samedi , 7 novembre 2020
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Université est morte en RDC ?

On le croit mort, en encéphalogramme plat, avec des apparences de vie entretenues par des habitudes où l’on fait semblant d’enseigner encore pour donner le change au monde alors que le monde dans son ensemble sait qu’au Congo l’université est morte comme lieu de formation, comme lieu de la recherche et comme lieu de production des connaissances. L’image caricaturale, loin de correspondre à la réalité des choses. Ce que l’on ne sait pas dans l’image convenue entretenue par toutes les rumeurs négatives sur ce qui se passe dans notre pays, c’est le fait qu’actuellement l’université congolaise est dans un processus de résurrection dont on doit peu à peu attendre une révolution des connaissances et des pratiques pédagogiques dans les années qui viennent. Face à des signes évidents du réveil de l’espace universitaire congolais, il est bon de sortir du pessimisme pour un nouvel élan dont tous les acteurs engagés dans les changements à impulser dans nos institutions d’enseignement supérieur devront prendre connaissance ici et maintenant.

L’éveil de l’université congolaise est encore possible. Chaque jour qui passe apporte un peu plus de visibilité. Omer Tshiunza Mbiye, professeur émérite à l’Université de Kinshasa, donne les raisons d’espérer.

A la question de savoir ce qu’il pense des universités congolaises aujourd’hui, un expert en la recherche sur l’état de l’enseignement supérieur en Afrique a un jour répondu par une méchante boutade : « Ne parlons pas des morts ».

Pour méchante qu’elle est, cette boutade n’en est pas moins l’image dominante répandue actuellement dans le monde sur l’enseignement universitaire au Congo.

On le croit mort, en encéphalogramme plat, avec des apparences de vie entretenues par des habitudes où l’on fait semblant d’enseigner encore pour donner le change au monde alors que le monde dans son ensemble sait qu’au Congo l’université est morte comme lieu de formation, comme lieu de la recherche et comme lieu de production des connaissances. L’image caricaturale, loin de correspondre à la réalité des choses

Ce que l’on ne sait pas dans l’image convenue entretenue par toutes les rumeurs négatives sur ce qui se passe dans notre pays, c’est le fait qu’actuellement l’université congolaise est dans un processus de résurrection dont on doit peu à peu attendre une révolution des connaissances et des pratiques pédagogiques dans les années qui viennent.

Face à des signes évidents du réveil de l’espace universitaire congolais, il est bon de sortir du pessimisme pour un nouvel élan dont tous les acteurs engagés dans les changements à impulser dans nos institutions d’enseignement supérieur devront prendre connaissance ici et maintenant.

Je suis sensible à ces signes de résurrection et c’est de leur signification que je me propose de parler dans la présente réflexion, dans le but de secouer l’ensemble du monde universitaire congolais pour qu’il s’engage dans la dynamique nouvelle qui prend naissance et se déploie peu à peu.
Un signe évident de résurrection

Le fait est trop rare pour qu’on ne le mette pas en lumière vigoureusement : le Premier Ministre de notre pays, Matata Ponyo Mapon, vient de présenter un mémoire de DEA en économie à l’Université de Kinshasa, sur un thème très significatif : « Efficacité des institutions et progrès économique ».

Derrière ce geste purement académique vibre une conscience dont on ne peut comprendre la portée que si on l’inscrit dans l’ensemble d’une politique nationale de résurrection des institutions d’enseignement supérieur.

A l’échelle de responsabilité qui est la sienne et avec les informations abondantes dont il dispose sur les réalités congolaises, africaines et mondiales, le chef du gouvernement aurait pu se tourner vers des universités étrangères prestigieuses pour solliciter un diplôme qui aurait eu un grand rayonnement intellectuel.

Il aurait pu sans problème s’adresser à des économistes de renommée mondiale qu’il connaît et se placer sous leur parapluie universitaire pour se tailler une place de premier plan dans la production des connaissances sur le Congo. Ce n’est pas cela qu’il a fait : il est resté fidèle à l’université nationale qui l’a formé et aux maîtres qui l’ont connu et dont il a sollicité le jugement sans complaisance ni parti pris.

Il a voulu en cela faire comprendre aux universitaires du pays la confiance de la politique gouvernementale dans l’Université congolaise qu’il s’agit de redresser et dont il faut redorer le blason dans le monde. Une politique globale est lancée et c’est elle qui constitue un grand signe d’engagement pour de nouveaux choix chez les universitaires congolais.

Je ne peux pas ne pas signaler que le Premier Ministre du pays avait déjà accepté il y a quelques mois les honneurs d’un doctorat honoris causa que l’Université protestante du Congo lui avait octroyé. Là aussi, au-delà du rituel convenu et de ses brillances académiques, c’est la confiance dans l’université congolaise et le choix de la redresser qui est en jeu.

On n’accepte pas un doctorat honoris causa de la part d’une institution que l’on considère comme une coquille vide, surtout quand on est à la tête du Gouvernement d’un pays. On l’accepte quand on a foi dans l’institution universitaire de sa nation et qu’on a en tête une politique globale pour le système éducatif. Le Premier Ministre s’inscrit dans cette orientation.

Cela s’est vu dans la manière dont il a lancée une dynamique de reconnaissance de la valeur des professeurs qui l’ont formé comme il l’a fait dans la grande cérémonie d’hommage au professeur Mwalaba à l’Université de Lubumbashi.

C’est là qu’il a montré par sa présence à cette cérémonie et par son intervention que l’intention qui l’animait était celle de la résurrection et du redressement de l’université congolaise dans l’ensemble de ses missions d’éducation, de recherche et de production de connaissances.

On a pu voir à quel point la mission de la revalorisation de cette prestigieuse institution qui fut la gloire du Congo au temps de l’université Lovanium et des débuts de l’UNAZA préoccupait le Premier Ministre.

La chiquenaude du Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire

La preuve de cet intérêt et de cette ambition est visible dans la manière dont l’actuel Ministre de l’enseignement supérieur conduit la politique d’assainissement des universités congolaises.

En supprimant beaucoup de structures non viables dans notre système universitaire national, le Ministre a commencé un nettoyage qui se poursuivra sans doute d’année en année pour ne laisser que des institutions dont la valeur scientifique sera avérée.

Il est significatif à cet égard qu’il ait aussi demandé à chaque université d’inscrire dans son budget la publication d’une revue universitaire de haut niveau où les enseignants et les chercheurs pourront faire montre de leur créativité et de leur génie.

Il ne s’agit pas d’une décision prise à la légère, mais d’une exigence à laquelle aucune institution universitaire ne pourra échapper sans encourir de sanctions académiques visibles.

Toujours à l’actif de l’actuel Ministre de l’enseignement supérieur, la conscientisation du monde universitaire à la revitalisation éthique des établissements d’enseignement supérieur, afin que disparaissent le système d’antivaleurs qui a conduit à l’effondrement de notre système éducatif au Congo.

En mettant l’éthique au centre de la résurrection de l’université congolaise, le Ministre cherche à donner à l’enseignement, à la recherche et à la production des connaissances un souffle sans lequel on ne peut pas parler d’une université de qualité dans notre pays. On peut espérer que ce souffle fera disparaître bientôt les gangrènes de la corruption, des points sexuellement transmissibles, de la disparition des cotes des étudiants, de la médiocrité de l’enseignement dispensé par certains professeurs et du faible niveau intellectuel des jeunes générations aujourd’hui.

Même si l’on peut dire que certaines des nominations qu’il a décidé à la tête des institutions universitaires de l’Etat n’ont pas bénéficié de toute l’information et de toute la lucidité nécessaires sur la qualité éthique et scientifique des certaines personnes placées à la tête des institutions, on doit accueillir avec joie la volonté qui y est manifestée d’avoir une nouvelle université congolaise.

Une université solide, performante et capable de mettre sur le marché de l’emploi et dans la société des hommes et des femmes capables de maîtriser les grands enjeux mondiaux d’aujourd’hui.

Le printemps de l’Université Congolaise est-il en marche ?

L’impulsion donnée par le gouvernement de la République à travers le Premier ministre et le Ministre de l’enseignement supérieur commence à donner du fruit dans l’imaginaire universitaire congolais.

On entend un certain nombre d’enseignants parler de la nouvelle confiance qu’ils ont dans nos institutions universitaires. On voit se lever une nouvelle volonté de la part de professeur d’être à la hauteur de leur tâche et les étudiants désirent de plus en plus que leurs universités soient de standard mondial et figurent bientôt à des places enviables dans le classement annuel mondial des institutions universitaires.

Tout cela constitue de bons signes, mais il faut éviter qu’ils ne soient comme une seule hirondelle qui ne fait pas le printemps.

Si j’ai mis en lumière tous les signes dont je viens de parler, mon ambition est de m’adresser à tout le monde universitaire du Congo pour dire une seule vérité fondamentale : le combat qui se mène aujourd’hui pour la résurrection de l’université congolaise est décisif. C’est le combat où tout le monde est appelé à des engagements personnels et aux actions collectives pour changer l’image de notre université dans le monde, avec une multitude d’hirondelles qui feront son printemps.

Il est inacceptable que notre université soit perçue comme elle est perçue en Afrique et dans le monde sans que cela ne suscite en nous un sursaut d’orgueil et une volonté de montrer au monde ce que nous Congolais, nous savons faire pour construire notre destinée dans le monde d’aujourd’hui. Il est impensable qu’en matière de connaissance, de savoir, de savoir- faire et de la créativité scientifique, nous ne montrions pas au monde tout le génie qui est le nôtre. Le temps de la résilience universitaire est venu et c’est un temps de décisions radicales pour réfléchir profondément sur l’essentiel à entreprendre en matière de révolution pédagogique, de révolution scientifique et d’inventivité technologique au Congo.

Quand je parle de révolution pédagogique, je pense à tout ce qu’il y a à entreprendre dans le domaine des infrastructures universitaires, dans la réhabilitation de la lecture des grandes œuvres de l’humanité, dans la relance de la culture de l’intelligence et dans la valorisation de la créativité au sein de nos universités.

Quand je parle de la révolution scientifique, je pense à la qualité de nos productions théoriques et pratiques dans les universités congolaises, de manière à faire de nos institutions d’enseignement supérieur des lieux où l’on attend que les universitaires résolvent concrètement les problèmes de nos sociétés grâce à un certain type d’esprit et à une certaine capacité d’agir dans le monde.

Quand je parle de l’inventivité technologique, je pense à la promotion de la science et de la technologie au Congo. Ce sont des domaines indispensables au développement durable et à la transformation sociale.

Tous les pays qui ont une influence dans le monde actuel prennent soin d’investir dans la science et dans la technologie. L’Inde, la Chine pour ne citer que les deux dits émergents alors que la Chine est la deuxième puissance économique mondiale

Si nous ne comprenons pas que la résurrection de l’université congolaise doit être la matrice de ces révolutions et qu’il faut créer des institutions qui deviennent le creuset de ces révolutions, nous risquons de louper la révolution dite de la modernité que la R.D.Congo à l’ambition de réussir. Nous risquons de réduire cette « révolution » à un slogan vide comme beaucoup d’autres slogans dont les cadavres jonchent notre histoire.

Il y a deux institutions indispensables auxquelles le Premier Ministre et son ministre de l’enseignement supérieur devraient être sensibles et qu’ils devraient penser créer pour la résurrection de notre université :

– une académie nationale des sciences où les meilleurs cerveaux du pays mettront ensemble leur génie en permanence afin d’inventer un Congo à la hauteur des enjeux du monde actuel :
– et un réseau de centres congolais de recherche qui pourront animer la vie scientifique de manière vigoureuse et créative.

Je n’ose pas croire qu’à la Primature et au Ministère de l’Enseignement Supérieur, on n’a pas en tête ces institutions nouvelles pour la construction de notre avenir.

[Tsuiunza Mbiye, Professeur Emérite Unikin]

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