samedi , 7 novembre 2020
Accueil / Élections / Dialogue : les clauses compromettantes de l’accord politique conclu en RDC
Signature de l'accord du dialogue de "Joseph KABILA"

Dialogue : les clauses compromettantes de l’accord politique conclu en RDC

Le chapitre VII de l’accord portant sur le « le budget et le financement des élections » contient des incongruités. Il soulève des questions de tous genres. L’on est donc en droit de se demander comment le gouvernement va faire jusqu’en avril 2018 ce qu’il n’a pas réalisé depuis 2011 ; année de l’ouverture de l’actuelle législature. Dans le chapitre 11 de l’accord, « les Parties prenantes recommandent à la CENI de produire un budget rationnel pour l’ensemble des opérations électorales conformément à l’option levée et assorti d’un plan de mise en œuvre opérationnel crédible et réaliste ». Or, depuis 2011 jusqu’à ce jour, la Céni a reçu moins de 20% des crédits lui assignés dans le budget de l’Etat. Qu’est-ce qui prouve que le gouvernement de transition va inverser cette tendance avant avril 2018 ? Pire, la programmation a été adoptée dans le fameux accord sans que l’on sache exactement ce qu’il faut engager comme dépense. L’article 14 de l’accord le prouve à suffisance.

Le dialogue de la cité de l’UA s’est conclu mardi par l’adoption d’un accord politique qui prévoit  le premier cycle de scrutins en avril 2018, avec l’organisation combinée de la présidentielle et des législatives nationales et provinciales. Mais puisque aucune indication n’est faite sur le budget détaillé de tous ces scrutins, non seulement la tenue d’élections devient une gageure mais aussi la mise à nu d’un mensonge d’Etat.

Dans l’accord politique conclu, le mardi 18 octobre 2016, à la cité de l’Union africaine, les 300 délégués au Dialogue ont convenu de mettre la Céni (Commission électorale nationale indépendante) dans les conditions d’organiser les élections en avril 2018. Le premier cycle prévoit en couplage la présidentielle, les législatives nationales et provinciales. Au Dialogue, les participants ont fait exprès d’occulter ce pari. Ils n’ont pas intégré la communauté internationale dans leur schéma. Seul le gouvernement est rendu financièrement responsable de l’organisation des élections. Ce que craignent les spécialistes des chiffres qui estiment que, dans la configuration actuelle du budget de l’Etat, les élections telles que définies dans l’accord de la cité de l’UA ne pourront pas être tenues avant trois ans, c’est-à-dire  pas avant 2019.

Décryptage

Que dire ? Soit les délégués au Dialogue ont minimisé l’impact financier du couplage de la présidentielle et de deux législatives. Soit – et c’est l’argument le plus plausible – ils se sont volontairement tus sur la question du financement du cycle électoral, pensant s’en servir le moment opportun pour justifier un probable report des élections. En clair, les délégués au Dialogue ont menti à l’ensemble du peuple congolais. Ils ont adopté un cycle électoral difficilement tenable. C’est un cycle infernal qui impose, tôt ou tard, le report des élections au-delà de l’échéance d’avril 2018.

Olivier Kamitatu, l’un des membres du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, a perçu ce piège. « Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que d’ici 2018, des cas de légitime défense « fabriqués » vont justifier de nouveaux reports ! », écrit-il dans son compte twitter. Ils seront essentiellement d’ordre financier, prédit-on déjà.

Quelle est, dès lors, la voie de sortie pour éviter un nouvel enlisement du cycle électoral ? La voie idéale est celle que ne cesse de prôner la communauté internationale, c’est-à-dire privilégier la présidentielle avant d’aborder d’autres scrutins, notamment les législatives nationales et provinciales. Ce n’est donc pas pour rien que l’Union européenne et les Etats-Unis soutiennent mordicus que la présidentielle en 2017 est « techniquement possible » – quelles que soient les formes de contraintes techniques que soulève la Céni.

Or, à la cité de l’UA, les 300 délégués au Dialogue ont imposé un défi difficile à relever pour le gouvernement. Comme les 12 travaux d’Hercule, les 12 chapitres de l’accord politique le sont autant pour le gouvernement qui sortira du dialogue. Le relever, sans un appui conséquent de la communauté internationale, reste un défi majeur. Dès l’instant où la communauté internationale a choisi son camp, à savoir privilégier la présidentielle pour régler définitivement la question de l’alternance démocratique, on voit très mal la RDC relever seule le grand défi de démarrer le cycle électoral en avril 2018.

Pour raison d’équité et de bon sens, les délégués au Dialogue sont tenus de dire la vérité au peuple. Comme nombre d’observateurs, ils savent que le délai de transition fixé dans l’accord est flottant. Il ne tiendra qu’à un fil, c’est-à-dire un doute bien fondé repose sur la capacité du gouvernement à réunir les moyens financiers et logistiques nécessaires pour financer l’ensemble du cycle électoral.

Des clauses compromettantes

Le chapitre VII de l’accord portant sur le « le budget et le financement des élections » (voir encadré) contient des incongruités. Il soulève des questions de tous genres. L’on est donc en droit de se demander comment le gouvernement va faire jusqu’en avril 2018 ce qu’il n’a pas réalisé depuis 2011 ; année de l’ouverture de l’actuelle législature.

Dans le chapitre 11 de l’accord, « les Parties prenantes recommandent à la CENI de produire un budget rationnel pour l’ensemble des opérations électorales conformément à l’option levée et assorti d’un plan de mise en œuvre opérationnel crédible et réaliste ». Or, depuis 2011 jusqu’à ce jour, la Céni a reçu moins de 20% des crédits lui assignés dans le budget de l’Etat. Qu’est-ce qui prouve que le gouvernement de transition va inverser cette tendance avant avril 2018 ?

Pire, la programmation a été adoptée dans le fameux accord sans que l’on sache exactement ce qu’il faut engager comme dépense. L’article 14 de l’accord le prouve à suffisance. « Dans les vingt (20) jours qui suivent la signature du présent Accord, la CENI prépare un budget détaillé pour l’ensemble du processus électoral et le soumet au Gouvernement ». Par simple arithmétique, il ne reste plus, à dater d’aujourd’hui, que 17 jours à la Céni pour présenter au gouvernement le budget détaillé du cycle électoral convenu dans l’accord.

Sera-t-il chiffré en millions ou en milliards de dollars américains ? A ce jour, ni la Céni ni les 300 délégués, encore moins le gouvernement, ne saurait répondre à cette question. Tel que conçu dans l’accord politique de la cité de l’UA, le processus électoral est un saut dans le vide. Il a été le cadet des soucis des participants au Dialogue.

Contrairement à tout ce qui a été vendu dans l’opinion au sujet de l’organisation des élections, le dialogue a mis la charrue avant les bœufs. La programmation du cycle électoral n’a pas pris en compte la contrainte financière. Le sujet a été postposé, c’est-à-dire renvoyé à 20 jours, après la signature de l’accord, pour le soumettre au gouvernement. De quel gouvernement s’agit-il ? Est-ce celui de Matata, en position de départ ? Ou celui qui sortira du dialogue ? Des questions que l’accord politique de la cité de l’UA a superbement ignorées – à dessein certainement.

Que faire ?

La solution passe par l’implication de la communauté internationale. Or, contrairement à l’Union africaine, la communauté internationale, portée essentiellement par les Etats-Unis et l’Union européenne (UE), n’adhère pas totalement aux options levées dans l’accord politique de la cité de l’UA. A Washington et à Bruxelles, on continue à soutenir l’idée d’un dialogue plus inclusif pour accroitre les chances de désamorcer la crise en RDC. Bien plus, les Etats-Unis et l’UE sont d’avis que la tenue de la présidentielle en 2017 demeure techniquement possible, quel que soit le cas de figure.

L’accord politique de la cité de l’UA est truffé de contre-vérités. C’est un tissu de mensonge confectionné par la majorité au pouvoir d’autant qu’il consacre subtilement le glissement sans fin du cycle électoral.

== // ==

Chapitre VII : Du Budget et du financement des élections

Article 11 :

Les Parties prenantes recommandent à la CENI de produire un budget rationnel pour l’ensemble des opérations électorales conformément à l’option levée et assorti d’un plan de mise en œuvre opérationnel crédible et réaliste.

Article 12 :

Les Parties prenantes recommandent au Gouvernement:

– de mobiliser les ressources nécessaires pour les budgets des élections et à respecter scrupuleusement le Plan de décaissement convenu avec la CENI, conformément au Plan de mise en œuvre opérationnel;

– de constituer une provision trimestrielle au profit de la CENI conformément à son plan de décaissement pour financer l’ensemble du processus électoral, en ce compris la sécurisation du processus;

– de fournir la totalité des ressources nécessaires pour financer les élections;

– d’explorer les voies et moyens de rationalisation du système électoral pour réduire les coûts excessifs des élections.

Article 13 :

Les Parties prenantes recommandent au Parlement d’exercer trimestriellement le contrôle sur l’utilisation des ressources budgétaires mises à la disposition de la CENI.

Article 14 :

Dans les vingt (20) jours qui suivent la signature du présent Accord, la CENI prépare un budget détaillé pour l’ensemble du processus électoral et le soumet au Gouvernement.

A lire aussi

Les oubliés : Chronique des Héros de Wenge Musica

C’est le nom de cette chronique qui retrace dans les moindres détails les noms et …

Laisser un commentaire