exil médical qui aura le double avantage d’éviter à Katumbi la prison et au pouvoir de se débarrasser d’un adversaire politique.

Pour ne pas compromettre son dessein politique, cet exil forcé ne doit pas s’éterniser. Eloigné du terrain, le candidat à la présidentielle risquerait de se marginaliser de la scène politique congolaise. C’est pour cela qu’il avait promis de revenir au pays lors du retour de Étienne Tshisekedi et du grand meeting qui devait suivre. Avec un risque majeur: celui de se retrouver derrière les barreaux de la prison de Makala. Le ministre de la justice congolais, Alexis Thambwe Mwamba, avait d’ailleurs confirmé que l’ancien gouverneur serait interpelé dès sa descente d’avion pour purger sa peine. L’impossibilité de regagner Kinshasa le 31 juillet semble avoir éloigné ce risque.

Comme lorsque les autorités congolaises ont autorisé Moïse Katumbi à quitter le sol congolais pour se faire soigner alors qu’il était accusé de «haute trahison» dans l’affaire des mercenaires, ce refus d’autorisation d’atterrir arrange tout le monde. Pour Moïse Katumbi, ce refus lui permet de ne pas être accusé d’avoir peur de retourner en RDC au risque de se retrouver en prison. Quant au pouvoir en place à Kinshasa, il continue de maintenir à distance un concurrent politique gênant.[21] [Par le Réseau Paix pour le Congo] [1] Texte complet du rapport: http://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2016/08/GEC-Elections-RDC.pdf

[2] Cf Radio Okapi, 22.07.’16

[3] Cf Lucien Kazadi T. – La Tempête des Tropiques – Kinshasa, 02.08.’16 ; AFP – Africa News, 01.08.’16;

AFP – Voix de l’Amérique, 31.07.’16; Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 28.07.’16

[4] Cf Radio Okapi, 05.08.’16

[5] Cf Radio Okapi, 05.08.’16

[6] Texte complet de la déclaration: http://www.jeuneafrique.com/348087/politique/rd-congo-katumbi-denonce-plan-anticonstitutionnel-camp-kabila/

[7] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 11.08.’16

[8] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 12.08.’16

[9] Cf Radio Okapi, 12.08.’16

[10] Cf RFI, 14.08.’16

[11] Cf Le Potentiel – 7sur7.cd –  Kinshasa, 15.08.’16

[12] Cf RFI, 25.07.’16

[13] Cf RFI, 25.07.’16

[14] Cf Le Phare – Kinshasa, 27.07.’16

[15] Cf Jeune Afrique, 27.07.’16  http://www.jeuneafrique.com/344986/politique/rd-congo-juge-de-lubumbashi-affirme-subi-pressions-faire-condamner-katumbi/ et Lettre de la présidente du Tribunal de paix de Lubumbashi

RFI, 28.07.’16

[16] Cf BBC – Afrique, 03.08.’16; Radio Okapi, 04.08.’16

[17] Cf Radio Okapi, 04.08.’16

[18] Cf Pierre Boisselet – Jeune Afrique, 02.08.’16  http://www.jeuneafrique.com/346286/politique/kalev-mutond-alexis-thambwe-mwamba-poursuivis-torture-aux-etats-unis/

Cliquer pour accéder à 319983694-Lewis-Complaint-Version-en-francais-docx.pdf

[19] Cf RFI, 03.08.’16

[20] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasa, 02.08.’16;

Texte complet du communiqué: Politico.cd, 31.07.’16  http://www.politico.cd/actualite/la-une/2016/07/31/moise-katumbi-le-regime-a-refuse-de-donner-a-mon-avion-lautorisation-de-survol-et-datterrissage.html

[21] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 02.08.’16

A lire aussi

Les oubliés : Chronique des Héros de Wenge Musica

C’est le nom de cette chronique qui retrace dans les moindres détails les noms et …

Laisser un commentaire