samedi , 7 novembre 2020
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RDC : Vers une propagation accélérée du choléra à Kinshasa

Le ministre de la Santé publique, Oly Ilunga, redoute que l’épidémie du choléra qui frappe actuellement la ville province de Kinshasa ne puisse prendre des proportions inquiétantes dans les prochains jours suite aux inondations qui ont endeuillé la capitale congolaise les 3 et 4 janvier en cours. Conscient du danger qui guette la population kinoise après ces débordements d’eaux qui ont causé 44 morts, le patron de la Santé publique annonce une série de mesures préventives que le Gouvernement congolais est appelé à prendre afin de lutter contre la propagation de cette épidémie déclaré dans la capitale congolaise depuis décembre 2017.

« Le choléra est une maladie qui est liée à l’eau. Dans une situation d’inondation comme celle qui a frappé dernièrement la ville de Kinshasa, le risque de propagation est élevé. Le Gouvernement congolais ne peut pas rester indifférent face à cette situation. C’est la raison pour laquelle des mesures urgentes vont être prises afin d’empêcher la propagation de cette epidemie », a déclaré le ministre de la Santé à la Radio Okapi.

« Les 35 zones de santé que compte la ville de Kinshasa sont actuellement en état d’alerte. Une réunion urgente est prévue, à cet effet, avec les équipes cadres des zones de santé concernées afin d’avoir un briefing complet. Les organes de surveillance sont ainsi appelés à être très actifs. Une commission interministérielle vient en même temps d’être instituée pour réparer et faire la prévention », affirmé le ministre Oly Ilunga.

A l’en croire, son ministère est actuellement en train de travailler en synergie avec le ministère de l’Energie pour restaurer l’approvisionnement en eau potable dans des zones à risque. Il rassure, par ailleurs, que les travaux de drainage entamés après ces inondations vont se poursuivre jusqu’à à son aboutissement final.

NEUF ZONES DE SANTE TOUCHEES

Le coordonnateur national du Programme national de lutte contre le choléra, Didier Bompange, a indiqué que neuf zones de santé sur les trente-cinq que compte la capitale congolaise sont actuellement touchées par l’épidémie du cholera. Ce, avant de saluer les mesures prises jusque-là par le Gouvernement de la république, à travers les responsables du ministère de la Santé publique.

« Nous avons organisé les centres de prise en charge qui sont en train de fonctionner au quartier Camp Luka dans la commune de Kintambo. On a réquisitionné du personnel expérimenté à travers la ville. Tous les médicaments ont été mis en place pour améliorer l’accès gratuit aux soins. Un système d’ambulance a été mis en place par les autorités de la division provinciale de santé appuyée par le cabinet du ministre de la Santé afin d’être disponibles 24h sur 24 », ajoute M. Bompange.

DES RÈGLES D’HYGIÈNE À OBSERVER POUR ÉVITER LE CHOLÉRA

Pour couper complètement la chaine de transmission de cette épidémie dans la ville province de Kinshasa, le Programme national d’élimination du choléra et de lutte contre les autres maladies diarrhéiques (PNECHOL-MD) invite la population congolaise à observer un certain nombre de règles d’hygiène.

Il lui recommande notamment de boire uniquement de l’eau traitée ou bouillie à 45 degré, de se laver régulièrement les mains avec du savon ou à défaut, avec de la cendre, après avoir été aux toilettes, changé la couche au bébé, serré la main à une personne, avant de manger, d’allaiter le bébé et de cuisiner.

« Soyez sûrs d’avoir lavé vos mains avant de les amener dans la bouche ou même avant de toucher vos lèvres. Éviter de manger les aliments non couverts et peu cuits, de déféquer à l’air libre et de laisser ouvertes les fosses septiques », conseille un message conjoint de ces organes du ministère de la Santé.

[Orly-Darel NGIAMBUKULU] =//

ECLAIRCISSENT DE DIDIER BOMPANGUE, PROFESSEUR D’UNIVERSITÉ ET COORDONNATEUR DU PROGRAMME NATIONAL D’ÉLIMINATION DU CHOLÉRA

1. Le nombre de décès enregistrés a baissé enfin d’année et en même temps les autorités ont annoncé une nouvelle épidémie de choléra à Kinshasa. Est-ce que le choléra progresse encore ou est-ce qu’on commence à voir le bout de l’épidémie ?

Si l’on considère le nombre absolu des cas rapportés chaque semaine, on est dans une phase descendante, en continu, depuis bientôt trois semaines, ce qui est une très bonne nouvelle.

Cependant, sur le plan géographique, effectivement on continue à observer de nouveaux foyers, comme celui de Kinshasa actuellement qui a la particularité de survenir dans une zone densément peuplée. On est à des densités de plus de 3 000 habitants au kilomètre carré.

C’est un sujet d’inquiétude mais nous étions quand même assez préparés à cette extension et on espère donc, très rapidement pouvoir mettre en place toute la machine pour éviter une explosion épidémique qui nous fasse perdre le bénéfice de ce que l’on a observé, depuis bientôt trois semaines.

2. Cela fait combien de temps que le Congo n’a pas connu une épidémie de choléra de cette ampleur ?

Pour retrouver une épidémie d’une telle ampleur, il faut retourner à 1994, avec l’afflux des réfugiés venus du Rwanda, après le génocide dans ce pays.

3. Mais à l’époque, Kinshasa, la capitale, n’avait pas été touchée ?

L’épidémie n’est pas arrivée à Kinshasa directement en 1994. En revanche, en 1997, lorsque nous avons eu le déplacement des réfugiés de l’est vers l’ouest, là, nous avons eu une progression de cette épidémie également à Kinshasa et ce, jusqu’au début des années 2000. Elle a pu alors être maîtrisée principalement avec la mise en place d’actions lourdes, comme les grands curages des égouts de Kinshasa.

4. Mais comment expliquer une telle propagation ? Qu’est-ce qui a changé ? Est-ce que la bactérie est plus agressive cette année ? Est-ce que la RDC était moins bien préparée ?

Cette épidémie est la conséquence d’une longue épidémie qui est partie de la fin des années 2015 et qui a été insuffisamment gérée. On a laissé trainer des foyers majeurs qui n’étaient pas des foyers traditionnels d’épidémie de choléra connus.

Un des exemples, c’est le foyer de Kimpese dans le Congo central. De mémoire, je ne me souviens pas avoir connu une épidémie de longue durée dans cette zone. Le fait de ne pas être arrivés à ramener la situation à zéro cas, cela a permis le maintien des foyers, tout proches des grandes villes.

Pour exemple, les tout premiers cas de Kinshasa proviennent de ce foyer de Kimpese. Par conséquent, s’ils avaient été correctement gérés en 2016 car il y a eu quand même suffisamment de moyens mis à disposition des acteurs, nous n’en serions pas là, aujourd’hui.

La deuxième raison, c’est la fragilité accélérée de tout le dispositif social. L’exemple le plus frappant, c’est la flambée des épidémies de choléra dans les provinces du Kasaï. Pour commencer, c’est une zone où les indicateurs, en termes d’accès à l’eau potable et d’accès aux latrines, sont les moins bons. Quand on associe cela à tout le conflit que venait de connaître cette province, on a une potentialisation de tous les facteurs qui prédisposent à une épidémie de grande ampleur.

Enfin, d’une manière générale, plusieurs villes aujourd’hui sont confrontées à une problématique de surpopulation, avec des populations qui habitent de plus en plus dans des zones non prévues pour être des zones à urbaniser. Or, toute cette urbanisation anarchique fait que ça augmente les risques d’explosion épidémique en cas d’introduction de la bactérie, dans ces régions-là.

5. L’année 2017 est aussi une année où le nombre de déplacés internes au Congo a explosé. Est-ce que c’est une des explications ?

Effectivement, c’est une des explications. Le problème c’est que certaines zones de persistance de situations conflictuelles entrainant des mouvements de population se trouvent être également des zones fréquemment touchées par des épidémies de choléra. Donc, nous avons des déplacements de populations qui se trouvent quelquefois en période d’incubation, ce qui fait que la maladie se déplace des zones infectées vers des zones saines, déplaçant ainsi l’épidémie.

L’autre facteur, c’est que des populations arrivant dans une zone où on a des épidémies latentes, eh bien ces populations, sans moyens d’accueil, se retrouvent un peu plongées comme dans un feu qui ne peut que se rallumer à nouveau. Du coup, nous avons des résurgences d’épidémie qui s’éteignent
et des apparitions d’épidémie dans les zones qui, auparavant, étaient indemnes d’épidémie.

[TIRÉES DE RFI]

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