La procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a requis mercredi 18 mai « au minimum 25 ans » de prison contre Jean-Pierre Bemba. Le riche homme d’affaires congolais devenu chef de guerre puis vice-président de RDC (juillet 2003 à décembre 2006) a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis par sa milice en Centrafrique en 2002 et 2003.
« Une telle condamnation serait proportionnelle à la gravité des crimes commis par M. Bemba et à son degré de culpabilité », a dit Fatou Bensouda au terme de trois jours d’audience sur le sujet. Si les juges écoutent le procureur, il s’agira de la peine la plus importante jamais décidée par la CPI. La défense, elle, demande entre 12 et 14 ans de détention. La sentence ne devrait pas être connue avant plusieurs semaines.
Chef de guerre congolais, crimes en Centrafrique
Les soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, envoyés en Centrafrique pour soutenir le président Ange-Félix Patassé contre les rebelles du général François Bozizé, ont commis des viols, des meurtres, et des pillages. Ce que l’accusé n’a pas nié durant son procès qui s’est étiré de 2010 à 2014.
Toutefois, Jean-Pierre Bemba a affirmé que ses troupes, une fois arrivées en Centrafrique, n’étaient plus sous son commandement, mais aux ordres des forces armées centrafricaines. Un argument que n’a pas retenu la Cour.
Le 21 mars, au terme d’un procès ouvert en novembre 2010, la CPI avait reconnu l’ancien chef rebelle du nord de la République démocratique du Congo coupable de cinq crimes de guerre et crimes contre l’humanité, en vertu du principe de la « responsabilité du commandant ».
Ce jugement était également le premier de la Cour à avoir condamné le recours au viol comme un crime de guerre.
« Homme de paix », selon ses avocats
Selon l’accusation, il existe deux grandes circonstances aggravantes qui doivent être prises en considération : les crimes ont été commis contre des « victimes particulièrement vulnérables » et avec « une cruauté toute particulière », a déclaré Jean-Jacques Badibanga, un représentant du bureau du procureur.
« M. Bemba n’a pas participé à ces crimes, il n’était même pas dans le même pays, a dit l’avocat de la défense, Peter Haynes. Sa culpabilité vient du fait qu’il n’a pas réussi à contrôler une petite partie de ses troupes à des milliers de kilomètres ».
Lors du procès, M. Haynes avait argué que M. Bemba n’avait émis aucun ordre envers ses troupes en Centrafrique mais les juges ont estimé que l’ancien vice-président, alors en brousse dans le nord-ouest de la RDC, était bel et bien « en contact constant » par téléphone, radio ou téléphone satellite.
La défense a présenté mercredi M. Bemba comme un homme de paix, devenu pour beaucoup un « croque-mitaine ». Et d’ajouter : « cette image est aussi éloignée de la réalité que l’était l’homme des événements pour lesquels nous sommes ici aujourd’hui ».
Minimisant la possibilité d’un retour en politique de M. Bemba – candidat malheureux à la présidentielle de 2006 –, Peter Haynes a demandé aux juges de prendre en compte différentes circonstances atténuantes, comme le fait que son client ait déjà passé huit ans en détention ou que ses enfants aient grandi sans leur père.
Jean-Pierre Bemba, dont le procès a été entaché d’accusations de subornation de témoins, a écouté les arguments des uns et des autres de manière impassible, avachi sur sa chaise. Devenu le deuxième plus gros parti d’opposition à l’Assemblée nationale congolaise, le MLC a dénoncé une justice « sélective et discriminatoire ». « Il ne s’agit que du réquisitoire du procureur », a réagi la secrétaire du MLC, Eve Bazaïba.
Depuis sa fondation, la CPI a condamné deux personnes à 14 et 12 ans de détention pour enrôlement d’enfants soldats et complicité dans l’attaque d’un village, respectivement.
[avec LeMonde.fr, Afp]