samedi , 7 novembre 2020
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Malewa : Les restaurants de fortune de Kinshasa

A Kinshasa, les restaurants de fortune sont devenus omniprésents. En ville comme à la cité, ces gargotes connues sous l’expression ’’malewa’’ attirent de nombreux Kinois par leurs plats au coût accessible à toutes les bourses. Implantés toutefois dans un environnement insalubre, ces restaurants exposent la clientèle aux maladies de tout genre… mais les habitués s’en foutent. Reportage.

Nous sommes au marché Kapela, le lieu des négoces de référence du quartier Yolo Sud, dans la commune de Kalamu. A midi, heure de pointe, l’engouement est au rendez-vous devant les restaurants de fortune qui opèrent par dizaine dans ce marché. En face du moulin, derrière les étalages ou tout le long des artères des quartiers de Kalamu, les tenancières des ’’malewa’’ offrent des repas variés et tout chauds à une clientèle qui se recrute essentiellement parmi les marchands.

Sur des affiches en cartons ou en papier duplicataire, on peut facilement lire le menu gravé à la main. Il s’agit particulièrement des plats aux dénominations purement congolaises : ’’mpiodi’’ ou ’’la mer’’ (chincard), soso (poulet), pondu (feuilles de manioc), bitekuteku (amarantes), ngai-ngai (oseilles), madesu (haricots),’’dongo-dongo’’ (gombo), mayebo (champignons), fumbwa, misili (fougères), loso (riz), fufu (pâte de manioc), kwanga (chikwange)…

DES REPAS SERVIS A LA VA-VITE

Une fois à l’intérieur d’une gargote, le client est convié à s’asseoir sur une des quatre chaises en plastique dans une superficie de 9 m2. Il y fait sombre et chaud. Seuls quelques rayons de soleil arrivent à éclairer ces petits restaurants couverts de vieilles tôles, car on n’y trouve aucune lampe ni tube.

Le temps de faire la commande et le repas est vite servi. Le consommateur n’a pas besoin de luxe ni de précautions d’hygiène pour être servi. Déposé sur une vieille table en plastique, dépourvue de nappe, le plat est servi sur des assiettes en fer, lavé à la va-vite avec de l’eau déjà usée. Même les couverts n’ont pas besoin d’hygiène stricte. Les verres, eux, sont inexistants. A la place, les consommateurs se contentent de gobelets en plastique. Comme les clients mangent souvent à la main, il leur suffit juste d’un sachet d’eau pour se laver avant et après le repas.

Pas non plus question de trainer sur la table. Car, d’autres clients, rangés à la queue leu-leu, attendent aussi leur tour pour être servis. Et une fois la table libérée, les tenancières du ’’malewa’’ s’activent à frotter rapidement assiettes, gobelets et couverts, avec un peu du savon, avant de les tremper dans une casserole contenant de l’eau usée, et servir aussitôt les nouveaux venus.

DES PLATS AUX PRIX ACCESSIBLES

« Je suis meunier au marché de Kapela. Par jour, je ne gagne pas plus de 5000Fc. Or ici, un plat de riz aux haricots ne coûte pas plus de 2.500Fc. C’est pourquoi je préfère manger dans un malewa. Car, s’il fallait commander un plat dans un restaurant de haute classe, cela me coûterait plus cher », nous explique Jean-Pierre G.

La présence des ’’malewa’’ facilite la tâche à plusieurs personnes qui s’adonnent aux métiers informels. Des hommes tout comme des femmes. Ils n’ont donc pas à aller loin pour se ravitailler à moindres frais.

« Ce qui pose toutefois problème, c’est le degré d’insalubrité. Souvent, les clients font face à des nourritures détériorées et revendues. Par ailleurs, la nourriture est mal couverte et exposée aux mouches. En plus, les tenancières ne prennent pas toutes les précautions nécessaires pour bien laver couverts, assiettes et gobelets. Nous sommes donc exposer à des maladies de mains sales, telles que le choléra, la fièvre typhoïde… », lâche une étudiante d’une université confessionnelle de la place.

« LES NOIRS NE MEURENT PAS DE MICROBES »

Conscients du danger qu’ils courent, nombre de consommateurs sont devenus prudents, voire regardants quant aux conditions d’hygiène. Mais, les habitués se montrent plutôt récalcitrants. « Je dirai que c’est tous les jours que je viens manger ici avant de rentrer chez moi. En aucun jour, je n’ai souffert de la typhoïde. Au contraire ! Cela me permet de ne pas dormir affamé », nous souffle avec un brin d’humour Paul H., un client rencontré sur le lieu. De toutes les façons, lâche-t-il, « moto moyindo akufaka na microbe te ». Autrement dit : « L’homme noir ne meurt jamais de microbes ».

Quelles que soient les opinions des personnes qui fréquentent le ’’malewa’’, il n’en demeure pas moins vrai que les faibles précautions d’hygiène exposent la santé des Kinois. Ce, d’autant que ces restaurants sont installés en plein air, dans des zones où piétons et conducteurs se bousculent, laissant les différents mets à la merci de la poussière, des eaux stagnantes et des odeurs nauséabondes. L’autorité publique est appelée à intervenir avant qu’il ne soit trop tard.

[Tania Mubuadi Burkala, sous la coordination de Yves KALIKAT]

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